Il s’est tenu le 26 octobre dernier, à l’initiative de la direction générale de la cohésion sociale et en partenariat avec l’Association des régions de France, une conférence nationale des formations sociales (1), qui a représenté un événement doublement remarquable. D’abord, il faut saluer une opportunité concrète de coopération entre l’Etat, responsable des grandes orientations de la politique de formation au travail social, de la politique pédagogique et des certifications, et les régions, chargées du financement des centres de formation et de la planification des formations professionnelles. C’est à souligner, dans un contexte où, sur d’autres sujets, les rapports entre l’Etat et les régions ne sont pas au beau fixe… On n’avancera pas sans ce type de partenariat. Ensuite, il est très rare que tous les acteurs d’une branche ou d’un secteur d’emploi se réunissent pour débattre des enjeux de formation : pouvoirs publics nationaux et régionaux, centres de formation et formateurs, partenaires sociaux impliqués dans la gestion de la formation professionnelle continue, représentants des étudiants, universitaires, experts et observateurs des parcours d’insertion professionnelle des jeunes diplômés. Le ministère a confirmé, à cette occasion, la parution au cours du premier semestre 2011 de nouvelles orientations pour les formations sociales.
Néanmoins, nombre de questions restent posées. Ainsi, comment lutter contre la segmentation des formations sans contrecarrer les éléments de spécialisation liés à une professionnalisation croissante des dispositifs d’action sociale ? Peut-être en réduisant le nombre de cursus et de certifications (cf. les 17 certifications du niveau 5). Il est envisageable, aussi et surtout, de se référer à une architecture unifiée et de viser l’apprentissage par tous d’une culture générale du champ professionnel. De ce point de vue, ce sont les étudiants qui ont la réponse : si les études présentées le 26 octobre ont confirmé l’excellent taux d’insertion professionnelle des diplômés et ont fait apparaître leur grande satisfaction par rapport aux études suivies, les principaux besoins exprimés concernaient l’approfondissement de la connaissance des populations et la conduite de projets. Sans doute n’y a-t-il pas de bon généraliste sans quelques éléments de spécialisation par rapport aux champs traités, et sans la capacité de référer des « dispositifs » à des problématiques de groupes d’usagers ou de populations…
Autre question essentielle : comment valoriser et développer l’alternance sous toutes ses formes ? L’alternance vue d’abord comme modalité pédagogique. Il s’agirait tout à la fois de donner tout son contenu à la notion de « site qualifiant » appliquée aux terrains de stages, de progresser dans la question de la rémunération des stagiaires, de soutenir les tuteurs au sein des établissements et services, d’adapter en permanence les modes de validation à l’intégration de la théorie et de la pratique… L’alternance vue aussi comme modalité statutaire de la formation, ce qui passe par des formations en alternance, en cours d’emploi, l’apprentissage, avec la nécessité de nouveaux développements pour une meilleure réponse aux problèmes de sous-qualification. L’alternance, enfin, prise comme le fil rouge d’un parcours professionnel. Avec pour points de passage la formation tout au long de la vie, les filières promotionnelles, notamment dans le champ des professions éducatives, le recours à la VAE… Le champ de l’action sociale, et particulièrement le champ éducatif, a été pionnier sur beaucoup de ces sujets. En s’appuyant sur cette histoire, il lui faut aujourd’hui se mobiliser pour trouver un nouveau souffle.
Enfin, dernier champ d’interrogation : le rapprochement avec l’université. Comment mettre en œuvre ce processus sans compromettre l’adéquation à l’emploi tout en apportant un plus aux étudiants (enrichissement des possibilités de carrière) comme aux formateurs (ouverture accrue aux fonctions d’étude et de recherche) ? Il s’agit là d’un vieux débat qui resurgit dans un contexte plus ouvert (recherche de professionnalisation des cursus universitaires), mais aussi plus concurrentiel. Il faut à la fois mettre en place des outils d’articulation avec les enseignements universitaires (créditation des enseignements professionnels dans les cycles licence-mastère) et renforcer les pôles professionnels les plus à même de négocier des partenariats universitaires. La notion de « hautes écoles en travail social », avancée par l’Unaforis, peut à cet égard ouvrir des pistes fécondes.
Ces dossiers sont à suivre, et de près, car ils conditionnent le devenir du travail social, et donc les ressources humaines de l’action sociale…
Nommé vice-président du Conseil supérieur du travail social, je ne peux continuer à publier régulièrement une chronique dans l’un des médias de ce champ professionnel. Ceci sera donc ma dernière tribune, et je suis heureux de la consacrer aux enjeux de la formation professionnelle des travailleurs sociaux.