Absence de formation, recours abusifs à la contrainte physique, prise en charge médicale inappropriée… tels sont les dysfonctionnements que le contrôleur général des lieux de privation de liberté a relevés au cours de ses visites effectuées en 2009 dans certains centres éducatifs fermés (CEF) (1). Pour remédier à cette situation, Jean-Marie Delarue leur a adressé des recommandations, aujourd’hui publiées au Journal officiel.
La loi fait obligation aux CEF d’assurer un « suivi éducatif », rappelle tout d’abord Jean-Marie Delarue. Or, au sein des structures visitées, « une part du personnel est notamment constituée d’éducateurs “faisant fonction”, parfois sans compétences particulières, peu ou pas formés à l’encadrement des mineurs ». « De telles compétences sont pourtant requises pour assurer le succès de la prise en charge. » Pour le contrôleur général, cette absence de formation est susceptible de favoriser les tensions au sein du centre entre adultes et jeunes. Tout en admettant que le recrutement d’éducateurs est « difficile » en raison de « motifs contextuels ou géographiques », Jean-Marie Delarue estime que la formation de professionnels compétents n’en demeure pas moins une exigence pour ces centres éducatifs fermés. A ses yeux, cette exigence doit être satisfaite rapidement, au moins par une formation continue.
Le contrôleur général dénonce par ailleurs un « recours abusif, voire usuel, aux moyens de contrainte physique » dans les centres éducatifs fermés visités. Celle-ci, a-t-il constaté, « est parfois érigée, dans les équipes les moins qualifiées, au rang de pratique éducative ». De manière générale, ses services ont observé que de « grandes incertitudes » existent dans la manière de définir la discipline et les moyens de la faire respecter. Et constaté des pratiques très diverses en la matière. Une diversité que Jean-Marie Delarue attribue notamment à « l’isolement géographique » de certaines structures « qui présentent la double caractéristique d’être récentes et de représenter une très grande variété d’organismes gestionnaires ». Mais aussi à « l’absence d’un soutien bien défini au plan national (par exemple sous la forme d’une cellule d’appui) ». Ainsi, pour le contrôleur général, « un encadrement national plus effectif, l’organisation régulière de regroupements des professionnels associatifs et publics – au plan local, régional ou central – y compris ceux qui sont effectivement en charge des enfants, permettraient de confronter les pratiques, de regrouper les savoir-faire et les valeurs partagées de la prise en charge éducative en milieu fermé ». « La prise en charge éducative “sous contrainte” mérite une réflexion approfondie et permanente comme l’élaboration pragmatique d’une “doctrine” susceptible de nourrir la formation initiale et permanente », insiste-t-il encore.
Au-delà, les services de Jean-Marie Delarue ont également constaté que la prise en charge médicale des mineurs laissait à désirer, avec notamment une présence infirmière très inégale ou encore des soins souvent assurés par un médecin de ville au centre éducatif fermé ou à son cabinet, « sans qu’aucune convention ne définisse les droits et obligations respectifs du praticien et du centre éducatif ».
Le contrôleur général s’inquiète en particulier des modalités de la prise en charge des soins psychiatriques des jeunes car « si un ou deux psychologues assurent souvent des consultations, les liens sont beaucoup plus difficiles à établir avec des psychiatres et rares sont les conventions qui lient les centres éducatifs fermés à un établissement hospitalier spécialisé, même lorsque la population du centre souffre d’évidentes carences ». Il appelle en conséquence l’administration centrale à élaborer des conventions « modèles » qui permettraient une homogénéisation des pratiques.
Dernier mauvais point distribué par le contrôleur : le manque de respect du droit du mineur et de ses parents à participer aux décisions qui lui sont applicables. Un droit qui, selon Jean-Marie Delarue, n’est pas assez souvent formalisé par le biais d’un document individuel de prise en charge, pourtant prévu par les textes.
En guise de conclusion, le contrôleur indique que ses recommandations « devraient être prises en considération dans l’actualisation du cahier des charges que prépare aujourd’hui le ministère de la Justice et des Libertés », relevant au passage que cette actualisation « a été précédée d’une concertation active avec les directeurs des centres éducatifs fermés ».
(1) Ont été visités les CEF de Beauvais (Oise), Sainte-Gauburge-Sainte-Colombe (Orne), Fragny (Saône-et-Loire) et L’Hôpital-le-Grand (Loire).