Licenciements, réorganisations, fermetures, manifestations de salariés en colère… Cette situation n’est pas celle d’un secteur industriel sinistré, mais la dure réalité qui frappe dans plusieurs régions l’accueil et l’hébergement des personnes sans domicile. Un secteur pourtant au cœur de la « refondation » lancée l’hiver dernier par le secrétaire d’Etat au logement, qui vise à mieux coordonner les acteurs pour améliorer les prises en charge et faciliter l’accès au logement, dans le cadre du « chantier national prioritaire » 2008-2012. Il n’a pas échappé cette année à un scénario décrié de longue date, qui a toutes les chances de se répéter l’an prochain (voir encadré, page 29) : des crédits insuffisants sont votés en loi de finances initiale, complétés à coups de rallonges successives. Après une nouvelle enveloppe toujours insuffisante distribuée en octobre, le Premier ministre vient d’annoncer, après la mobilisation des associations, 63 millions d’euros supplémentaires consacrés à l’hébergement, pour finir l’année. Si ces crédits représentent bien sûr une bouffée d’air, il n’est pas sûr qu’ils suffisent à rétablir partout la situation. Ereintées par les restrictions, la politique du « coup par coup » qui les empêchent d’avoir une visibilité sur leurs comptes et par l’augmentation des besoins, beaucoup de structures y ont déjà laissé des plumes. Y compris dans les régions qui étaient censées avoir sauvé le budget des dispositifs concernés par la « refondation » (veille sociale, hébergement, accès au logement). « En fait, les tableaux budgétaires de l’administration centrale sont illisibles en termes de dispositifs financés, il est très difficile de s’y retrouver », explique François Brégou, responsable du service « analyse stratégique et partenariats » de la FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale). Ils cachent en outre de grandes disparités locales. « L’Etat a essayé de prendre en compte les situations régionales les plus tendues, justifie-t-on au cabinet du délégué interministériel pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées. Quant aux répartitions entre départements, elles appartiennent aux préfets de région. » Reste que, début novembre, les associations concernées par les réductions n’avaient plus les moyens de couvrir les besoins. « Si la perte a été moins importante que ce que nous craignions en début d’année pour les CHRS, certains sont malgré tout en grande difficulté suite à la perte de crédits non reconductibles, illustre Lucile Delmas, déléguée de la FNARS Aquitaine. Pour ceux qui ont vu leurs budgets reconduits à l’identique, la situation est également délicate : les gestionnaires n’ont pas les moyens d’absorber l’évolution de la masse salariale induite par les conventions collectives dont relèvent les travailleurs sociaux. Quant au secteur de l’urgence, il a subi une diminution drastique, de l’ordre de 30 % dans certains départements ! » Sans compter que, à deux mois de la fin de l’année, les structures n’étaient toujours pas fixées sur leur budget définitif.
Même si tout le secteur est sous tension, la veille sociale et l’hébergement d’urgence ont été les plus durement frappés. En période de disette budgétaire, « l’Etat s’en sert comme variables d’ajustement », déplore Matthieu Angotti, directeur général adjoint de la FNARS. Mais à cette explication s’en ajoute une autre, plus officielle : la logique de la « refondation » – le « logement d’abord » – conduit à la maîtrise des dépenses d’hébergement. « Le recours au dispositif d’hébergement doit rester exceptionnel et provisoire. La priorité doit être donnée à l’accès au logement, en utilisant l’ensemble de la gamme de réponses possibles adaptées aux besoins de chaque personne », a encore rappelé le secrétaire d’Etat au logement dans la lettre accompagnant la dernière circulaire hivernale. Les associations, largement investies dans la réforme, pointent néanmoins l’incohérence d’un serrage de vis précipité. Priorité à l’accès au logement, oui, mais sans sacrifier les dispositifs nécessaires pour accompagner les plus fragiles vers l’autonomie. D’autant que ce principe ne restera qu’un slogan sans offre suffisante de logements sociaux. « Il manque des places à Paris, et à cela s’ajoute la crise du dispositif d’accueil des demandeurs d’asile. L’hiver se prépare dans des conditions difficiles », témoigne Sylvain Cuzent, directeur général du Centre d’action sociale protestant. Tandis que l’Etat souligne que les capacités d’hébergement ont été augmentées, la FNARS rappelle que rien ne permet encore de mesurer l’adéquation de l’offre aux besoins.
