Adoptée l’année où la politique de lutte contre les violences faites aux femmes a été décrétée « grande cause nationale », la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants est l’aboutissement de plusieurs mois de réflexions menées, notamment, dans le cadre de la mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes de l’Assemblée nationale. Cette mission, présidée par la députée (PS) Danielle Bousquet, et dont le rapporteur était Guy Geoffroy (UMP), avait, un an auparavant, préconisé un certain nombre de mesures (1) dont plusieurs ont ensuite été introduites dans une proposition de loi portée à la fois par des parlementaires de la majorité et de l’opposition. Notablement enrichi au cours des débats, ce texte a abouti à la loi du 9 juillet dernier.
Cette dernière s’inscrit dans la continuité des diverses lois déjà adoptées en ce sens au cours des 15 dernières années, mais qui n’avaient pas forcément pris en compte toutes les difficultés rencontrées par les victimes de violences conjugales et intrafamiliales. Dès l’entrée en vigueur du nouveau code pénal, le 1er mars 1994, avait ainsi été prévue l’aggravation de certaines peines encourues par les auteurs de violences infligées à leur conjoint ou concubin. Puis la loi du 26 mai 2004 relative au divorce a permis d’évincer le conjoint violent du domicile conjugal. La loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs a, quant à elle, tenté de mieux prendre en compte le caractère spécifique des violences conjugales, en reconnaissant notamment explicitement la notion de viol et d’agression sexuelle au sein du couple ainsi que l’existence du vol entre époux lorsque celui-ci porte sur des documents indispensables à la vie quotidienne de la victime (comme les papiers d’identité ou de sécurité sociale par exemple). Depuis la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, les personnes reconnues coupables de violences conjugales peuvent être condamnées à un suivi socio-judiciaire. Enfin, la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion a prévu que les victimes de violences conjugales figuraient parmi les publics prioritaires à l’accès à un logement social.
L’objectif de la loi du 9 juillet 2010 est donc d’apporter de nouvelles améliorations aux dispositifs existants. Parmi elles, figure la création de l’ordonnance de protection, directement inspirée du modèle espagnol d’ordonnance de protection des victimes de la violence domestique. Applicable depuis le 1er octobre 2010, cette ordonnance vise à stabiliser temporairement, pour une durée de 4 mois au maximum, ou pendant toute la procédure de divorce ou de séparation de corps, la situation juridique et matérielle de la victime en garantissant sa protection et en organisant provisoirement sa séparation avec l’auteur des violences.
D’autres mesures de protection des victimes, d’ordre pénal, sont applicables depuis le 11 juillet 2010. Ainsi, la loi prévoit notamment la possibilité d’assigner à résidence avec placement sous surveillance électronique mobile dans des conditions dérogatoires au droit commun le conjoint violent mis en examen. Elle met également en place, à titre expérimental, jusqu’au 9 juillet 2013, un dispositif de protection pour la victime de violences conjugales lorsque son conjoint, mis en examen ou condamné à certaines peines, a interdiction de la rencontrer.
Avec la loi du 9 juillet 2010, la protection des violences conjugales s’étend, par ailleurs, aux enfants, souvent au cœur du conflit. A cette fin, les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur l’autre deviennent, par exemple, un critère d’appréciation pour le juge pour toute décision portant sur l’autorité parentale. D’autres dispositions tentent également de mieux lutter contre les mariages forcés concernant des mineurs.
A noter : la loi du 9 juillet 2010 contient également une série de mesures de prévention des violences conjugales et intrafamiliales et de répression à l’égard de leurs auteurs, mesures qui feront l’objet d’un autre dossier.
Applicable depuis le 1er octobre 2010 (art. 38 de la loi), l’ordonnance de protection vise à protéger, en urgence, les victimes de violences conjugales en permettant au juge aux affaires familiales de prononcer un panel de mesures d’ordre pénal (interdiction pour le conjoint violent de détenir une arme…) ou civil (dispositions portant sur le logement notamment) ou encore visant à dissimuler leur nouvelle résidence si elles ont quitté leur logement. En cas de non-respect de cette ordonnance par le conjoint violent ou menaçant, des sanctions pénales sont encourues. En parallèle, des nouvelles mesures de protection des femmes, en particulier de nationalité étrangère, sont introduites.
