Quel est l’intérêt de cette étude ?
Depuis plusieurs années, les centres de formation d’Ile-de-France – tout comme le conseil régional – sont préoccupés par la précarité des étudiants en travail social et ses conséquences sur leurs études. Or les enquêtes de l’Observatoire national de la vie étudiante ne s’intéressent qu’aux conditions de vie des étudiants universitaires et on ne dispose que de très peu de données sur ce public, qui représente quand même 14 000 personnes en Ile-de-France. Le GRIF a donc souhaité combler ces lacunes. 921 étudiants aides médico-psychologiques (AMP), moniteurs-éducateurs (ME), éducateurs spécialisés (ES), assistants de service social (AS), inscrits dans 12 centres de formation, ont ainsi été interrogés (2).
Qu’en ressort-il ?
C’est une population jeune : plus de la moitié a moins de 25 ans, même si certains (AMP ou ME) sont plus proches de la quarantaine. Si leurs ressources mensuelles varient entre 150 et 1 500 €, la plupart vivent avec moins de 450 € Une minorité (22 %, plutôt des ME, AMP, quelques ES) effectuent leur formation en cours d’emploi, dans le cadre d’un contrat de professionnalisation ou d’apprentissage, ce qui leur assure un revenu mensuel compris entre 500 € et le SMIC. D’autres (20 %) sont aidés par les Assedic. Enfin, 43 % (surtout des AS et ES en voie directe) sont épaulés par leurs parents. Reste que 27 % de ces étudiants complètent ces revenus par une activité rémunérée : des ES vont travailler dans les internats le week-end, des AS dans la restauration le soir et les jours fériés… Plus inquiétant, 10 % des étudiants (7 % des AMP en contrat de professionnalisation) ont recours aux services sociaux ou à un organisme caritatif.
Quelles sont les conséquences ?
Le logement et les transports (24 % ont 75 minutes de trajet par jour), dont les coûts sont encore renchéris par les temps de stage, pèsent lourdement dans le budget des étudiants. Mais le plus préoccupant, c’est qu’ils se restreignent sur les soins de santé (6,4 % n’ont aucune mutuelle) ou l’alimentation : 26 % suppriment régulièrement ou à l’occasion le déjeuner. Ce qui n’est pas sans conséquence sur la formation : 25 % des étudiants sautent des cours, invoquant le plus souvent des problèmes de santé ou le chevauchement de leur planning et d’une activité professionnelle. A cela s’ajoute l’épuisement : 67 % se sentent plus fatigués qu’avant leur entrée en formation.
Que conclure de cette étude ?
Tout d’abord, une précarité importante : 20 % des étudiants interrogés ont eu l’intention d’interrompre leurs études du fait de leurs difficultés sociales et/ou économiques. C’est surtout le fait des assistants sociaux, qui ont le moins confiance dans leur avenir professionnel et apparaissent particulièrement vulnérables : ce sont eux qui cumulent le plus les aides diverses, expriment une forte fatigue et consomment le plus de stimulants et de calmants.
Si sur bon nombre de points, les étudiants en travail social rencontrent des difficultés similaires à ceux de l’université, sur d’autres, ils sont pénalisés : alors que le système de l’alternance et les semaines de 35 heures entraînent des frais et des contraintes supplémentaires, ils n’ont pas accès – sauf s’ils préparent également une licence – aux aides universitaires en matière de logement, de soins ou de transport. On comprend d’autant moins, dans ces conditions, les difficultés d’application de la gratification : seuls 10 % des ES et des AS interrogés l’ont perçue pendant leurs stages.
(1) Sous la responsabilité de Brigitte Berrat, responsable du pôle formations supérieures et recherche à l’IRTS Ile-de-France-Montrouge-Neuilly-sur-Marne – Synthèse disponible prochainement à
(2) Des étudiants en DEIS à l’IRTS ont mené l’enquête auprès des AMP, ME, ES et le cabinet Conseil, évaluation, étude en travail social auprès des AS.