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Equipes Alzheimer : une approche trop comportementale ?

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Le IIIe plan Alzheimer 2008-2012 a consacré un important volet au domicile. Parmi les mesures adoptées, les « équipes spécialisées Alzheimer », chargées de prodiguer des séances de réadaptation au patient à domicile, ont provoqué autant d’enthousiasme que de crainte. Positives par leur action, elles apparaissent aussi comme un symbole de l’orientation très cognitive de ce plan pour de nombreux acteurs.

Le paysage de la maladie d’Alzheimer en France tient en peu de chiffres : sur environ 800 000 malades recensés, 60 % sont accompagnés au domicile, la plupart du temps avec de simples aides techniques, et, à un stade avancé de la maladie, plus de 50 % résident en établissement. Après deux premiers plans qui ont chacun apporté leur lot d’améliorations dans l’offre de services des institutions sanitaires et médico-sociales, le IIIe plan Alzheimer 2008-2012 (1) a consacré un important chapitre au domicile. Un domaine particulièrement sensible, marqué par l’attachement souvent fusionnel des aidants familiaux à leur proche malade tout autant que par l’impréparation des professionnels pour faire face aux situations de crise. Résultat : en cas de symptômes difficiles à gérer, les défaillances dans l’accompagnement conduisent bien souvent à un transfert du patient désorienté aux urgences, puis à son placement sans préparation dans un établissement.

En l’absence actuelle de perspective thérapeutique, l’effort des pouvoirs publics s’est concentré sur la préservation autant que possible du maintien à domicile. Pour cela, des mesures de soutien destinées aux aidants ont été adoptées, notamment par l’installation de plateformes centralisant l’offre de répit au niveau local (voir encadré, page 36). Du côté du malade, l’accent a été porté sur la mobilisation des capacités restantes. « Il s’agit de trouver des stratégies de compensation, d’améliorer les performances du patient dans les activités de la vie quotidienne et, indirectement, d’amener l’aidant à mieux se comporter face à des troubles du comportement qui touchent environ 80 % des malades », explique Jean-Philippe Flouzat, gériatre et conseiller technique référent du plan Alzheimer auprès de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) (2).

Des soins de réhabilitation

Dans sa mesure six, le plan Alzheimer prône ainsi le développement au domicile de séances de soins de réhabilitation prodiguées par des équipes spécialisées. « Inspirée de travaux conduits aux Pays-Bas, la réhabilitation consiste à réaliser une évaluation des capacités du patient à accomplir les activités de la vie quotidienne, puis, en se fixant des objectifs aussi simples que s’habiller seul ou refaire à manger, à mettre en place un programme l’amenant à retrouver ces compétences », précise Jean-Philippe Flouzat. Quarante équipes pilotes de services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), composées d’un psychomotricien ou d’un ergothérapeute, d’un infirmier coordonnateur et d’assistants de soins en gérontologie, testent depuis septembre 2009 ce nouveau dispositif (3).

Du côté des SSIAD, de gros espoirs ont aussitôt entouré la création de ces « équipes spécialisées Alzheimer ». A l’Abrapa, une importante association du Bas-Rhin qui intègre la quasi-totalité des services destinés aux personnes âgées dépendantes (centre mémoire, aide à domicile, SSIAD de 476 places, plusieurs établissements et accueils de jour), on expérimente ainsi une équipe spécialisée. Rattachée à une des antennes départementales du SSIAD, celle-ci se compose d’une infirmière coordonnatrice, d’une ergothérapeute, de trois assistantes de soins en gérontologie à mi-temps, auxquelles se rajoutent des temps d’aide-soignante et d’aide médico-psychologique. « L’ergothérapeute a un rôle central puisque c’est elle qui assure la première visite au domicile, complète l’évaluation des consultations “mémoire” par l’observation des usages du domicile et travaille sur l’histoire de la personne. Sur cette base, elle identifie les activités qui vont permettre de stimuler les mémoires défaillantes pour restaurer l’autonomie », explique Martine Spencer, responsable des services de soins infirmiers à domicile et des hôpitaux de jour de l’Abrapa. L’accompagnement de l’équipe s’inspire ensuite de techniques telles que la méthode Montessori, qui permet de stimuler les fonctions cognitives. Le lieu de vie est lui-même adapté dans l’objectif de préserver l’autonomie du patient en renforçant indirectement son image de soi. A l’image de photographies d’assiettes ou de bols collées sur les placards d’une personne qui se désespérait de ne plus savoir comment ranger sa vaisselle. « Savoir à nouveau faire quelque chose chez soi est très important. Plusieurs fois par mois, nous organisons également des événements festifs dans un accueil de jour, du type thé dansant ou atelier de tricot, pour mobiliser la mémoire procédurale, recréer du lien social et démystifier l’accueil de jour », complète Martine Spencer. Dans un premier bilan effectué en juin dernier, l’Abrapa relevait ainsi 80 % de bons ou de très bons résultats, pour seulement 3 % d’échecs.

Pour autant, la greffe des équipes spécialisées sur la réalité médico-sociale n’est pas sans quelques tiraillements. Alors que le plan Alzheimer fixait entre 12 et 15 le nombre de séances de soins de réhabilitation qu’elles pouvaient prodiguer, la DGCS note que 45 % des prises en charge dépassent trois mois et sont régulièrement renouvelées alors que cette possibilité n’était prévue qu’à titre exceptionnel. « La culture d’accompagnement sur le long terme des SSIAD », évoquée par l’administration centrale, n’est pas seule en cause. « A l’issue de la prise en charge, se pose le problème du manque de services pertinents capables de prendre la suite, en même temps que la capacité de la personne à les financer », déplore Martine Spencer. Et plus le territoire est rural, plus la décision d’interrompre la prestation peut être difficile à prendre. Comme dans l’Allier, où l’AADCS (Association d’aide à domicile des centres sociaux) s’est appuyée sur les dix antennes de SSIAD qu’elle gère pour mailler le département avec dix « mini-équipes pilotes Alzheimer », comportant chacune une infirmière coordonnatrice et deux assistantes de soins en gérontologie. Un ergothérapeute et une psychomotricienne, chacun à mi-temps, complètent le dispositif. Musique, gymnastique douce, massage, ateliers cuisine, travaux de couture ou de jardinage, réapprentissage de trajets ou de gestes oubliés par la personne, amélioration du lieu de vie : là encore, ce travail complexe bute cruellement sur le passage de relais. Dans ce territoire de moyenne montagne, les déplacements sont longs et freinent la disponibilité des acteurs. « Au bout de six mois de ce fonctionnement, il est devenu clair que les renouvellements de prestation que nous pratiquions avaient un effet pervers. Le lien créé avec le pa­tient était tellement fort que, quand il fallait s’en aller, surtout alors qu’il n’y avait aucune solution derrière, la coupure était encore plus douloureuse », explique Adeline Chabrat, infirmière coordinatrice départementale à l’AADCS.

En outre, passé l’enthousiasme suscité par le démarrage de l’activité, les équipes pilotes ont vite été rattrapées par un questionnement de fond. En cause, leur façon de trancher dans la controverse qui continue d’entourer la maladie. « On trouve au sein de la communauté scientifique deux conceptions opposées : l’une cognitive plutôt axée sur la performance et la mobilisation des capacités restantes ; l’autre proche de la stimulation et basée sur le relationnel. La spécialisation telle qu’elle a été envisagée revient à prendre position pour l’approche cognitive », explique Matthieu Elgard, formateur et chercheur en sciences sociales. Une question qui prend tout son sens au moment du diagnostic ou de l’évaluation du patient, « d’autant que les outils d’évaluation sont largement constitués par des professionnels des institutions. Le risque est donc de freiner la réflexion extrêmement riche au domicile, où se retrouve une variété des troubles, des réponses et des modes de coordination avec les familles et les différents intervenants. »

Et les psychologues ?