Faute de financements, des équipes mobiles ont été supprimées, comme celle gérée par le CHRS Parenthèse, à Dole (Jura). L’Auvergne a vu disparaître quatre accueils de jour cette année, dont trois pour des raisons budgétaires. « Ce sont près de 2 500 personnes qui n’en bénéficient plus, qui vont devenir invisibles, déplore le président de la FNARS Auvergne, Jean-François Domas. Jamais nous n’avons été autant inquiets pour l’hiver. Si les grosses régions urbaines comme l’Ile-de-France présentent le plus de recours DALO, les zones rurales concentrent au moins autant de misère ! Il faut prendre en compte la spécificité des territoires. Or nous faisons les frais d’une politique centralisée, sans plus aucune concertation ! » Face à la chute drastique de ses subventions (- 75 % !), l’accueil de jour de l’association toulousaine Espoir, où viennent environ 200 femmes différentes par an (dont certaines avec de jeunes enfants) a dû réduire la voilure sur son personnel et ses horaires, en ouvrant une demi-heure par jour en moins, sur ses trois demi-journées par semaine. « On ne peut pas aller en dessous pour assurer un minimum de permanence », se résigne Anne Polté, directrice de l’association, qui a cherché jusqu’aux dons privés pour boucler son budget. Même le conseil général, sollicité au titre de l’aide à l’enfance et aux familles, n’a pas souhaité mettre la main à la poche, « au prétexte qu’ il ne veut pas se substituer au désengagement de l’Etat », précise-t-elle. Début novembre, la structure a appris qu’elle bénéficierait d’un financement supplémentaire pour renforcer son équipe dans le cadre du dispositif hivernal. Pour cinq mois…
A Auch (Gers), l’association Le point du jour, qui gère le 115, un accueil de jour et un centre d’hébergement d’urgence, a même cru ne pas passer l’hiver. Elle a été assurée in extremis, fin octobre, d’obtenir les moyens nécessaires à son fonctionnement, y compris pour le renforcement hivernal, et un financement pour la gestion du volet « urgence » du SIAO (service intégré de l’accueil et de l’orientation), cette plateforme destinée à centraliser l’offre et la demande, pièce centrale de la « refondation ». Mais la bonne nouvelle est arrivée un peu tard : en juillet dernier, l’association a licencié son directeur et supprimé un poste éducatif partagé entre le 115 et les structures d’accueil. Dans le Gard, la Croix-Rouge a quant à elle failli ne pas signer sa convention pour le 115, qui devait initialement accuser une chute vertigineuse de 50 % de ses financements. Si la pérennité du service est désormais assurée, Olivier Dupuy, directeur du pôle social, se garde bien de crier victoire. « A quoi sert un 115 sans places suffisantes ? Certaines associations en difficulté en auront moins à mettre à disposition ou ne pourront pas en ouvrir de nouvelles pour l’hiver. Or le Gard souffre d’un taux d’équipement en places d’urgence de moitié inférieur à la moyenne nationale ! » Serge Thomas, le directeur de l’Escale, qui gère plusieurs dispositifs en Charente-Maritime et dans les Deux-Sèvres, partage la même inquiétude. L’association a vu son budget chuter de près de 9 %, ce qui s’est traduit par des gels de postes et la diminution des amplitudes d’ouverture des accueils de jour et de nuit. « Ce matin il faisait 5 °C et on aura de plus en plus de mal à répondre aux besoins. C’est dur pour les publics, les salariés, les administrateurs. »
