Les 58 départements de gauche en appellent désormais au Conseil constitutionnel pour que l’Etat rééquilibre le financement des trois allocations de solidarité (allocation personnalisée d’autonomie [APA], prestation de compensation du handicap [PCH] et revenu de solidarité active [RSA]) à leur charge. Face à l’absence de réponse du Premier ministre à son recours gracieux, la menace brandie en octobre (1) par le groupe majoritaire de l’Assemblée des départements de France (ADF) est donc mise à exécution : il a décidé de soulever une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) pour nonrespect du principe de libre administration des collectivités territoriales.
La procédure veut que les départements saisissent d’abord individuellement les tribunaux administratifs, auxquels il appartient de renvoyer la question au Conseil d’Etat.
Cette offensive intervient après l’échec de leur solution législative. Une proposition de loi prévoyant « que l’Etat assure la compensation de ces charges que les départements assurent pour son compte », validée par le bureau de l’ADF et déposée par les trois groupes de gauche (PS-RDSE-PCF) (2), a été rejetée par le Sénat, le 9 décembre. Les parlementaires ont suivi l’avis de leur commission des finances qui avait préconisé, le 30 novembre, de ne pas adopter le texte. Le rapporteur de la proposition de loi, Charles Guéné (UMP, Haute-Marne), avait argué qu’elle nierait « le principe même de la décentralisation de ces allocations ». Autre argument : « le coût pour l’Etat de la solution proposée, qui aurait été de 3,34 milliards en 2009 si elle avait été mise en œuvre, [était] excessif et irréaliste dans le contexte actuel des finances de l’Etat ». Enfin, la commission a estimé qu’adopter cette proposition de loi reviendrait à « court-circuiter » les réformes en cours, notamment celle du cinquième risque, dont le débat doit se poursuivre jusqu’au printemps.
Ce dernier argument est contesté par Claudy Lebreton, président (PS) de l’ADF et du conseil général des Côtes-d’Armor : « Nous ne nous satisfaisons pas de l’annonce du débat sur la dépendance. Au mieux, des mesures seront prises pour 2012, or nos finances sont en ce moment même dans l’urgence », oppose-t-il. Selon l’ADF, pour la seule année 2010, la non-compensation des charges de l’Etat aux départements pour l’APA, la PCH et le RSA représentait 5,4 milliards d’euros, pour des dépenses s’élevant à 13,4 milliards d’euros. Dans ce contexte, le groupe majoritaire de l’ADF estime que le « Fonds exceptionnel de soutien » aux départements en difficulté créé dans le cadre du collectif budgétaire, doté de 150 millions d’euros, ne répond pas à la hauteur des enjeux (3). Rien que pour le département du Val-de-Marne, « cette non-compensation équivaut à 95 millions d’euros, cela revient à la réalisation de cinq collèges ! », estime le président de ce conseil général, Christian Favier (PCF). Celui du département de la Seine-Saint-Denis, Claude Bartolone (PS), juge, lui, que « l’asphyxie financière » dans laquelle se trouvent les départements « menace directement les collectivités territoriales, mais surtout les services publics locaux ».
Le 15 décembre, l’ADF a lancé des « Assises de l’autonomie et de la dépendance » afin de faire entendre, à travers trois ateliers (4), la voix des départements sur ces questions et de mettre en débat les pistes possibles de financement. Une journée de restitution devrait être programmée, à Paris, courant mai.
(2) Le texte prévoyait que la compensation serait calculée sur la base des dépenses constatées au dernier compte administratif connu des départements, ajustée chaque année après avis de la commission consultative sur l’évaluation des charges – Voir ASH n° 2672 du 3-09-10, p. 26.
(4) Le 11 janvier sur les thèmes « Enjeux démographiques et géographie du vieillissement » et « Perte d’autonomie et amélioration de l’offre de service » ; le 26 janvier, sur « Economie du vieillissement : une chance pour la France ? » et le 9 février, sur « Quelle part de solidarité consacrer à la perte d’autonomie ? » –