A la Fondation Médéric-Alzheimer, qui depuis dix ans observe et finance les évolutions dans la prise en charge de la maladie (4), on est encore plus catégorique. « Tous les métiers que le IIIe plan Alzheimer rajoute dans les SSIAD relèvent de l’approche cognitivo-comportementale. A aucun moment, le plan n’évoque le rôle des psychologues, pourtant indispensa­bles pour écouter les personnes et former les équipes à la gestion des situations difficiles auxquelles elles sont confrontées. Pourquoi ? Parce qu’on a tranché en faveur d’une telle approche et que ce sont des métiers que l’on peut faire finan­cer par l’assurance maladie », pointe Marie-Jo Guisset-Martinez, gérontologue et responsable du pôle « initiatives locales » de la fondation. Selon elle, après la médicalisation de la vieillesse, « celle de l’accompagnement des patients Alzheimer reviendrait à oublier qu’un des troubles essentiels de la maladie concerne la communication ».

Certaines équipes pilotes ont dû elles-mêmes élargir la prestation. A la constitution de l’équipe spécialisée portée par le SSIAD « Santé chez soi » de l’ADMR (Association du service à domicile), à Tours, le veto de la DGCS sur le principe d’un poste de psychologue n’a guère été compris. « Alors que l’on présente ces équipes comme pluridisciplinaires, le manque est évident, souligne Muriel Le Moing, infirmière coordonnatrice. Les soins sont assurés par des aides médico-psychologiques et des auxiliaires de soins en gérontologie qui se retrouvent assez démunies lors des crises qui peuvent déstabiliser le couple aidant-aidé. De la même manière, il ne nous est pas possible d’assurer une supervision des cas avec un regard psy. » Pour sortir du cahier des charges strict du plan Alzheimer, ce SSIAD s’est donc aménagé quelques espaces de liberté. Le choix a été fait de laisser aux autres SSIAD du département les soins et le nursing, soit les deux tiers du temps des équipes spécialisées, afin de se concentrer sur les seules activités de réhabilitation. Avantage de cet accompagnement partiel : à dotation budgétaire égale, le nombre de personnes prises en charge passe de 10 à 30. Par ailleurs, « si nous remplissons les exigences du plan, soutien, mobilisation des capacités existantes, aménagement du domicile, nous cherchons aussi à changer la représentation de la maladie auprès des aidants familiaux et des équipes qui interviennent au domicile. Notamment, nous cherchons à briser l’enfermement du couple aidant-aidé et à remettre du lien social », explique Laure Blanc, directrice du SSIAD « Santé chez soi ».

Du côté des associations de familles, on préfère pointer l’avancée principale du plan gouvernemental. « Il y a peu de temps encore, on ne reconnaissait aucune spécificité à l’accompagnement des personnes malades, rappelle Judith Mollard, psychologue, chef de projet « missions sociales » de l’Union France Alzheimer. Ce qui est certain, c’est qu’il ne faut pas rétrécir le champ d’action autour de cette maladie et qu’il faut maintenant engager une réflexion beaucoup plus ouverte sur l’accompagnement. » Mandatée dans le cadre du plan Alzheimer 2008-2012 pour mettre en place une formation de 14 heures destinée aux aidants naturels, l’Union France Alzheimer aborde avec eux les limites de leur engagement afin de mieux articuler leur action avec celle des professionnels dans la famille. Parallèlement, l’association anime avec des spécialistes de l’hôpital Broca, à Paris, un diplôme inter-universitaire « Ethique et soins des malades d’Alzheimer et de leurs familles », porté par la faculté de médecine Paris-Descartes. L’objectif est, cette fois, de former la chaîne des intervenants (gériatres, paramédicaux, soignants, auxiliaires de vie, bénévoles) à la prise en charge du malade et de sa famille dans le cadre d’une réflexion éthique permettant d’explorer des situations aussi délicates que le consentement aux soins ou la liberté d’aller et venir du patient. « Nous militons pour la reconnaissance des compétences de l’aidant, mais également de celles du malade, que l’on a longtemps considéré comme inapte à pouvoir juger de la pertinence d’une décision qui le concerne », résume Judith Mollard.