L’ordonnance de protection est régie par les articles 515-9 à 515-13 du code civil (C. civ.) qui en déterminent notamment les bénéficiaires et le contenu.
Peuvent bénéficier d’une ordonnance de protection les personnes exposées à un danger lié aux violences exercées (C. civ., art. 515-9 nouveau) :
au sein de leur couple, que la forme juridique de ce dernier soit un mariage, une union libre ou un pacte civil de solidarité (PACS) ;
ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un PACS ou un ancien concubin (2).
Une telle ordonnance est également susceptible d’être délivrée par le juge à la personne majeure menacée de mariage forcé (C. civ., art. 515-13 nouveau).
La palette des mesures pouvant être adoptées dans le cadre d’une ordonnance de protection est large. « En effet, pour être efficace, la protection des victimes de violences conjugales doit être complète et porter sur tous les éléments qui permettront à la personne mise en danger d’échapper à l’emprise de l’auteur des violences, que ce soit physiquement, juridiquement ou matériellement », explique François Pillet, rapporteur (UMP) de la loi au Sénat (Rap. Sén. n° 564, Pillet, juin 2010, page 33).
Toutes ces mesures, qu’elles soient d’ordre civil, pénal ou de protection et d’accompagnement, sont rassemblées dans l’article 515-11 du code civil.
Le juge aux affaires familiales a, au titre des mesures d’ordre civil, la possibilité de (C. civ., art. 515-11, 3°, 4°, 5° nouveaux) :
se prononcer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et, le cas échéant, sur la contribution aux charges du mariage pour les couples mariés, sur l’aide matérielle que se doivent mutuellement les partenaires d’un PACS (3) et sur la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants ;
statuer sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal et sur les modalités de prise en charge des frais afférents à ce dernier. Sauf circonstances particulières, la jouissance de ce logement est attribuée au conjoint qui n’est pas l’auteur des violences ;
attribuer la jouissance du logement ou de la résidence du couple au partenaire ou au concubin qui n’est pas l’auteur des violences et préciser les modalités de prise en charge des frais afférents à celui-ci.
Auparavant, deux procédures permettaient à la victime de violences conjugales d’obtenir l’éviction du domicile de leur auteur :
la première correspond au « référé-violence » introduit à l’article 220-1, al. 3 du code civil par la loi du 26 mai 2004 relative au divorce. Ce dispositif, qui était réservé aux époux, est abrogé par la loi du 9 juillet 2010 dont les mesures sont plus larges puisqu’elles visent tous les couples et non les seuls couples mariés (art. 1, II, 1°). Pour mémoire, le « référé-violence » permettait au juge aux affaires familiales, en cas de violence mettant en danger l’un des époux ou l’un des enfants du couple marié, de statuer sur la résidence séparée des époux et de préciser lequel des deux allait continuer à résider dans le logement conjugal. En principe, sauf circonstance particulière, le conjoint victime des violences s’en voyait attribuer la jouissance. Le juge se prononçait également, le cas échéant, sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et sur la contribution aux charges du mariage. Les mesures ainsi décidées devenaient caduques si aucune procédure de divorce ou de séparation de corps n’était engagée à l’expiration d’un délai de 4 mois ;
la seconde procédure, inscrite dans le code pénal, prévoit l’éviction du domicile du conjoint violent dans le cadre d’un contrôle judiciaire, d’un sursis avec mise à l’épreuve, d’une médiation pénale ou d’une composition pénale. Ce dispositif demeure, mais la loi du 9 juillet 2010 intègre parallèlement cette dimension pénale dans le cadre des mesures pouvant être prononcées au titre d’une ordonnance de protection.
En ce qui concerne les mesures d’ordre pénal, la loi du 9 juillet 2010 prévoit que, à l’occasion de la délivrance de l’ordonnance de protection, le juge aux affaires familiales peut interdire au conjoint violent, au sens large (C. civ., art. 515-11, 1°, 2° nouveau) :
de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge, ainsi que d’entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit ;
de détenir ou de porter une arme et, le cas échéant, lui ordonner de remettre au greffe contre récépissé les armes dont il est détenteur.
Ces mesures correspondent à celles que peut ordonner le juge d’instruction dans le cadre d’un contrôle judiciaire en vertu de l’article 138, 9° et 14° du code de procédure pénale.
Enfin, le juge a la possibilité de prononcer des mesures d’aide ou de protection de la personne victime des violences (C. civ., art. 515-11, 6°, 7° nouveaux). Il peut ainsi :
autoriser la victime des violences à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile chez l’avocat qui l’assiste ou la représente ou auprès du procureur de la République du tribunal de grande instance (TGI) pour toutes les instances civiles dans lesquelles elle est également partie. Si, pour les besoins de l’exécution d’une décision de justice, un huissier doit avoir connaissance de l’adresse de cette personne, elle lui est communiquée, sans qu’il puisse la révéler à son mandant ;
prononcer l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle de la victime.
Le cas échéant, le juge présente à la victime une liste des personnes morales qualifiées susceptibles de l’accompagner pendant toute la durée de l’ordonnance de protection. Il peut, avec son accord, transmettre à la personne morale qualifiée ses coordonnées afin qu’elle la contacte (C. civ., art. 515-11, al. 9 nouveau).
Lorsque l’ordonnance de protection est adoptée en raison des menaces exercées sur une personne majeure en vue d’un mariage forcé, le juge aux affaires familiales peut (C. civ., art. 515-13 nouveau) :
interdire à l’auteur des menaces de recevoir ou de rencontrer certaines personnes, ainsi que d’entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit ;
interdire à l’auteur des menaces de détenir ou de porter une arme et, le cas échéant, l’obliger à remettre au greffe contre récépissé les armes dont il est détenteur ;
autoriser la victime à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile chez l’avocat qui l’assiste ou la représente ou auprès du procureur de la République du TGI pour toutes les instances civiles dans lesquelles elle est également partie ;
prononcer l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle de la victime.
A ces mesures s’ajoute la possibilité pour le juge d’ordonner l’interdiction temporaire de sortie du territoire de la personne menacée, si celle-ci le demande. Cette interdiction de sortie du territoire est inscrite au fichier des personnes recherchées par le procureur de la République.
Le juge aux affaires familiales peut, à tout moment (C. civ., art. 515-12 nouveau) :
supprimer ou modifier tout ou partie des mesures énoncées dans l’ordonnance de protection ;
en décider de nouvelles ;
accorder à l’auteur des violences ou des menaces une dispense temporaire d’observer certaines des obligations qui lui ont été imposées ;
annuler l’ordonnance de protection.
Ces modifications interviennent à la demande soit du ministère public, soit de l’une ou l’autre des parties, et après que le juge a fait procéder à toute mesure d’instruction utile et invité chacune des parties à s’exprimer.
L’ordonnance de protection est délivrée en urgence, sans qu’un délai soit spécifié (C. civ., art. 515-9 nouveau). Elle est exécutoire à titre provisoire à moins que le juge n’en dispose autrement.
Elle fixe, en principe, la durée des mesures prises, qui ne peut dépasser 4 mois (C. civ., art. 515-12 nouveau ; code de procédure civile [CPC], art. 1136-7 nouveau).
A défaut de précision, les mesures incluses dans l’ordonnance de protection sont prises pour une durée maximale de 4 mois suivant la notification de l’ordonnance. L’acte de notification de l’ordonnance doit alors en faire mention (CPP, art. 1136-7 nouveau).
Une prolongation au-delà de ce délai est possible si, durant cette période, une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée (C. civ., art. 515-12 nouveau).
