Le 25 novembre, les parlementaires ont définitivement adopté la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2011. Un texte marqué par la volonté du gouvernement de poursuivre sa politique de maîtrise des dépenses, son objectif étant de diminuer le déficit du régime général de la sécurité sociale de 25 %, ce qui représente un effort de 7,2 milliards d’euros (1). Pour y parvenir, il entend entre autres raboter les niches fiscales et sociales, en en supprimant ou en réduisant certaines à hauteur de 10 milliards d’euros, dont près de 7 milliards seront affectés au financement du régime général. Plus précisément, a indiqué le ministre du Budget et des Comptes publics, 3,5 milliards seront consacrés au financement de la dette sociale et 3 milliards à celui de la réforme des retraites (2). Le reste – 450 millions d’euros – abondera la branche maladie.
Tour d’horizon des principales dispositions de cette loi, déférée devant le Conseil constitutionnel par les députés de l’opposition.
Les parlementaires ont voté un objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) fixé à 167,1 milliards d’euros, en hausse de 2,9 % par rapport à 2010. Ils ont également voté un taux de progression des dépenses des établissements de santé de 2,8 %. Et de 3,8 % pour le secteur médico-social afin de poursuivre la mise en œuvre du plan « solidarité grand âge » et de donner la priorité au plan « Alzheimer » (3). Les crédits accordés à l’ONDAM « soins de ville » progressent, quant à eux, de 2,8 %. Pour tenir cet objectif, Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé, avait annoncé, lors de la présentation du projet de loi initial, plusieurs mesures recentrant l’assurance maladie sur le financement des dépenses les plus utiles médicalement : la baisse du remboursement de certains médicaments (4) et la fin de la prise en charge systématique des dépenses de transports pour les patients atteints d’une affection de longue durée lorsque leur état ne le justifie pas. Autre mesure envisagée, plus favorable aux patients : le passage de 91 € à 120 € du seuil de déclenchement de la participation forfaitaire de 18 € pour les actes coûteux, en ville et à l’hôpital.
Par ailleurs, le plafond de ressources à ne pas dépasser pour bénéficier de l’aide à l’acquisition d’une couverture complémentaire santé (ACS) est fixé au plafond de ressources de la couverture maladie universelle complémentaire majoré de 26 % en 2011, puis de 30 % en 2012 (contre 20 % actuellement). Selon l’exposé des motifs du projet de loi initial, cette mesure « permettra aux bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées et de l’allocation aux adultes handicapés de continuer à bénéficier de l’ACS compte tenu de la revalorisation de ces allocations [d’ici à 2012] ». Coût de la mesure : 23 millions d’euros en 2011 et 64 millions en 2012.
En outre, après des débats houleux, les parlementaires ont autorisé l’expérimentation des maisons de naissance à compter du 1er septembre 2011 pour une durée maximale de cinq ans. Ces structures doivent permettre une prise en charge moins médicalisée de la grossesse et de l’accouchement. Plus précisément, avait souligné Roselyne Bachelot en octobre dernier, cette mesure concernera « les accouchements par voie basse sans complication avec une courte durée de séjour » ainsi que « les femmes sensibilisées à l’accouchement physiologique ». Les maisons de naissance devront être attenantes à une structure autorisée à l’activité de gynécologie-obstétrique. Selon le gouvernement, leur avantage réside en ce qu’elles sont « susceptibles de générer des économies pour l’assurance maladie dans la mesure où un accouchement dans ce type de structure est moins coûteux que dans un établissement de santé ». Le ministre de la Santé arrêtera la liste des établissements autorisés à ouvrir « en fonction notamment de l’intérêt et de la qualité du projet pour l’expérimentation et de son intégration dans l’offre de soins régionale en obstétrique », précise la loi. Un premier bilan sera établi au 31 décembre 2014.
Du côté des recettes, la loi relève de 4 à 6 % le taux du forfait social à compter du 1er janvier 2011, pour un rendement attendu de 350 millions d’euros (5).
La LFSS pour 2011 donne une base législative aux maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (MAIA), jusqu’à présent expérimentées, et sécurise leur financement par la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Plus précisément, le nouvel article L. 113-3 du code de l’action sociale et des familles dispose que « les institutions et les professionnels de santé intervenant dans le secteur social, médico-social et sanitaire, sur un même territoire, auprès des personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée ou en perte d’autonomie, coordonnent leurs activités au sein des [MAIA] ». Les conditions de fonctionnement de ces structures devront répondre à un cahier des charges approuvé par décret, qui fixera notamment les modalités selon lesquelles sont évalués les besoins ainsi que les méthodes mises en œuvre pour assurer le suivi des personnes concernées. La CNSA assurera leur financement au titre d’une nouvelle « section consacrée au financement des établissements ou services sociaux et médico-sociaux ainsi qu’au financement des MAIA et des groupes d’entraide mutuelle mentionnés aux articles L. 114-1-1 et L. 114-13 qui respectent un cahier des charges fixé par arrêté du ministre chargé des personnes handicapées ».
Par ailleurs, la procédure d’évaluation de la perte d’autonomie est aménagée pour tenir compte de la nouvelle répartition des compétences opérée par la loi « HPST » du 21 juillet 2009 créant les agences régionales de santé (ARS). L’évaluation de la perte d’autonomie des résidents des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) devra désormais être réalisée à l’aide de la grille AGGIR. Elle devra être transmise, pour contrôle et validation, à un médecin appartenant à une équipe médico-sociale du département mais aussi, dorénavant, à un médecin de l’ARS territorialement compétente désigné par le directeur général de l’agence, et non plus au praticien-conseil de la caisse d’assurance maladie. En cas de désaccord entre les médecins de l’ARS et de l’équipe médico-sociale du département, ou – ce qui est nouveau – entre ces derniers et le médecin coordonnateur de l’établissement, une commission régionale (et non plus départementale) de coordination médicale (6) déterminera le classement définitif du résident dont l’évaluation est litigieuse. Si un EHPAD conteste la répartition des résidents qu’il accueille selon les niveaux de perte d’autonomie, il pourra, comme avant, saisir le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale. Parallèlement, la LFSS pour 2011 instaure une évaluation des besoins en soins requis effectuée à l’aide du référentiel définissant les caractéristiques des personnes relevant de soins de longue durée. Une évaluation qui se déroulera selon la même procédure que pour celle de la perte d’autonomie. Cette évaluation doit permettre de « moduler le forfait soins des EHPAD afin d’assurer au mieux la prise en charge des résidents », a expliqué Alain Vasselle, rapporteur général (UMP) de la loi au Sénat
Signalons enfin que l’expérimentation de la réintégration du coût des médicaments dans le forfait soins des EHPAD qui ne disposent pas d’une pharmacie à usage intérieur est prolongée jusqu’au 1er janvier 2013.
La LFSS pour 2011 harmonise la date d’ouverture des droits aux aides personnelles au logement avec celle des minima sociaux. Jusqu’à présent, le demandeur d’une allocation de logement sociale, d’une allocation de logement familiale ou d’une aide personnalisée au logement pouvait bénéficier d’une rétroactivité de ses droits sur les trois mois précédant sa demande s’il en remplissait antérieurement les conditions d’octroi. A compter du 1er janvier 2011, cette possibilité sera supprimée. Ainsi, sans changement, les aides personnelles au logement seront dues à compter du premier jour du mois civil suivant celui au cours duquel les conditions d’ouverture du droit sont réunies. Toutefois, précise la loi, lorsque les conditions d’ouverture du droit sont réunies antérieurement au mois de la demande, l’allocation sera versée à compter du premier jour de ce mois. Signalons que la rapporteure de la loi à l’Assemblée nationale, Marie-Françoise Clergeau, n’a pas soutenu cette disposition qui, selon elle, pénalisera les « ménages modestes » (7).
Par ailleurs, à l’heure actuelle, la part des allocations familiales dues à la famille d’un enfant confié à l’aide sociale à l’enfance est versée à cette dernière. Toutefois, le juge aux affaires familiales peut décider, d’office ou sur saisine du président du conseil général, à la suite d’une mesure d’assistance éducative ou d’une mesure de protection et de surveillance, de maintenir le versement des allocations à la famille, lorsque celle-ci participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant ou en vue de faciliter son retour dans le foyer. Le montant de ce versement ne pourra excéder 40 % du montant de la part des allocations familiales afférente à cet enfant, précise la LFSS pour 2011. Un plafond qui pourra être majoré sur demande du président du conseil général. « Pour tenir compte des difficultés considérables rencontrées aujourd’hui par les départements dans la mise en œuvre de la protection de l’enfance », il convenait, en cas de placement de l’enfant, de leur assurer le versement d’une part « incompressible » de ces allocations, a expliqué Marie-Françoise Clergeau (Rap. A.N. n° 2916, tome V, octobre 2010, Clergeau, page 73).
(1) Sur les prévisions financières du régime général établies par la commission des comptes de la sécurité sociale, voir ASH n° 2676 du 1-10-10, p. 8.
(3) Sur les créations de places en établissements, voir ASH n° 2676 du 1-10-10, p. 9.
(4) Le taux de remboursement par la sécurité sociale des médicaments dont le service médical rendu est relativement moins important – dits à « vignettes bleues » – devrait passer de 35 à 30 %.
(5) Instaurée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, cette contribution est à la charge des employeurs et porte notamment sur l’intéressement et la participation salariale – Voir ASH n° 2597 du 20-02-09, p. 43.
(6) Un décret – et non pas un arrêté comme prévu initialement – fixera la composition, les missions et les modalités de fonctionnement de cette commission.
(7) Selon le rapport de la révision générale des politiques publiques relatif aux politiques de la ville et du logement, signale la rapporteure, l’étude des bénéficiaires des aides au logement révèle que ces prestations sont de moins en moins familiales et de plus en plus sociales. Et que près de 76 % des bénéficiaires – hors étudiants – ont des revenus inférieurs au SMIC (Rap. A.N. n° 2916, tome V, octobre 2010, Clergeau, page 61).