La diffusion de cette philosophie d’action reste toutefois encore assez embryonnaire, reconnaît l’union. Une enquête interne conduite auprès des médecins généralistes montre que ceux-ci placent les services délivrés par les associations de famille au second rang de leurs recommandations. De même, l’association France Alzheimer de l’Yonne, qui anime depuis quatre ans un groupe de réflexion éthique sur l’accompagnement des malades, constate que seuls les personnels des EHPAD (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) voisins y participent « alors qu’il serait nécessaire d’y intégrer ceux de l’aide à domicile ». Pour Danièle Lorrot, présidente de l’association France Alzheimer de l’Yonne, « les associations du domicile traversent une période tellement difficile que nos exigences d’éthique s’ajoutent à tout le reste. Nous proposons également aux SSIAD des formations destinées à élargir la notion de soins, et là encore les candidats sont rares. Ce qui prouve qu’il y a encore du travail à accomplir pour que l’accompagnement des malades n’apparaisse pas seulement comme une activité douloureuse réservée aux soignants. »

Pour l’heure, les initiatives spontanées des professionnels tendent pour l’essentiel vers la continuité des accompagnements. Dans les établissements, le développement des accueils de jour et des accueils temporaires, initié par le IIe plan Alzheimer, a correspondu à une plus grande ouverture sur la communauté locale, jusqu’à, pour certains, aller au-devant des familles. La maison de retraite publique de Carrouges, dans l’Orne, fait ainsi office de précurseur. Dès 2004, face à la difficulté de procéder à l’accueil définitif des patients dans son unité spécialisée, cet EHPAD a créé l’une des toutes premières équipe mobile Alzheimer sur le modèle québécois du « balluchon Alzheimer ». Après un signalement, la neuropsychologue de la structure se rend au domicile, établit un premier bilan des besoins du malade et de l’aidant, et pose le cadre d’un accompagnement assuré par le personnel de l’unité Alzheimer. Financé au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie de la personne, celui-ci consiste en des séances de stimulation d’une heure et demie répétées jusqu’à trois fois par semaine. « Le but est de développer une prise en charge relationnelle dans une approche sociale et psychologique de la personne, en même temps que de donner à l’aidant un peu de répit, précise Colette Espallargas-Adam, directrice de la maison de retraite de Carrouges. Cela permet aussi au couple aidant-aidé de se familiariser avec les intervenants d’une structure comme la nôtre dans le cas d’une éventuelle intégration. »

Un accueil de jour itinérant

Mailler le territoire, briser le silence entourant la maladie, restent également des priorités. En Indre-et-Loire, une étude conduite en 2005 par la DDASS, le conseil général et la Mutualité française d’Indre-Touraine, gestionnaire des Relais Cajou (trois accueils de jour pour personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer) constatait la répartition très inégale des solutions de répit dans le département : zones très rurales dépourvues d’accueil de jour, difficultés de transport, densité de population ne justifiant pas par endroits la création de places ouvertes toute la semaine. La solution retenue a été de rendre l’accueil de jour itinérant. Une équipe de professionnels des Relais Cajou va au moins un jour par semaine dans des locaux aménagés mis à disposition par des communes partenaires pour pratiquer des séances de stimulation. Le dispositif mobile fonctionne à partir d’un roulement établi par ses commanditaires et travaille en concertation avec l’ensemble des acteurs du soin du département. « L’intérêt de cette formule est de limiter le problème du transport des personnes accueillies, ce qui leur permet de rester dans leur environnement habituel. C’est également un moyen d’instaurer une dynamique autour de la maladie, sur un territoire, avec les professionnels mais aussi avec les personnes âgées en bonne santé », explique Emmanuelle Grivel-Barré, psychologue coordinatrice des Relais Cajou.

