Edifié et écœuré : tel est l’état d’esprit dans lequel plonge la lecture de cet essai – très réussi – où l’économiste Georges Gloukoviezoff décrypte le système bancaire. Membre du conseil de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, le chercheur démonte les pratiques des banques qui, dans le cadre même d’un fonctionnement ordinaire, entravent l’existence d’une part importante de la population, voire l’empêchent de mener une vie normale. Pour Georges Gloukoviezoff, une grande diversité de publics est concernée par l’exclusion bancaire, car l’auteur définit cette notion de façon beaucoup plus large que son acception habituelle d’absence d’accès minimal aux prestations des banques. Cette phase d’exclusion au sens strict du terme n’est que l’ultime étape d’un processus continu de dégradation de la relation entre les banquiers et leurs clients aux revenus moyens ou modestes, caractérisé par les difficultés croissantes que ces derniers rencontrent dans l’utilisation des services bancaires. En effet, pour assurer la rentabilité de leur activité, les banques n’accordent pas le même traitement à tous. Ainsi les conseils et produits personnalisés sont-ils réservés aux particuliers les plus fortunés. En revanche, ceux qui doivent faire face à des situations souvent complexes et manquent de compétences financières ne bénéficient que d’une prestation standardisée, souvent inappropriée à leurs besoins – comme les « packages » consistant à les faire surconsommer. Pis, au travers des pénalités que leur valent leurs difficultés, les usagers aux ressources limitées engraissent leurs banquiers. « On se gave sur les découverts, les dépassements et compagnie, donc sur les petits clients, alors qu’un client qui a du fric, […] on va lui remettre ses frais parce qu’il représente trop », souligne l’un des professionnels interviewés.
L’exclusion bancaire. Le lien social à l’épreuve de la rentabilité – Georges Gloukoviezoff – Ed. PUF – 26 €