Près de deux ans après son adoption en première lecture par le Sénat, les parlementaires ont, le 8 décembre, définitivement validé la loi relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires. Ce texte a entre autres pour ambition de faciliter la résolution amiable des litiges en matière civile, en créant notamment une convention de procédure participative, ainsi que l’exécution des décisions de justice, en particulier celles ordonnant le retour des enfants enlevés dans le cadre familial. Elle clarifie en outre les rapports entre bailleurs et locataires.
Reprenant l’une des propositions du rapport « Guinchard » sur la répartition des contentieux (1), le texte crée une convention de procédure participative par laquelle les parties à un litige qui n’a pas encore donné lieu à la saisine d’un juge ou d’un arbitre s’engagent à « œuvrer conjointement et de bonne foi » à la résolution amiable de ce litige. Une procédure qui pourra également être mise en œuvre par des époux en vue de rechercher une solution consensuelle en matière de divorce ou de séparation de corps, le divorce comme la séparation continuant à être prononcés par un juge. Conclue pour une durée déterminée, cette convention devra être écrite et préciser, sous peine de nullité, son terme, l’objet du différend ainsi que les pièces et les informations nécessaires à sa résolution et les modalités de leur échange. Toute personne, assistée de son avocat, pourra opter pour ce type de procédure lorsqu’il s’agit des droits dont elle a la libre disposition. En revanche, en seront exclus les différends soulevés à l’occasion du contrat de travail entre un employeur, ou ses représentants, et ses salariés (2).
Tant que la convention est en cours, les parties ne pourront recourir au juge, sauf en cas d’inexécution de la convention par l’une d’elles ou en cas d’urgence, auquel cas des mesures provisoires ou conservatoires pourront être prises. Au terme de la procédure participative, les parties qui seront parvenues à un accord pourront le soumettre au juge pour homologation. Dans le cas contraire, il appartiendra au magistrat de trancher le litige, les parties étant alors dispensées du préalable de conciliation et de médiation lorsque cela est prévu. A noter : si les parties optent pour cette procédure, le délai de prescription sera suspendu pendant toute la durée de la convention, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois.
Signalons que les parties pourront solliciter le bénéfice de l’aide juridictionnelle dans le cadre de cette nouvelle procédure.
Ces dispositions entreront en vigueur dans des conditions fixées par décret et au plus tard le 1er septembre 2011.
La loi instaure une procédure rapide permettant au propriétaire de faire constater l’abandon du logement qu’il loue et de le reprendre lorsque l’occupant à l’encontre duquel existe une procédure d’expulsion quitte volontairement ce logement. Plus précisément, elle prévoit que lorsque des éléments laissent supposer que le logement est abandonné par ses occupants, le bailleur peut mettre en demeure le locataire – par acte d’huissier – de justifier qu’il occupe ce logement. Si l’intéressé ne donne pas suite à cette mise en demeure dans le mois qui suit sa signification, l’huissier peut constater l’état d’abandon du logement en vue de faire reconnaître par le juge la résiliation du bail et, au final, faire en sorte que le propriétaire récupère son bien. Pour les sénateurs, cet article vise ainsi à mettre en place une procédure « plus rapide et efficace » que la procédure d’expulsion de droit commun « inutilement lourde et longue (plusieurs mois pour récupérer un bien vide), alors que [le propriétaire] est évidemment tenu de continuer à supporter les charges relatives au bien inoccupé », estiment de leur côté les députés (Rap. Sén. n° 129, 2010-2011, Zocchetto, page 20 et Rap. A.N. n° 2622, Nicolin, page 52).
Par ailleurs, la loi revient sur les modalités d’élaboration de l’état des lieux d’un logement à louer. Sans changement, celui-ci est établi lors de la remise et de la restitution des clés. Toutefois, le texte précise que l’état des lieux doit désormais être dressé « contradictoirement et amiablement ». En cas d’intervention d’un tiers, les honoraires négociés ne peuvent être laissés à la charge du locataire. Si l’état des lieux ne peut être effectué dans ces conditions (3), il doit l’être, sur l’initiative de la partie la plus diligente, par un huissier à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire et à un coût qui sera dorénavant fixé par décret (4).
La loi permet également au procureur de la République de requérir directement le concours de la force publique pour faire exécuter les décisions rendues sur le fondement des instruments internationaux et communautaires relatives au déplacement illicite international d’enfants survenu dans le cadre familial. L’un des textes majeurs en la matière est la convention de La Haye du 25 octobre 1980 qui a institué, dès qu’un déplacement illicite est constaté, un mécanisme de retour immédiat de l’enfant à sa résidence habituelle (5), sans trancher le fond de la responsabilité parentale.
Par ailleurs, afin de faciliter l’exécution des décisions de justice, la loi permet aux huissiers de justice d’avoir accès à certaines informations permettant notamment de déterminer l’adresse du débiteur, l’identité et l’adresse de son employeur ainsi que – ce qui est nouveau – la composition de son patrimoine immobilier, sans avoir besoin d’y être au préalable autorisé par le procureur de la République, gardien du secret professionnel.
D’autres dispositions clarifient la répartition des contentieux au sein des tribunaux. Ainsi, le juge du tribunal d’instance pourra, à compter de la publication de la loi au Journal officiel, se charger des mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers et de la procédure de rétablissement personnel. En outre, le juge d’instance – et non plus le juge de l’exécution – aura à connaître des affaires relatives à la saisie des rémunérations dans des conditions fixées par décret et au plus tard le 1er septembre 2011. Enfin, rappelons que la loi du 12 mai 2009 de simplification du droit et d’allégement des procédures a prévu de confier au juge aux affaires familiales les fonctions de juge des tutelles des mineurs. Ce transfert, qui aurait dû intervenir le 1er janvier 2010, a été repoussé à 2011 en raison de difficultés matérielles, une date une nouvelle fois reportée au 1er janvier 2012.
(2) Une exclusion qu’Yves Nicolin, rapporteur (UMP) de la loi à l’Assemblée nationale, explique par le fait que les conseils de prud’hommes assurent déjà une mission de conciliation en la matière (Rap. A.N. n° 2622, Nicolin, p. 104).
(3) Rappelons que si l’état des lieux n’a pas été fait, le locataire est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives et doit les rendre tels quels, sauf preuve contraire.
(4) Cette précision s’est révélée nécessaire afin de pallier les dysfonctionnements constatés dans la fixation des tarifs des constats d’huissiers.
(5) Selon les informations transmises aux sénateurs par la chancellerie, 244 disparitions d’enfants ont été constatées en 2007, dont 86 concernant des enlèvements d’enfants de l’étranger vers la France. Dans ce cadre, 65 actions en retour ont été engagées et 20 décisions françaises ont ordonné le retour d’enfants vers le lieu de leur résidence habituelle (Rap. Sén. n° 161, Zocchetto, p. 38).