Le 17 décembre 2010, le Conseil d’Etat a écarté la responsabilité de l’Etat s’agissant d’une agression mortelle perpétrée par un mineur, placé dans un lieu de vie privé sur le fondement de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, sur un autre mineur accueilli dans la même structure et sur le même fondement.
Dans cette affaire, un mineur était confié à un lieu de vie en application d’une décision judiciaire de placement prise sur le fondement de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. En juillet 2005, il a été mortellement blessé par un autre mineur placé dans ce lieu de vie sur le même fondement. En juin 2007, la cour d’assises des mineurs a condamné l’auteur des faits à indemniser les ayants droit de la victime. Après une décision favorable de la commission d’indemnisation des victimes d’infractions, le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions (FGVTI) s’est trouvé légalement débiteur de ces indemnités, qu’il a versées aux ayants droit en juillet 2008, après avoir préalablement demandé à l’Etat de lui en rembourser le montant. L’administration ayant refusé, le FGVTI a saisi la justice. Le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse puis celui de la cour administrative d’appel de Bordeaux ont accordé au fonds une provision de 50 000 €. Selon les magistrats, la responsabilité de l’Etat était engagée en sa qualité de gardien des deux mineurs en cause. Le ministre de la Justice a demandé au Conseil d’Etat d’annuler ces décisions.
La Haute Juridiction estime que les juges ont donné aux faits une qualification juridique erronée en relevant que le lieu de vie dépendait de la direction départementale de la protection judiciaire de la jeunesse pour en déduire la responsabilité de l’Etat en qualité de gardien des mineurs. En réalité, indique-t-elle, le lieu de vie et d’accueil auquel ont été confiés les deux mineurs impliqués relève du III de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles. Il s’agit d’une structure privée habilitée qui n’est pas placée sous l’autorité des services de l’Etat. De plus, est-il rappelé, la décision par laquelle une juridiction des mineurs confie la garde d’un mineur, dans le cadre d’une mesure prise sur le fondement de l’ordonnance du 2 février 1945, à une section d’accueil d’une institution privée habilitée à cet effet transfère à celle-ci la responsabilité d’organiser, de diriger et de contrôler la vie du mineur. Par suite, la responsabilité de l’Etat ne pouvait pas être engagée sur ce fondement dès lors que le lieu de vie exerçait la garde des deux mineurs en tant qu’institution autonome ne relevant pas d’un service de l’Etat. Le Conseil d’Etat rejette par ailleurs la responsabilité sans faute de l’Etat sur le fondement du risque spécial créé pour les tiers du fait de la mise en œuvre d’une des mesures de liberté surveillée prévues par l’ordonnance du 2 février 1945. En effet, les deux mineurs avaient tous les deux la qualité d’usagers du service public en étant placés dans le lieu de vie par décision de l’autorité judiciaire. Les décisions des juges toulousain et bordelais sont donc annulées.