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Le Conseil national du sida demande à l’Etat de garantir aux personnes prostituées l’accès à la prévention et aux soins

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« Les conditions de vie et les conditions d’exercice de l’activité [des personnes prostituées] se sont dégradées. [Elles] rencontrent des difficultés croissantes pour faire valoir leurs droits au séjour et à une protection sociale et sont directement exposées à différentes formes de violence et d’isolement. » Tel est l’« état des lieux alarmant » décrit par le Conseil national du sida (CNS) dans un avis rendu public le 29 novembre (1), deux jours avant la journée mondiale de lutte contre le sida. Et d’en souligner les conséquences : ces personnes « sont souvent contraintes de reléguer la protection de leur santé au second plan de leurs préoccupations et se trouvent davantage exposées aux risques sanitaires, notamment au VIH/sida et aux infections sexuellement transmissibles (IST) ». L’instance adresse plusieurs recommandations aux pouvoirs publics pour remédier à cette situation.

Supprimer le délit de racolage

Pour le Conseil national du sida, le premier facteur d’aggravation de la vulnérabilité des personnes prostituées est la législation. En effet, la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a instauré un délit de racolage passif ayant pour conséquence de repousser la prostitution dans les zones moins visibles et isolées, et donc plus dangereuses, et de renforcer la clandestinité et la stigmatisation (2). Rappelons qu’une mission d’information sur la prostitution en France a été créée en juin dernier par l’Assemblée nationale (3), et que les associations sont par ailleurs toujours très mobilisées pour dénoncer les effets néfastes du délit de racolage. Par conséquent, le CNS demande la révision des dispositions de la loi du 18 mars 2003. Selon lui, « l’application du droit commun relatif aux atteintes à la tranquillité et à la moralité publiques peut s’avérer suffisante et justifier l’abandon du délit de racolage ».

« La prostitution ne constitue pas une réalité homogène et il serait plus juste de parler des prostitutions », souligne par ailleurs le Conseil national du sida. Il rappelle que la démographie, la géographie et les modalités d’exercice de la prostitution ont profondément évolué, en partie en lien avec l’arrivée progressive de personnes migrantes de différentes origines, le développement de la prostitution masculine et transgenre, l’usage des nouvelles technologies de l’information comme vecteur de rencontre, la multiplication des lieux de prostitution de voie publique dans de nombreux cas relégués en périphérie, l’essor d’une prostitution discrète dans des bars, des salons de massage, au domicile ou à l’hôtel, et enfin, l’apparition de prostitutions occasionnelles. Le CNS dénonce aussi la vulnérabilité des personnes prostituées face aux clients, dans un contexte de relâchement des pratiques de prévention et de demande accrue de rapports sexuels non protégés.

Le Conseil recommande de réviser certaines dispositions relatives à la lutte contre le proxénétisme au regard de leur impact sur les conditions d’existence et notamment de logement des personnes se livrant à la prostitution. Pour cela, il préconise tout d’abord une « évaluation spécifique de la mise en œuvre du délit d’aide, d’assistance et de protection de la prostitution d’autrui » pour connaître son impact sur la répression du proxénétisme et la préservation des droits et de la stabilité du logement des personnes prostituées.

Mobiliser l’ensemble des acteurs

Un autre axe de recommandations du Conseil national du sida vise à garantir l’accès à la prévention et aux soins des personnes prostituées en mettant en cohérence les différentes politiques publiques, en adoptant une démarche globale et en soutenant les démarches communautaires. Ainsi, il recommande la mise en œuvre d’une « nouvelle gouvernance » reposant sur « une mobilisation politique nationale et locale de premier plan ». Il réclame pour cela la tenue d’une conférence nationale placée sous la responsabilité du ministre chargé de la santé, en présence de l’ensemble des acteurs publics, y compris des autres ministères concernés, des représentants des associations et des membres de la communauté compétents en matière de santé. Selon l’instance, la conférence nationale « doit examiner le renforcement attendu des programmes de santé et de santé communautaire au bénéfice des personnes prostituées ». Autre recommandation : il est « nécessaire » de planifier des réunions interministérielles sur le sujet et d’adopter une circulaire relative à l’application, dans chaque région, des droits et de l’accès aux soins des personnes prostituées.

Le Conseil national du sida préconise également la mise en place sur l’ensemble du territoire d’une offre de services adaptés comprenant notamment : « counselling » (4), fourniture de matériel de prévention, accès effectif au dépistage, au traitement post exposition et à la prise en charge des IST, accès à la réduction des risques, à l’accompagnement social et à la médiation culturelle. Il demande enfin aux pouvoirs publics de « garantir un financement pérenne des structures associatives », qui sont les seules susceptibles d’assurer ce type d’approche globale, en partenariat avec des structures publiques.

Notes

(1) VIH et commerce du sexe. Garantir l’accès universel à la prévention et aux soins – Disponible sur www.cns.sante.fr.

(2) Plus précisément, la loi du 18 mars 2003 a supprimé toute distinction entre racolage actif et racolage passif. Auparavant, seul le racolage actif était sanctionné, par une simple contravention. Depuis, le racolage « public » est passible de deux mois d’emprisonnement et d’une amende de 3 750 €. L’article 225-10-1 du code pénal sanctionne le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d’autrui en vue de l’inciter à des relations sexuelles en échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération – Voir ASH n° 2303 du 21-03-03, p. 15.

(3) La mission entend notamment établir un état des lieux de la prostitution en France et évaluer l’impact de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. Ses conclusions sont attendues en février ou en mars 2011.

(4) Dans la culture anglo-saxonne, le terme de « counselling » est utilisé pour désigner un ensemble de pratiques diverses qui consistent à orienter, aider, informer, soutenir, traiter. On peut également le définir comme une relation dans laquelle une personne tente d’aider une autre à comprendre et à résoudre des problèmes auxquels elle doit faire face.

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