Saisi par plusieurs associations de défense des droits des étrangers (1), le Conseil d’Etat considère, dans une décision du 10 décembre dernier, que la France n’a pas procédé à une transposition complète de la directive européenne du 1er décembre 2005 relative aux normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres (2), et enjoint donc au Premier ministre de rectifier le tir dans un délai de quatre mois.
Les associations requérantes estimaient que, en cherchant à transposer cette directive via un décret publié en juillet 2008 (3), le gouvernement en avait oublié certaines dispositions. Elles avaient, en conséquence, réclamé au Premier ministre qu’il prenne les mesures réglementaires nécessaires pour aboutir à une transposition complète, mais leur demande était restée lettre morte. Elles attendaient ainsi du Conseil d’Etat qu’il annule la décision résultant du silence gardé par Matignon. La Haute Juridiction leur a partiellement donné satisfaction retenant leurs arguments sur deux points.
Et en premier lieu sur la question de l’information des demandeurs d’asile sur leurs droits. La directive européenne du 1er décembre 2005 impose notamment que les demandeurs d’asile soient informés, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu’ils la comprennent, de la procédure à suivre et de leurs droits et obligations au cours de cette procédure. Or, pour le Conseil d’Etat, si cette exigence est respectée vis-à-vis de l’étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d’asile, elle ne l’est pas s’agissant des étrangers se trouvant déjà à l’intérieur du territoire français et qui sollicitent leur admission au séjour au titre de l’asile. L’article R. 741-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui concerne cette catégorie d’étrangers, prévoit bien qu’une information sur leurs droits est fournie aux intéressés, avec la remise d’un guide du demandeur d’asile traduit dans six langues… mais pour la Haute Juridiction, l’exigence posée par la directive d’une information délivrée dans une langue dont il est raisonnable de supposer que l’étranger la comprend n’est pas satisfaite avec cette disposition. Aux yeux des sages, à supposer même que les six langues choisies soient parmi les plus pratiquées par les demandeurs d’asile, l’objectif d’information n’est pas rempli.
Le Conseil d’Etat note par ailleurs que l’information sur les droits des étrangers imposée par le texte européen n’est pas prévue à d’autres stades de la procédure. Tel est le cas, par exemple, au niveau de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) – qui statue sur les demandes d’asile –, au niveau de la Cour nationale du droit d’asile ou bien encore s’agissant des étrangers placés en rétention administrative. Il demande donc, là encore, au Premier ministre de faire le nécessaire pour que le droit des étrangers à être informés sur leurs droits dans une langue comprise par eux soit respecté à tous les stades de la procédure.
Autre point sur lequel le Conseil d’Etat aura donné raison aux associations requérantes : la transmission à l’étranger qui s’est présenté à la frontière de son compte rendu d’entretien. Les magistrats estiment que, conformément à ce que prévoit la directive, même lorsque la demande d’asile formée par l’intéressé est traitée selon la procédure prioritaire, ce dernier doit avoir accès au rapport de son audition devant l’OFPRA. Or le pouvoir réglementaire n’a pas prévu une telle communication dans le cadre de cette procédure. Ce faisant, il n’a donc pas procédé à une transposition complète du texte européen.
(1) La Cimade, l’Association d’accueil aux médecins et aux personnels de santé réfugiés en France et la Ligue des droits de l’Homme.