Plus précisément, il faut distinguer deux situations (CPC, art. 1136-13 nouveau) :
de manière générale, lorsqu’une demande en divorce ou en séparation de corps est introduite avant l’expiration de la durée des mesures de protection ou que l’ordonnance de protection est prononcée alors qu’une procédure de divorce ou de séparation de corps est en cours, les mesures de l’ordonnance de protection continuent de produire leurs effets jusqu’à ce qu’une décision statuant sur la demande en divorce ou en séparation de corps soit devenue définitive. Le juge a néanmoins toujours la possibilité d’en décider autrement ;
par exception, et pour ne pas faire doublon, certaines mesures prises dans le cadre de l’ordonnance de protection avant la délivrance d’une ordonnance de non-conciliation cessent de produire leur effet à la date de notification de cette dernière. Sont concernées les mesures portant sur le logement des époux, concubins ou partenaires d’un PACS, sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et sur la contribution aux charges du mariage ou l’aide matérielle entre pacsés.
Si quelques dispositions du code civil apportent des précisions d’ordre procédural, c’est dans les articles 1136-3 et suivants du code de procédure civile, introduits par un décret du 29 septembre 2010, que se trouve le cœur des règles applicables à l’ordonnance de protection.
A noter : toute demande de mainlevée ou de modification de l’ordonnance de protection ou de dispense temporaire de certaines de ses obligations ainsi que celle tendant à annuler l’ordonnance ou à prononcer de nouvelles mesures sont formées, instruites et jugées dans les mêmes conditions que la requête initiale, telles que présentées ci-dessous. Par exception, lorsqu’un appel a été formé à l’encontre de l’ordonnance de protection, la demande est effectuée par requête remise ou adressée au greffe de la cour d’appel. Le premier président de la cour d’appel, le conseiller de la mise en état ou la formation de jugement, selon le cas, statue alors sur celle-ci (CPC, art. 1136-12 nouveau).
Le juge aux affaires familiales est compétent pour délivrer l’ordonnance de protection (C. civ., art. 515-9 nouveau).
Une précision : à compter de l’introduction d’une procédure de divorce ou de séparation de corps, la demande de mesures de protection ainsi que les demandes modificatives doivent être présentées devant le juge saisi de cette procédure. La demande est toutefois formée, instruite et jugée selon les règles applicables à l’ordonnance de protection. Le juge statue par décision séparée (CPP, art. 1136-13 nouveau).
Le juge peut être saisi (C. civ., art. 515-10 nouveau) :
par la personne en danger, le cas échéant assistée par son avocat ;
par le ministère public mais avec l’accord de la victime.
« La demande d’ordonnance de protection est indépendante de tout dépôt de plainte préalable ou de toute action civile ou pénale au fond », relève le rapporteur de la loi au Sénat, François Pillet. « L’une peut être engagée sans les autres, et toutes, ou seulement certaines, peuvent être engagées ensemble » (Rap. Sén. n° 564, Pillet, juin 2010, page 31).
S’il est saisi par la personne en danger, le juge l’est (CPC, art. 1136-3 et 1136-4 nouveaux) :
soit par une requête classique remise ou adressée au greffe ;
soit par une assignation en référé.
Sous peine de nullité, la requête doit être datée et signée et comporter (CPC, art. 1136-3 nouveau et 58) :
l’indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur, à savoir la victime ;
l’indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée, c’est-à-dire le conjoint violent ou menaçant ;
un exposé sommaire des motifs de la demande ;
en annexe, les pièces sur lesquelles celle-ci est fondée.
Le ministère public est aussitôt avisé par le greffier du dépôt de cette requête.
Lorsque le juge est saisi par une assignation en référé, qui constitue un acte d’huissier, cette dernière doit comporter, sous peine de nullité (CPC, art. 1136-4 nouveau, 485 et 56) :
l’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
l’objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit ;
l’indication que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire ;
l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé ;
l’indication de la date d’audience correspondant aux jours et heures habituels des référés.
Cette assignation vaut conclusions.
Par exception aux règles générales, la victime qui sollicite l’autorisation de dissimuler son domicile ou sa résidence est dispensée d’indiquer son adresse dans son acte introductif d’instance, sous réserve de porter cette information à la connaissance de l’avocat qui l’assiste ou la représente ou au procureur de la République du tribunal de grande instance, auprès duquel elle élit domicile. Son acte introductif d’instance doit toutefois mentionner cette élection de domicile (CPC, art. 1136-5 nouveau).
