Sur scène, au milieu de malles en ferraille colorées et rouillées, trois comédiens. Seront-ils assez pour porter les voix des 27 Maliens de Montfort-sur-Meu (Ille-et-Vilaine) dont ils racontent l’histoire ? Embauchés depuis plusieurs années à la Cooperl, une société bretonne d’abattage de porcs, ces sans-papiers ont été renvoyés au Mali, un froid matin de 2007. Tout proches du public, les voix, les chants et les cris des trois artistes transmettent la force, la violence même, du texte de Nathalie M’dela-Mounier.
Les renvois d’immigrés sans papiers ? Un fait divers. Pour s’en démarquer, c’est sur la difficulté du voyage du Mali vers l’Europe que porte la pièce. Pourquoi on part sans papiers, pourquoi on quitte une terre stérile, pourquoi on n’a pas le choix… L’infernal voyage en pirogue. L’arrivée des rescapés aux Canaries. Et le combat pour survivre qui recommence.
Comme des allers-retours entre le conte et la réalité, le récit des trois griots est entrecoupé de témoignages sonores de Maliens qui racontent leur arrestation par la police, « ajoutant l’humiliation à la douleur », le retour vers une patrie qui n’est plus la leur.
Dans une mise en scène minimaliste, très intime, ce voyage prend un sens encore plus insupportable. On attend, on espère qu’ils arrivent. Alors que l’on sait qu’ils reviendront bientôt à la case départ.
La pièce parle évidemment d’identité, mais aussi, et sans sensiblerie, de la mobilisation de la population de Montfort-sur-Meu, débarrassée de la peur de l’autre, pour obtenir la régularisation de leurs amis maliens. Finalement, 19 des 27 expulsés sont revenus en Bretagne.