Au point que l’Escale « émet des réserves sur sa participation au SIAO de Charente-Maritime », dont d’autres associations gestionnaires sont aussi partie prenante. En signe de protestation, les associations de Meurthe-et-Moselle ont, elles, déjà mis en suspens leur participation au dispositif dans l’attente de meilleurs auspices. Les coupes budgétaires, qui touchent toute la région, ont également conduit la FNARS Lorraine, l’Uriopss et l’intersyndicale des personnels des CHRS du département à se mobiliser, en appelant à un rassemblement le 22 octobre à Nancy. Mi-novembre, l’association d’Accueil et de réinsertion sociale (ARS), l’une des grosses structures de la région, qui intervient à Nancy, dans le Lunévillois et le Val-de-Lorraine, n’avait pas encore touché un centime de l’Etat pour l’hébergement d’urgence, ni au titre de l’insertion des personnes vulnérables, ni pour l’accueil des demandeurs d’asile. Les sommes annoncées se sont en outre révélées insuffisantes. Sur près de 200 salariés, « dix postes sont concernés par ces difficultés financières », précise Monique Chalubiec, délégué syndicale CGT de l’ARS. Après avoir alerté les pouvoirs publics pendant un an, le conseil d’administration a décidé le 1er octobre de ne plus accepter de nouvelles demandes d’accueil d’urgence. Impossible de continuer à engager des fonds propres sans la mettre en péril, a-t-il expliqué. S’en est ensuivie, deux semaines après, la décision de dénoncer les conventions avec les hôtels, avec le risque de mettre 200 personnes à la rue en plein hiver. Un peu tard, la situation semble se débloquer. « D’après les engagements pris, il reste 1,3 million d’euros à couvrir pour l’urgence, par rapport au budget prévisionnel de 3,2 millions d’euros, explique Jean-Marie Schléret, président du conseil de surveillance de l’ARS. Mais les services de l’Etat nous ont donné bon espoir que l’argent viendra, ce qui va permettre un moratoire jusqu’au mois de mars sur la décision concernant les hôteliers. » Mais pas, en revanche, d’ouvrir de nouvelles places pour le dispositif hivernal.
Et ce cas n’est pas isolé. Cet été, la FNARS a dû interrompre le dispositif « nuits service plus » qu’elle gère dans les Bouches-du-Rhône. Ces nuitées d’hôtels à la disposition du 115, dont elle sous-traite l’attribution à l’association Hospitalité pour les femmes, permettent d’héberger des publics qui ne trouvent pas de réponse adaptée dans les centres d’hébergement d’urgence classiques, comme les familles avec enfants et les jeunes de moins de 25 ans. Pendant août et septembre, 1 000 nuitées n’ont ainsi pu être assurées. L’association a rouvert le service le 1er octobre, mais en contingentant ses places malgré la pression de la demande. « Résultat de la baisse des subventions – moins 25 000 € pour l’Etat et moins 30 000 € pour la ville de Marseille – et de l’ augmentation des publics en grande fragilité sociale, le déficit prévisionnel est estimé à 95 000 € à la fin de l’année », explique Christian Vives, délégué régional de la FNARS PACA-Corse-DOM.
L’association souligne par ailleurs la contradiction entre cette situation et les orientations des politiques publiques. « Le plan départemental d’accueil, d’hébergement et d’insertion définit les jeunes, les familles et les femmes isolées comme des publics prioritaires, alors qu’ils sont directement concernés par les coupes budgétaires », s’exaspère le président de la délégation régionale, Sylvain Rastoin. Un sentiment d’injonctions contradictoires partagé par la plupart des gestionnaires. A Toulouse, la Maison des allées, établissement public relevant de la fonction publique hospitalière (FPH), géré par le centre communal d’action sociale, rassemble trois CHRS et le dispositif de veille sociale de Haute-Garonne. Les dotations de l’Etat ne permettent pas d’assurer les évolutions de salaires telles que les prévoit la FPH, explique son directeur Christian Wolf : « L’Etat nous a agréé pour assurer une prestation, avec le personnel nécessaire, mais il ne nous en donne pas les moyens. » Une situation qui conduit chaque année nombre d’établissements à former un recours devant le tribunal de la tarification.
Quand elles survivent à cette tension budgétaire, les associations doivent s’adapter, quitte… à rogner sur la qualification de leurs équipes. Elles fonctionnent souvent à flux tendu, avec un ratio diminué, et il n’est pas rare que des moniteurs-éducateurs remplacent des éducateurs et que les jeunes, moins chers dans les conventions collectives, soient privilégiés à l’embauche. Les petites structures, qui ont les reins moins solides, se mettent à recruter un minimum de travailleurs sociaux. L’Auberge collective du Pont de l’écho, lieu d’accueil de jour et de nuit avec ses 16 places d’hébergement à Foix, compte ainsi sept salariés, dont seulement trois en contrat à durée indéterminée. Un seul est diplômé en travail social. Parmi les contrats aidés, des animateurs de vie collective. « Ils sont souvent seuls pour s’occuper de publics en très grande difficulté, reconnaît Laurent Maynaud, son président. Mais compte tenu des coûts salariaux, qui représentent 80 % des charges, ouvrir 24 heures sur 24, 365 jours par an, est impossible avec des éducateurs ou des moniteurs-éducateurs. » Mais cette année, l’association a dû aussi fermer partiellement en journée, diminuant du coup l’accompagnement des personnes accueillies. « Le risque est de devenir uniquement un accueil de nuit, craint Laurent Maynaud. Pendant la journée, les publics investissent l’endroit, prennent des initiatives. Ce sont des temps de socialisation et d’insertion qui ne sont pas forcément mesurables. »
En jouant sur leurs horaires ou leurs effectifs, les associations renoncent finalement à leur projet associatif. Non sans s’interroger sur le sens de leurs missions. C’est le cas de l’Association varoise d’accueil familial, à Toulon, qui a essuyé, pour la deuxième année, une baisse de 1,6 % de la dotation de ses deux CHRS, deux gros établissements dans le département. Sur leurs 46 salariés, elle en a supprimé six, parmi les personnels des services généraux et les veilleurs de nuit. Mais la nature de la prise en charge a été aussi modifiée, insidieusement plus sélective. « Nous avons réduit les places en accueil collectif, pour les publics très marginalisés, au profit de places en appartements éclatés, explique François Maturin, directeur général de l’AVAF. C’est une façon de maintenir la capacité et la qualité de l’accueil mais en même temps, nous prenons moins en charge les plus abîmés. » De surcroît, l’association a connu une baisse de ses crédits pour l’intermédiation locative. Et elle vient seulement de recevoir les subsides de la prestation d’accompagnement vers et dans le logement, qu’elle avait dû cesser fin août faute de financement. Un comble, à l’heure où l’accent est mis sur l’insertion dans le logement.
A Bordeaux, deux associations importantes sont également en train de remettre à plat leurs modalités d’accueil. L’une d’elles, l’association Solidarité jeunesse, qui gère un CHRS de 32 places, a formé un groupement de coopération sociale et médico-sociale il y a un an avec une autre association, dans le dessein de mutualiser leurs moyens. Un mouvement d’ailleurs encouragé par l’Etat, qui veut avoir affaire à un secteur moins éclaté. Cette année, elle n’a pas pour autant échappé au déficit : 120 000 €, sur un budget de 500 000 €. Et à en croire Rachid Farahi, le directeur du groupement, la signature d’une convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens, qui contraint logiquement à des mesures d’économies, ne représente pas la panacée : « On va m’accorder des mesures en plus, donc des efforts supplémentaires, mais avec des financements qui correspondent à des actions particulières, qui ne couvriront pas le manque de moyens par ailleurs. » Sur 14 salariés, l’association va en licencier deux – un chargé d’insertion et un veilleur de nuit. Deux autres, partis à la retraite, ne sont remplacés que sur un demi-poste. « Il va falloir réorganiser le travail tout en préservant la qualité de l’accueil, explique le directeur. La réflexion est en cours, mais l’idée est de sortir du modèle du foyer traditionnel, de diminuer le nombre de personnes accueillies tout en leur accordant plus d’autonomie. Les heures de repas continueraient d’être assurées mais il n’y aurait plus de surveillance 24 heures sur 24. » Un pari, face à un public constitué exclusivement de jeunes hommes de moins de 25 ans. « J’émets l’hypothèse que l’on aurait ainsi plus de temps individualisé pour chacun, précise Rachid Farahi, qui s’interroge néanmoins sur le risque d’une sélection des publics. Le problème est d’être contraints à ce choix de façon brutale, de casser un outil que l’on a mis 30 ans à faire tourner, sans en mesurer les conséquences. » Toujours à Bordeaux, l’association Revivre licencie sept salariés sur les 26 que comptent ses deux CHRS. « Depuis le décret du 22 octobre 2003, les services de l’Etat nous demandent d’aller vers un coût moyen, fixé à 15 000 €, explique Catherine Abeloos, directrice de l’association. Nous sommes à plus de 18 000 €, en raison du coût de notre masse salariale, important à cause de la qualification et de l’ancienneté de l’équipe. Nous accusons plus de 200 000 € de déficit tous les ans. Cette année, la direction départementale de la cohésion sociale m’a invitée à licencier pour réduire la masse salariale. » Moins nombreux, les travailleurs sociaux auront une charge plus importante de travail et ne seront plus présents le week-end ou les jours fériés. Quant aux veilleurs de nuit, qui ne seront là seulement que jusqu’à deux heures du matin, ils seront partiellement remplacés par… des caméras de surveillance. « Je n’aurais jamais cru que j’aurais à faire ça dans ma vie professionnelle », se désole Catherine Abeloos.