L’avocat ou le procureur de la République auprès duquel la victime a élu domicile doit communiquer sans délai l’adresse de l’intéressée au juge. Le greffe ainsi que la personne à laquelle l’adresse est communiquée pour les besoins de la procédure ne peuvent la porter à la connaissance du conjoint violent ou menaçant ou de son représentant (CPC, art. 1136-5 nouveau).
Le cas échéant, les mêmes règles de protection s’appliquent au cours des instances civiles ultérieures (C. civ., art. 1136-8 nouveau).
Dès la réception de la demande d’ordonnance de protection, le juge convoque (C. civ., art. 515-10 nouveau) :
par tous moyens adaptés, pour une audition, la victime et le conjoint violent ou menaçant ainsi que, le cas échéant, leur avocat ;
le ministère public. « La présence de ce dernier peut lui permettre d’engager des poursuites contre l’auteur des faits de violence allégués et permet d’assurer une coordination, par une information réciproque, entre la chaîne pénale et la chaîne civile » (Rap. Sén. n° 564, Fillet, juin 2010, page 31).
En pratique, c’est le greffier qui convoque chaque partie à l’audience. Il peut le faire (CPC., art. 1136-3 nouveau) :
par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou bien par la voie administrative (remise en mains propres), en cas de danger grave et imminent pour la sécurité de la personne demandant l’ordonnance de protection ou lorsqu’il n’existe pas d’autre moyen de notification. En parallèle, il adresse une copie de cette convocation par lettre simple le jour où il envoie ou remet aux fins de notification la convocation ;
verbalement contre émargement s’agissant uniquement de la victime.
En ce qui concerne le ministère public, il est avisé de la date de l’audience par le greffier.
La convocation adressée au conjoint violent ou menaçant vaut citation à comparaître. Elle comprend en annexe une copie de la requête et des pièces qui y sont annexées.
Au cours de l’audience, les parties ont le droit de se défendre elles-mêmes mais elles peuvent aussi se faire assister ou représenter par un avocat. Le juge s’assure qu’il s’est écoulé un temps suffisant entre la convocation et l’audience pour que le défendeur ait pu préparer sa défense. La procédure est orale et en principe contradictoire. Le juge peut, à tout moment, par simple mention au dossier, ordonner la comparution personnelle d’une partie, pour l’entendre séparément ou en présence de l’autre partie (CPC, art. 1136-6 nouveau).
Par souci de discrétion, les auditions peuvent se tenir en chambre du conseil, c’est-à-dire hors la présence du public (C. civ., art. 515-10 nouveau).
Le juge aux affaires familiales délivre une ordonnance de protection s’il estime, au vu des éléments produits devant lui et contradictoirement débattus, qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime est exposée (C. civ, art. 515-11 nouveau).
Parmi les mesures sur lesquelles le juge statue figure la demande de dissimulation du domicile ou de la résidence de la victime. Dans le cas où le magistrat ne fait pas droit à cette demande ou bien si l’exécution d’une décision de justice le nécessite, l’avocat ou le procureur de la République auprès duquel la victime a sollicité ou obtenu l’élection de domicile doit communiquer sans délai l’adresse de cette dernière au défendeur (ou à son avocat) ou, selon le cas, à l’huissier de justice, dès lors qu’ils en font la demande (CPC, art. 1136-8 nouveau).
L’ordonnance est en principe notifiée par voie de signification, c’est-à-dire par huissier de justice. Le juge peut aussi, soit d’office soit à la demande d’une partie, décider qu’elle sera notifiée par le greffe par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou par la voie administrative (remise en mains propres contre récépissé), en cas de danger grave et imminent pour la sécurité de la victime, ou lorsqu’il n’existe pas d’autre moyen de notification (CPC, art. 1136-9 et 1136-10 nouveaux).
La notification au ministère public est faite, quant à elle, par remise avec émargement ou envoi contre récépissé (CPC, art. 1136-9 nouveau).