Point commun de ce foisonnement de dispositifs : leur développement spontané en réponse à des carences locales. « C’est pourquoi il faut rester attentif à ce que les plans gouvernementaux n’assèchent pas les initiatives prises par les acteurs du terrain », alerte Raymonde Poncet, directrice générale de l’association lyonnaise SMD, porteuse elle aussi d’une équipe pilote. Développant depuis des années une démarche d’accompagnement global des personnes souffrant de troubles cognitifs (notamment au travers d’ateliers sensoriels à domicile et la spécialisation, dès 2007, d’une équipe de SSIAD sur la maladie d’Alzheimer), c’est tout naturellement que cette association s’est inscrite dans la mesure six du plan Alzheimer en y voyant une forme de légitimation de son fonctionnement. Pour autant, Raymonde Poncet confie « avoir dû forcer le système pour y rentrer ». Une psychologue a été incorporée « d’autorité » lors de la constitution de l’équipe et l’association a financé sur ses fonds propres un temps de coordinatrice sociale, chargée de réguler les situations familiales complexes. De même, les 15 séances prévues sont ouvertement et systématiquement reconduites. Des choix cohérents avec la politique de l’association, mais qui ont dû être arrachés à un cahier des charges trop restrictif, « au point de faire de la coordinatrice sociale un passager clandestin », regrette Raymonde Poncet. « Il faut quand même se souvenir que les malades sont des personnes, et que l’on parle bien là d’humanité. Il ne s’agit pas seulement de faire de la rééducation cognitive du sujet sur quelques séances, ce qui tend vers une forme d’instrumentalisation. Les associations, elles, travaillent sur un terme plus long et c’est toute la richesse de leurs pratiques que le plan doit savoir reconnaître. »

Avec la généralisation des équipes spécialisées prévue fin 2012 (5), le débat a son importance. « Il faut s’inscrire en faux contre un modèle-type de “SSIAD Alzheimer” ou une défnition-type de l’accompagnement, estime Marie-Jo Guisset-Martinez. Que les équipes spécialisées servent à affiner les réponses, pourquoi pas. Mais arrêtons d’expérimenter et passons à la vitesse supérieure ! »

ALZHEIMER À DOMICILE : L’IMPORTANCE DU RELAIS

Selon un bilan dressé à mi-parcours du plan Alzheimer 2008-2012, près de 1 250 personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer avaient été prises en charge par la quarantaine d’équipes spécialisées entre septembre 2009 et juin 2010. Plus de 80 % des patients étaient âgés de 70 à 89 ans, mais 17 % avaient moins de 60 ans, et le diagnostic de la maladie était posé avec certitude dans environ 70 % des cas. « Il reste assez difficile de convaincre les patients qui ne voient pas la nécessité de cet accompagnement, et environ un tiers d’entre eux sont pris en charge au stade de la crise », reconnaît toutefois Sophie Bouches, chargée de mission à la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) Quant aux orientations à la suite de l’intervention des équipes, elles s’effectuent majoritairement vers les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et les accueils de jour. Toutefois, 13 % se font vers des institutions « alors que l’objectif de la prestation est le maintien à domicile ».

Afin d’élargir les possibilités de relais et de soutien, 11 plateformes de répit sont en cours d’expérimentation. Celles-ci centralisent les services portés par les acteurs locaux (accueil de jour, garde de nuit, hébergement temporaire, accueil familial, séjours de vacances, etc.), et répartissent les demandes des familles après une première évaluation de leurs besoins. Véritable porte d’entrée sur l’offre de répit, ces dispositifs ont permis, depuis leur création en 2009, à près de 900 couples aidants-aidés de bénéficier au moins de deux actions de répit et d’accompagnement sur six mois. Afin de permettre la généralisation des plateformes, les objectifs du plan pour les accueils de jour, initialement fixés à 2 200 places par an, sont transformés, à compter de 2011, en 1 200 places par an et 75 plateformes (équivalent à 1 000 places par an).