Au final, le sens du travail social, comme le respect des principes de l’inconditionnalité et de la continuité de l’accueil, sont remis en cause. Ce qui amène les professionnels à se mobiliser. Plusieurs actions ont récemment eu lieu dans les régions. Depuis un an et demi, dans l’Isère, un collectif « CHRS en danger », rassemblant une trentaine de travailleurs sociaux, syndiqués ou non, se réunit pour défendre les valeurs et les missions associatives. « Nous voulons que cette question soit portée par les salariés, les conseils d’administration, les directeurs, et qu’elle ne soit pas qu’une lutte syndicale, explique Nicolas Gaillard, éducateur et délégué CGT action sociale. Dans le contexte actuel, l’intérêt de la gouvernance associative disparaît : les établissements doivent à tout prix être rentables, les associations deviennent concurrentes dans la recherche de subventions et la réponse aux appels à projets, tandis que vont naître de gros groupements qui n’auront d’associatif que le nom. Nous sommes à un grand tournant de l’action sociale ! »
En novembre 2009, un réseau des professionnels de l’urgence sociale s’est constitué à Lyon. Il a adressé au secrétaire d’Etat au logement et à l’administration une pétition qui a réuni plus de 2 500 signatures en deux semaines. « Nous avons lancé une grève fin janvier pour réclamer l’ouverture de places supplémentaires et le respect du principe de continuité de l’hébergement et de non-remise à la rue, raconte Baptiste Meneghin, membre du collectif et éducateur spécialisé dans une équipe mobile de Lyon. Si nous n’avons pas obtenu la création de places, le tribunal administratif a, en mai dernier, annulé la fin de l’hébergement pour trois ménages, en vertu de l’article 73 de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion. »
Puis, face aux chutes de crédits, est née cet été une coordination nationale des professionnels de l’urgence sociale, dont la vocation est de relayer « les préoccupations des professionnels du terrain et de défendre les droits des personnes ». La coordination, qui rassemble des collectifs de toute la France, a, le 14 octobre dernier, rencontré Alain Régnier, le délégué interministériel pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées. Elle a obtenu de prochaines réunions et de participer au comité national de la « refondation » qui se réunit tous les mois.
