Parce que « les expulsions de Roms ne font plus la une de l’actualité mais n’ont pas cessé pour autant », le collectif Romeurope a fait le point sur la situation, quatre mois après le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy (1), avec Romani CRISS. Cette ONG roumaine a enquêté en France « sur la situation des Roms dans les bidonvilles et sur les conditions des retours vers la Roumanie ». Elle observe qu’avec l’Italie, la France est le pays européen qui discrimine le plus les Roms. « La France, il y a plus de deux siècles, a montré l’exemple en abolissant le tiers état et aujourd’hui elle contribue à en reconstituer un », déplore Marian Mandache, chargé des droits de l’Homme au sein de Romani CRISS.
L’ONG regrette notamment que les contrats d’accueil et d’intégration, assortis de formations en langue française, soient réservés aux ressortissants de pays extérieurs à l’Union européenne. En outre, des mesures transitoires empêchent les Roumains et les Bulgares de travailler sur le territoire sans autorisation (à la différence des autres immigrés de l’Union européenne), jusqu’à fin 2013. « En France, on compte environ 15 000 Roms, en Espagne, 25 000. Le gouvernement espagnol a décidé de lever ces mesures transitoires, et on n’a pas observé un afflux de Roms particulier », rappelle Michèle Mézard, militante de Médecins du monde et du collectif Romeurope. « Cette façon de traiter les Roumains et les Bulgares en France ne facilite pas leur intégration », renchérit Marian Mandache.
Le collectif Romeurope prévient, il sera vigilant en décembre, au moment de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi Loppsi 2 (loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure), qui prévoit notamment l’évacuation forcée sous 48 heures, sans procédure judiciaire, d’installations, d’abris ou de campements sur des terrains illégalement occupés (2). Le collectif s’est également élevé contre les obligations de quitter le territoire français (OQTF), le plus souvent non conformes à la législation. Elles sont généralement distribuées de manière collective, et ne prennent pas toujours en compte les dates d’arrivée des Roms. « J’ai assisté à l’expulsion d’un camp de Roms à Bobigny (Seine-Saint-Denis). Une femme a reçu son OQTF, alors que ça ne faisait pas trois mois qu’elle était en France, mais moins de 15 jours ! Elle avait même dans ses bras son fils, un nourrisson de quelques jours, avec son extrait de naissance roumain. Elle était forcément arrivée en France récemment ! », témoigne Michèle Mézard. Romeurope et le GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés) ont d’ailleurs transmis à la Commission européenne un dossier d’environ 200 plaintes concernant des obligations de quitter le territoire français non conformes au droit (3).