Il y a quelques années, après avoir pris une cuite, Fred Dorkel s’est fait trancher la gorge. Il a perdu beaucoup de sang, mais s’en est sorti de justesse. « Un miracle », assure-t-il aujourd’hui, après avoir été témoin d’une apparition céleste sur l’aire d’accueil. Selon lui, c’est le signe d’une seconde chance qu’il doit saisir. C’est-à-dire, pour ce Yéniche membre d’une communauté de gens du voyage, arrêter « la chourave ». Mais question vol de BMW, Fred est le meilleur. Alors, de quoi va-t-il vivre ? Sa décision l’oppose à sa famille et à ses amis, qui l’accusent « de ne plus avoir de couilles ». Le langage est cru, mais c’est bel et bien celui des gens du voyage, filmés ici dans une sorte de docu-fiction fondée sur des faits réels. Capturés en gros plan par la caméra de Jean-Charles Hue, les visages burinés, cigarettes au bec, bras et torses recouverts de tatouages, sont ceux des occupants de l’aire de Beauvais, qui interprètent leurs propres rôles. Avant de réaliser La BM du Seigneur, le cinéaste a baigné pendant sept ans dans la communauté gitane (son grand-père en est d’ailleurs issu). Il avait déjà sorti une série de documentaires sur leur univers plein de contraste – entre réunions évangélistes et rodéos de voitures. Ici, il a conçu un film de cinéma sur un sujet rarement dépeint, sans édulcorer les événements. « Je voulais que le film soit comme sur le terrain : l’un chante sur Dalida, l’autre va chercher ses quatre pneus, un troisième vole gentiment… », sans oublier les bagarres « pour l’honneur », les armes à feu et les couteaux. Jean-Charles Hue a d’abord tourné cinq semaines de documentaire et, en parallèle, a écrit son scénario en partant d’une histoire qui était arrivée à Fred Dorkel. Entre fiction et réalité, le spectateur est parfois perdu, tant chaque scène est interprétée avec naturel. Des acteurs nés, pour qui la pire insulte est : « Tu n’es vraiment pas un voyageur ! »
La BM du Seigneur – Jean-Charles Hue – 1 h 24 – En salle mercredi 12 janvier