La désignation en qualité de mère dans l’acte de naissance d’un enfant naturel abandonné suffit à établir la filiation maternelle, a décidé la Cour de cassation dans un arrêt du 15 décembre.
Dans cette affaire, un enfant né en 1933 a été abandonné et admis en qualité de pupille de l’Etat cette même année. Son acte de naissance portait mention du nom de sa mère. Celle-ci avait par ailleurs eu un autre enfant en 1927. Après le décès de sa mère, l’enfant abandonné a assigné son demi-frère en partage de la succession en 2002. Cette demande a été rejetée par la justice. La cour d’appel d’Aix-en-Provence a en effet jugé que le lien de filiation avec la mère n’avait jamais été légalement établi, ni à la naissance, ni dans les 30 ans qui ont suivi sa majorité. Pour fonder cette décision, elle s’est appuyée sur l’article 337 du code civil, dans sa version applicable avant la réforme de la filiation par l’ordonnance du 4 juillet 2005 qui a supprimé la distinction entre les notions de filiation légitime et naturelle (1). Cet article prévoyait que, pour les enfants naturels, l’acte de naissance portant indication de la mère vaut reconnaissance à condition d’être corroboré par la possession d’état (2).
La Cour de cassation casse l’arrêt des magistrats aixois en invoquant les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales qui garantissent respectivement le droit au respect de la vie privée et familiale et l’interdiction des discriminations à raison de la naissance. En appliquant l’article 337 du code civil qui aboutit à créer une discrimination indue sur le fondement de la naissance, la cour d’appel a violé les articles 8 et 14 de la convention, estime la Haute Juridiction. Par conséquent, en application de la réglementation européenne, la désignation de la qualité de mère dans l’acte de naissance du fils abandonné suffit à établir la filiation maternelle.
(1) Entrée en vigueur le 1er juillet 2006, l’ordonnance réformant la filiation a acquis une valeur législative après l’adoption par le Parlement d’une loi de ratification du 16 janvier 2009 – Voir ASH n° 15 du 8-07-05, p. 16 et n° 2592 du 16-01-09, p. 12.
(2) La possession d’état est un mode d’établissement de la filiation qui vise les cas où la reconnaissance d’un enfant ne peut pas être faite. Elle s’établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir.