La jeunesse responsable de l’insécurité dans notre pays ? Ce cliché ne date pas d’hier. Comme le montre le documentaire Enfances difficiles, affaire d’Etat d’Adrien Rivollier, à chaque époque son vocabulaire pour désigner l’enfant qui dérange, fait peur : le « vagabond » au XIXe siècle, le « pupille de la Nation » au lendemain de la guerre, la « racaille » aujourd’hui. De nombreuses photos d’archives à l’appui, le réalisateur décrit la manière dont, au fil du temps, les évolutions des pratiques culturelles, du statut de la famille et des codes éducatifs ont poussé les pouvoirs publics à adapter leurs réponses à cette enfance en difficulté… des bagnes pour enfants aux centres éducatifs fermés. Il a interrogé historiens et philosophes de l’enfance, éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse et directeurs de foyers, qui retracent l’histoire de la délinquance juvénile en France depuis deux siècles. En rappelant l’ordonnance de 1945 – qui a pour la première fois considéré les mineurs délinquants comme des êtres en construction à traiter comme tels – et celle de 1958 – donnant au juge des enfants des compétences pour prendre des mesures éducatives à l’égard des jeunes en danger –, ces professionnels pointent que les enfants violents sont souvent les mêmes que ceux qui sont en danger. Preuves à l’appui : le réalisateur a filmé des enfants placés en institutions, notamment celles qui appartiennent à l’association du Prado. Un jeune homme témoigne à visage découvert. Il explique comment, après avoir « fait des bêtises », il s’en est sorti. Enfin, les filles, souvent oubliées de ce type de documentaire, sont présentes à l’écran. On rappelle qu’elles furent longtemps placées dans des « écoles de préservation », censées les « préserver » de la société mais où, surtout, on se préservait d’elles.
Cela fait un moment que le réalisateur Adrien Rivollier s’intéresse aux mineurs délinquants et à la protection de l’enfance (1). Ici, dans un reportage venant en écho à l’exposition sur les bagnes d’enfants qui se déroulait en début d’année au centre d’exposition Enfants en justice de Savigny-sur-Orge (2), il interroge avec acuité les enjeux actuels de la protection de l’enfance et les défis à venir.
(1) Point de chute et Au tribunal de l’enfance – Voir ASH Magazine n° 29 du 3-10-08, p. 48.