Les dispositions relatives à l’interdiction de dissimuler son visage dans l’espace public prévues dans la loi « anti-burqa » du 11 octobre 2010 n’entreront en vigueur que le 12 avril 2011, six mois après la promulgation du texte (1). Une mesure issue de la loi est toutefois d’ores et déjà applicable, tant dans l’espace public que dans la sphère privée : le nouveau délit d’atteinte à la dignité de la personne humaine, passible de un an de prison et de 30 000 € d’amende pour quiconque contraindrait une personne, en raison de son sexe et « par menace, violence ou contrainte, abus de pouvoir ou abus d’autorité », à se dissimuler le visage (2). Dans une circulaire qui vient de paraître, le ministère de la Justice présente le délit aux parquets.
Il souligne en particulier que les faits ne sont répréhensibles que si l’auteur de l’infraction a eu la volonté de dissimuler le visage d’autrui en raison de son sexe. Si l’instigation à cacher le visage d’autrui repose sur un autre motif, la nouvelle incrimination n’est donc pas applicable. Pour l’essentiel, ce délit vise ainsi à réprimer le fait de forcer une femme à cacher son visage, « notamment par le port du voile intégral, à savoir la burqa ou le niqab », indique clairement la circulaire.
La chancellerie signale par ailleurs que la loi n’exige pas que l’abus d’autorité ou de pouvoir émane d’une personne disposant d’une autorité de droit, « ce qui peut par exemple être le cas du père ou de la mère de la victime ». En conséquence, « il suffit que l’auteur ait abusé de l’emprise morale qu’il avait en fait sur [l’intéressée], ce qui peut par exemple être le cas du frère, du mari ou du concubin de celle-ci ».
Plus globalement, les parquets confrontés à ce type de comportement sont invités à apporter une réponse pénale « empreinte de fermeté ». Ainsi, « les faits d’instigation à dissimuler son visage ne sauraient être traités, sauf circonstances particulières, dans le cadre de mesures alternatives aux poursuites », indique le ministère de la Justice en souhaitant que les parquets privilégient les poursuites correctionnelles. Il demande également que, lorsque l’auteur des faits est le conjoint de la victime, l’enquête porte nécessairement sur l’existence d’éventuelles violences conjugales.
Enfin, il leur demande encore de requérir « toutes peines et mesures de nature à prévenir la réitération de l’infraction », citant notamment l’éviction du domicile familial du prévenu ou du condamné ou bien encore l’interdiction faite à celui-ci d’entrer en contact avec la victime dans le cadre du contrôle judiciaire ou du sursis avec mise à l’épreuve.
(2) Des peines doublées si la personne contrainte est mineure.