La notification de l’ordonnance prononçant une mesure de protection reproduit les sanctions pénales encourues par le conjoint violent ou menaçant (voir ci-dessous) et, lorsqu’elle est faite à une personne mariée, rappelle les dispositions relatives à l’introduction en parallèle d’une procédure de divorce ou de séparation figurant à l’article 1136-13 du code de procédure civile (CPC, art. 1136-9 nouveau).
Un recours contre l’ordonnance de protection devant la cour d’appel est possible dans les 15 jours suivant sa notification (CPC, art. 1136-11 nouveau).
Le conjoint violent ou menaçant encourt certaines sanctions pénales s’il ne respecte pas les obligations ou interdictions qui lui ont été imposées dans le cadre de l’ordonnance de protection.
En premier lieu, la loi du 9 juillet 2010 réprime d’une peine de 2 ans d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende le fait, pour une personne faisant l’objet d’une ou de plusieurs obligations ou interdictions imposées dans une ordonnance de protection, de ne pas s’y conformer (code pénal [CP], art. 227-4-2 nouveau).
Ce dispositif s’inspire de l’article 227-3 du code pénal relatif à l’abandon de famille qui punit des mêmes peines le fait, pour une personne, de ne pas exécuter une décision judiciaire ou une convention judiciairement homologuée lui imposant de verser au profit d’un enfant mineur, d’un descendant, d’un ascendant ou du conjoint, une pension, une contribution, des subsides ou des prestations de toute nature en raison de l’une des obligations familiales prévues par le code civil. L’idée est ainsi de donner plus d’effectivité à l’ordonnance de protection.
Dans le cas où une personne, tenue de verser une contribution ou des subsides au titre de l’ordonnance de protection, ne notifie pas son changement de domicile au créancier dans un délai de 1 mois à compter de ce changement, elle encourt 6 mois d’emprisonnement et 7 500 € d’amende (CP, art. 227-4-3 nouveau).
Là encore, le législateur s’est inspiré d’un article du code pénal – l’article 227-4 – qui prévoit des sanctions identiques à l’encontre d’une personne qui, tenue de verser une pension, une contribution, des subsides ou des prestations de toute nature, ne notifie pas son changement de domicile au créancier dans un délai de 1 mois.
L’ordonnance de protection ouvre plusieurs droits aux victimes de violences conjugales. Certains concernent plus particulièrement les personnes de nationalité étrangère, victime de leur conjoint français ou lui-même étranger. D’autres dispositions visent à mieux protéger le logement.
La loi tend à renforcer les conditions de renouvellement du titre de séjour des personnes qui, unies à un ressortissant français ou entrées en France au titre du regroupement familial, sont victimes de violences conjugales.
Actuellement, « l’autorité administrative est obligée de délivrer un titre de séjour temporaire en cas de violences conjugales antérieures à l’obtention de celui-ci et elle ne peut pas le retirer, ou retirer la carte de résident, d’une victime de violences conjugales qui se séparerait de son conjoint. En revanche, sa décision n’est pas liée en ce qui concerne [le] renouvellement » du titre de séjour, explique le rapporteur UMP de la loi à l’Assemblée nationale, Guy Geoffroy (Rap. A.N. n° 2293, Geoffroy, février 2010, page 40).
La loi met fin à cette disparité en transformant la possibilité qu’ont les préfets de renouveler le titre de séjour en obligation lorsque la victime bénéficie d’une ordonnance de protection. A cet effet, elle modifie l’article L. 313-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), qui concerne les conjoints de Français, ainsi que l’article L. 431-2 du même code, qui vise les conjoints d’étrangers entrés au titre du regroupement familial.
Désormais, l’autorité administrative doit accorder, dans « les plus brefs délais », la délivrance ou le renouvellement du titre de séjour de l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection, sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public.
Dans le même ordre d’idée, la loi du 9 juillet 2010 permet aussi la délivrance d’une carte de séjour temporaire à l’étranger en situation irrégulière qui bénéficie d’une ordonnance de protection. L’objectif est de répondre aux difficultés des femmes en situation irrégulière qui sont victimes de violences conjugales : « leurs conditions de séjour constituent [en effet] un obstacle rédhibitoire au dépôt de plainte puisqu’elles risquent de devoir quitter le territoire français en cas de dénonciation des violences qu’elles subissent », explique Guy Geoffroy (Rap. A.N. n° 2293, Geoffroy, février 2010, page 43).