PREMIÈRES LEÇONS SUR L’EXPÉRIENCE DES ÉQUIPES SPÉCIALISÉES ALZHEIMER

Franck Guichet, sociologue, a suivi une équipe spécialisée Alzheimer à l’Association de soins et de services à domicile (ASSAD) de Dunkerque (Nord), dans le cadre d’une étude conduite pour la direction générale de la cohésion sociale (6). Il s’est interrogé en particulier sur le statut expérimental de ces équipes, et surtout sur ce que les autorités en attendaient. « Etaient-elles les prestataires d’un modèle déjà établi qu’elles devaient mettre à l’essai, ou étaient-elles des partenaires capables d’apporter une connaissance de la réalité de la maladie aux autorités sanitaires dans le but d’affiner les politiques ? » Une question qui ne semble pas avoir trouvé de réponse évidente. De fait, ces équipes se heurtent à trois problèmes : la définition de la prestation de soins de réhabilitation, le cahier des charges auquel elles doivent se conformer, et leur intégration dans le paysage de la maladie.

Sur la définition des prestations, le choix entre une prise en charge partielle, centrée sur les activités, et une prise en charge globale, incluant le soin et la toilette, apparaît difficile. Les pouvoirs publics semblent aujourd’hui pencher pour la prise en charge partielle, assure le sociologue, « sauf qu’on sait très bien que la toilette est la première demande d’aide. Si dans certains cas celle-ci s’avère un support de contact avec la personne, pourquoi s’en priver ? »

D’autre part, une grande attention est portée par les tutelles au nombre de séances. Problème : comment fixer un nombre précis dans un cahier des charges ? « Il serait préférable de laisser une part de liberté aux équipes pour déterminer elles-mêmes les besoins », suggère Franck Guichet. Idem pour le cahier des charges. Celui-ci fixe la composition d’une équipe à un équivalent temps plein (ETP) d’ergothérapeute ou de psychomotricien, 1,5 ETP d’assistant de soins en gérontologie et 0,25 ETP d’infirmier coordonnateur. « Mais quand on regarde de près la pratique des infirmières coordonnatrices, on se rend compte qu’elles en font beaucoup plus. » C’est particulièrement vrai dans les situations difficiles, comme en cas de refus de soins ou de déficience de la famille, qui vont nécessiter un intense travail d’articulation entre les différents partenaires de la prise en charge. En outre, à force de réunir des éléments d’information sur la personne, cette professionnelle n’est pas très loin de réaliser une feuille de route pour les acteurs de l’équipe spécialisée, quand ce n’est pas purement et simplement de la gestion de cas, estime le chercheur. « Or ce travail n’est pas défini dans ses fonctions officielles. »

Enfin, l’intégration des équipes sur le terrain n’est pas des plus aisée. En cause, leur propension à mettre à plat l’ensemble des moyens et des aides et à réfléchir si la prise en charge est adaptée, et surtout, comment elle va devoir évoluer pour prendre en compte les effets de la réhabilitation. « Ce que les équipes spécialisées repèrent très bien, c’est tout ce qui va limiter le mode de vie des personnes. A ce titre, elles effectuent sans le dire une analyse des risques déterminante pour le choix d’une solution relais, qui malheureusement reste souvent lettre morte faute de moyens locaux. » Pour Franck Guichet, la « réalité nouvelle de la maladie » que propose les équipes spécialisées tient alors autant aux pratiques qu’elles véhiculent qu’à « l’observation et la réflexion qu’elles développent sur les failles du système de prise en charge ».

D’où l’importance de l’interprétation que les pouvoirs publics feront des résultats de cette expérimentation.

Notes

(1) Voir ASH n° 2544 du 8-02-05, p. 5.

(2) Lors de la journée « Accompagnement des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer : état des lieux », organisée par l’UNA, le 20 septembre 2010.

(3) Voir notre réportage sur une équipe en Ille-et-Vilaine, ASH n° 2663 du 11-06-10, p. 38.

(4) La Fondation Médéric-Alzheimer récompensait le 30 novembre dernier 34 projets de terrain ou recherches en sciences humaines et sociale consacrés à la maladie d’Alzheimer. Fondation Médéric-Alzheimer : 30, rue de Prony – 75017 Paris – www.fondation-mederic-alzheimer.org.

(5) 335 équipes sont prévues pour fin 2011 et 500 fin 2012.

(6) « Equipes spécialisées Alzheimer : premiers éléments de description et de réflexion sur une expérimentation en cours » – Franck Guichet, sociologue, Annie Ocquet, infirmière coordinatrice, 2010.

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