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La CNCDH entend prouver, décisions de justice à l’appui, l’existence d’un « délit de solidarité »

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Des personnes fournissant une aide ponctuelle désintéressée à des étrangers en situation irrégulière peuvent être condamnées ou poursuivies pour délit d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers. Le « délit de solidarité » existe donc bel et bien. C’est en tout cas ce qu’a cherché à démontrer la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) dans une note du 6 janvier qu’elle vient de rendre publique (1).

La démarche de la CNCDH fait suite à des échanges qu’elle a eus en novembre 2009 avec le ministre de l’Immigration de l’époque, Eric Besson. Ce dernier niait alors avec force l’existence d’un tel délit, assurant qu’aucune condamnation n’était prise à l’encontre de personnes ayant fourni une aide humanitaire au titre de l’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers, grâce notamment au système d’immunités prévu par la loi et en particulier à l’immunité dite « humanitaire ». Une immunité accordée notamment à « toute personne physique ou morale, lorsque l’acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l’étranger, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s’il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte ». Les affirmations du ministre allaient pourtant à l’encontre de différents témoignages reçus par la commission, notamment au travers de ses associations membres. Pour en avoir le cœur net, l’instance consultative a donc entrepris un travail de recherche et d’analyse de décisions de justice.

La CNCDH ne s’est pas limitée aux seuls exemples de condamnations pénales mais a également inclus les cas de personnes placées en garde à vue, les décisions de relaxe ainsi que les condamnations pénales assorties d’une dispense de peine. La garde à vue est en effet une mesure privative de liberté dont les effets sont traumatisants et peut donc avoir des conséquences graves pour les personnes, quand bien même elle n’aboutirait pas à une condamnation pénale, explique la commission. Quant aux décisions de relaxe et aux condamnations pénales assorties d’une dispense de peine, elles supposent nécessairement la mise en mouvement de l’action publique par le parquet et, pour les condamnations assorties d’une dispense de peine, une déclaration de culpabilité préalable par le tribunal correctionnel avec inscription au casier judiciaire, sauf décision contraire. En outre, au-delà de la comparution elle-même, elles supposent le plus souvent le règlement des honoraires d’un avocat et des frais fixes de procédure.

Au final, à la lecture des faits étant à l’origine des jugements, des jugements eux-mêmes et des divers actes de procédure qu’elle a répertoriés, la CNCDH est parvenue à la conclusion que de simples actes de solidarité sont bel et bien sanctionnés, entraînant la mise en mouvement de l’action publique ou des appels interjetés par le ministère public, ou bien encore l’ouverture d’une enquête de police avec, le cas échéant, une mise en garde à vue au titre du délit d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers. L’instance en multiplie les exemples. Elle fait ainsi état de plusieurs personnes mises en cause pour avoir hébergé un clandestin alors qu’il s’agissait de futurs époux ou de membres de la famille. Elle évoque également le cas de personnes inquiétés pour avoir transporté de manière ponctuelle un étranger en situation irrégulière. Ainsi, un homme ayant conduit un clandestin jusqu’à un supermarché afin de permettre à celui-ci de se restaurer a été condamné à 15 jours de prison avec sursis. La CNCDH donne également l’exemple d’une femme placée en garde à vue après avoir conduit deux migrants blessés à l’hôpital ou bien encore d’une autre, appelée à comparaître devant le tribunal correctionnel après avoir hébergé un mineur isolé sans domicile.

En résumé, pour la commission, le système des immunités « n’est pas suffisant » pour éviter que des personnes ayant agi par solidarité soient inquiétées. L’instance plaide en conséquence pour une inversion de la logique du dispositif en vigueur. Autrement dit, elle souhaite que l’immunité soit le principe et l’infraction l’exception.

Rappelons que, afin de rendre plus explicite l’immunité humanitaire, le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité – adopté en octobre dernier, en première lecture, par l’Assemblée nationale et qui doit désormais être examiné par les sénateurs – prévoit une modification du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en substituant au motif de « sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l’étranger » celui tenant à « la sauvegarde de la personne » (2).

Notes

(1) Disp. sur www.cncdh.fr.

(2) 09/04/Voir ASH n° 2654 du 9-04-10, p. 5.

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