Ainsi, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit à l’étranger en situation irrégulière qui bénéficie d’une ordonnance de protection, sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public. L’intéressé est dispensé de l’exigence posée par l’article L. 311-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Il n’a donc pas à prouver qu’il est entré régulièrement sur le territoire français par la production d’un visa d’une durée supérieure à 3 mois. Cette carte de séjour lui permet d’exercer une activité professionnelle (Ceseda, art. L. 316-3 nouveau).
En outre, en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident peut être délivrée à l’étranger ayant déposé plainte pour un crime ou un délit pour lequel les peines sont aggravées lorsqu’il est commis par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un PACS ou par son ex-conjoint, concubin ou partenaire (Ceseda, art. L. 316-4 nouveau). Il s’agit là en revanche d’une faculté et non d’un droit.
Pour mémoire, les articles L. 316-1 et L. 316-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile permettaient déjà à l’autorité administrative de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à un étranger qui déposait plainte pour avoir été victime de traite des êtres humains ou de proxénétisme ou qui témoignait dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour de telles infractions.
Autre mesure pour les personnes étrangères bénéficiant d’une ordonnance de protection : la possibilité d’accéder à l’aide juridictionnelle. En principe, sont admises au bénéfice de l’aide juridictionnelle :
les personnes physiques de nationalité française et les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne ;
les personnes de nationalité étrangère résidant habituellement et régulièrement en France.
Par exception, l’article 3 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique prévoit que les étrangers peuvent en bénéficier sans condition de résidence dans certaines situations, par exemple s’ils sont mineurs ou bien engagés dans une procédure pénale ou dans une procédure administrative d’éloignement du territoire, de maintien en zone d’attente ou de recours contre un refus de délivrance d’un titre de séjour. A cette liste sont désormais ajoutés les étrangers bénéficiant d’une ordonnance de protection (loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, art. 3 modifié).
En pratique, cet ajout ne concernera que les étrangers en situation irrégulière qui ne sont pas couverts par le principe général d’octroi de l’aide juridictionnelle.
Plusieurs dispositions visent à mieux assurer la protection du domicile au bénéfice de la victime, en lui permettant notamment un accès plus facile à un logement.
Le conjoint mais aussi, désormais, le partenaire lié par un PACS ou le concubin violent dont l’expulsion du domicile est ordonnée par le juge aux affaires familiales dans le cadre d’une ordonnance de protection, ne peut invoquer les diverses garanties procédurales retardant l’expulsion prévues par la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution et par le code de la construction et de l’habitation. Une nouveauté par rapport au dispositif antérieur du « référé-violence » dans lequel seuls les époux violents étaient visés.
Dès lors, les intéressés ne peuvent faire valoir (loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, art. 66-1 modifié) :
l’article 62 de la loi du 9 juillet 1991 qui prévoit que l’expulsion ne peut intervenir qu’à l’expiration d’un délai de 2 mois suivant le commandement de quitter les lieux ;
l’article 65 de cette même loi, selon lequel les meubles se trouvant sur les lieux sont remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle-ci désigne ;
l’article 66 qui énonce que, à l’expiration du délai imparti et sur autorisation du juge de l’exécution, il est procédé à la mise en vente aux enchères publiques des meubles ;
les articles L. 613-1 à L. 613-5 du code de la construction et de l’habitation sur le sursis à exécution de la mesure d’expulsion et notamment sur la trêve hivernale, qui court du 1er novembre de chaque année au 15 mars de l’année suivante.
La loi du 9 juillet 2010 prévoit que, dans le cadre de chaque plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées, élaboré par l’Etat et le département pour 3 ans en associant divers partenaires, des conventions doivent être passées avec les bailleurs de logements pour réserver un nombre suffisant de logements, répartis géographiquement, à destination des personnes victimes de violences qui bénéficient ou ont bénéficié d’une ordonnance de protection (loi n° 90-449 du 31 mai 1990, art. 5 modifié).
Plus généralement, la loi stipule que les plans départementaux d’action pour le logement des personnes défavorisée prennent « en compte les besoins des personnes victimes de violences au sein de leur couple ou au sein de leur famille, menacées de mariage forcé ou contraintes de quitter leur logement après des menaces de violences ou des violences subies effectivement » ainsi que ceux du « conjoint victime lorsque celui-ci est propriétaire de son logement » (loi n° 90-449 du 31 mai 1990, art. 4 modifié).
Afin de faciliter l’accès à un logement universitaire des étudiant(e)s majeur(e)s victimes de violences protégé(e)s ou ayant été protégé(e)s par une ordonnance de protection et qui sont inscrit(e)s dans un établissement scolaire ou universitaire, il est prévu qu’une convention doit être passée entre l’Etat et les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires pour leur réserver un nombre suffisant de logements (code de l’éducation, art. L. 822-1 modifié).
À SUIVRE…
DANS CE NUMÉRO
I. L’ordonnance de protection
A. Le cadre juridique
B. La procédure applicable
C. Les sanctions encourues par le conjoint non respectueux de l’ordonnance
D. Les effets de l’ordonnance de protection pour les victimes
DANS UN PROCHAIN NUMÉRO
II. Les autres mesures de protection
Loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010, J.O. du 10-07-10.
Décret n° 2010-1134 du 29 septembre 2010, J.O. 30-09-10.
Circulaire NOR : JUSD1020921C du 3 août 2010 , B.O.M.J.L. n° 2010-006 du 31-08-10.
Dans le cadre des enquêtes sur des crimes ou délits fragrants, les officiers et les agents de police judiciaire ont désormais l’obligation d’informer les victimes de leur droit de demander une ordonnance de protection. Les victimes doivent également être informées des peines encourues par le ou les auteurs des violences et des conditions d’exécution des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre (code de procédure pénale [CPP], art. 53-1, 6° nouveau).
La même règle s’applique dans le cadre des enquêtes préliminaires (CPP, art. 75, 6° nouveau).
Pour le rapporteur de la loi au Sénat, ces dispositions sont importantes dans la mesure où « l’officier ou l’agent de police judiciaire est souvent la première personne que rencontre une victime de violences conjugales qui décide de porter plainte. Elles faciliteront ainsi, parallèlement au déroulé de la procédure pénale, l’accès de la victime au dispositif d’urgence que constitue l’ordonnance de protection » (Rap. Sén. n° 564, Pillet, juin 2010, page 39).
COMPOSITION PÉNALE ET ORDONNANCE DE PROTECTION (ART. 30 DE LA LOI)
La victime est présumée ne pas consentir à une médiation pénale lorsqu’elle a saisi le juge aux affaires familiales en vue d’obtenir une ordonnance de protection en raison de violences commises par son conjoint, son concubin ou le partenaire avec lequel elle est liée par un pacte civil de solidarité (code de procédure pénale, art. 41-1 modifié). Relevons également, de manière générale, que la médiation pénale peut être décidée par le procureur de la République si la victime est d’accord mais aussi, désormais, à la demande de cette dernière.
APPLICATION DE L’ORDONNANCE DE PROTECTION AUX ALGERIENS (ART. 13)
La loi du 9 juillet 2010 prévoit qu’un rapport doit être remis par le gouvernement au Parlement, avant le 31 décembre 2010, sur l’application de l’ordonnance de protection aux ressortissants algériens soumis à l’accord conclu entre la France et l’Algérie et relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, signé à Alger le 27 décembre 1968.
(2) Dans la suite des développements, nous évoquerons essentiellement le conjoint violent ou menaçant. Il faut l’entendre au sens large comme incluant le concubin, le partenaire pacsé, ainsi que les ex-conjoints, ex-concubins ou ex-partenaires.
(3) L’article 515-4 du code civil dispose que les partenaires liés par un PACS s’engagent notamment à une aide matérielle qui, s’ils n’en disposent autrement, est proportionnelle à leurs facultés respectives.