Alors que les services intégrés de l’accueil et de l’orientation (SIAO) se mettent progressivement en œuvre, les associations espèrent ne pas voir leur avenir compromis par un manque de moyens. Celles désignées comme opérateurs, seules ou dans le cadre d’un groupement de coopération sociale et médico-sociale à la suite d’une concertation plus ou moins effective avec l’Etat, ont, pour 2010, obtenu des crédits intégrant un poste de coordinateur. Trop peu, selon les associations. « Nous avons obtenu 50 000 € pour toute la région, soit quatre SIAO ! » , s’exclame Jean-François Domas, président de la FNARS Auvergne, tandis que Cécile Thimoreau, déléguée de la FNARS Midi-Pyrénées, déplore seulement « un peu plus de 143 000 € pour huit départements ». En outre, certains coûts ne sont pas pris en compte, comme la logistique ou la durée de formation nécessaire aux travailleurs sociaux qui devront consacrer du temps au dispositif, objectent les gestionnaires. La fonction de « référent personnel » prévue par la « refondation » est pour l’heure oubliée des financements et de l’organisation de ces plateformes uniques. En 2011, 6 millions d’euros devraient être versés pour les SIAO, qui bénéficieront d’une partie des crédits auparavant dévolus aux services du 115 et aux services d’accueil et d’orientation. La circulaire du 26 mai 2010 insistait, par ailleurs, sur la « rationalisation des dispositifs existants » pour permettre des redéploiements de crédits. Certains acteurs n’auront pas survécu à cette logique. Le service Relogement 92, collectif de 22 structures d’hébergement des Hauts-de-Seine, facilitait depuis 1999 l’accès au logement de leurs usagers en assurant l’interface avec les bailleurs et les réservataires de logements sociaux. La DDASS et le conseil général avaient jusqu’alors financé trois postes – un chef de service, un travailleur social et un agent administratif salariés de l’association Altaïr – pour mener cette mission. 46 ménages ont ainsi été relogés en 2009. Mais les services de l’Etat n’ont plus jugé nécessaire de financer ces postes. « Le SIAO, qui va regrouper tous les opérateurs financés par l’Etat, met fin à l’activité du collectif, dont la mission était surtout d’être l’interlocuteur du GIP Habitat », confirme-t-on à la direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement d’Ile-de-France. Pour autant, Emilie Gobe, chef du service, craint la perte d’un savoir-faire, fondé sur l’écoute et l’accompagnement des ménages, y compris après leur relogement. « Nous veillions à rencontrer chaque famille pour être attentifs à leur demande et à leurs besoins, alors que le SIAO risque de se résumer à la gestion de fichiers », explique-t-elle. Sans compter les interrogations qui portent sur la protection des données sur les usagers.
Sortir des sous-dotations chroniques et lisser les disparités entre établissements : des objectifs que la prochaine réforme du financement du dispositif d’accueil, d’hébergement et d’insertion (AHI) est censée permettre d’atteindre. Après la définition d’un référentiel national des prestations en juillet 2010, qui tient compte des activités réalisées mais aussi des critères qualitatifs, notamment en termes de qualification des équipes, l’administration a lancé une réflexion avec les associations afin d’appréhender la réalité des coûts supportés par les établissements. A partir d’une enquête menée auprès d’un échantillon construit selon les données de la DREES, l’idée est de définir pour 2011 une fourchette de coûts par groupe homogène de structures, en fonction des prestations offertes et en sortant des catégories administratives. Ces références sont destinées à servir de base aux dialogues de gestion et à servir l’objectif de convergence tarifaire. La logique veut, par ailleurs, que cette évolution soit liée à la signature de conventions pluriannuelles d’objectifs et de moyens (CPOM). « Nous souhaitons pouvoir comparer ce qui est comparable, pour montrer à Bercy que lorsque l’on demande des financements, c’est que l’on en a besoin, explique Didier Piard, directeur de l’action sociale de la Croix-rouge. Cela reviendra à déterminer un coût plancher et un coût plafond, il y aura des discussions. Mais aujourd’hui, nous n’avons même pas les outils pour débattre. » Claude Chaudières, vice-président de l’association Emmaüs, reste prudent : « Si les CPOM vont permettre plus de visibilité, le problème reste la ligne budgétaire. Les conseils généraux devraient pouvoir apporter des cofinancements », défend-il, d’autant que les plans départementaux d’accueil, d’hébergement et d’insertion sont élaborés en concertation avec les collectivités territoriales et doivent désormais intégrer les plans départementaux d’action pour le logement des personnes défavorisés. Une perspective toutefois remise en cause par le contentieux actuel sur le transfert de compétences.
Quoi qu’il en soit, le secteur reste inquiet pour 2011, malgré les promesses du secrétaire d’Etat, selon qui les crédits votés n’auraient, cette fois, pas besoin d’être complétés en cours d’année. Benoist Apparu a, en effet, annoncé une hausse de 8 % du programme « prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » (1,18 milliard d’euros). Mais en intégrant les différents compléments d’enveloppe, ces crédits restent en réalité inférieurs à ceux effectivement délégués aux services régionaux de l’Etat pour l’année 2010. Traduction de la logique du « Logement d’abord » : tandis que l’enveloppe de la mesure de l’accompagnement vers et dans le logement grimpe, comme celle de l’intermédiation locative et des maisons relais, la veille sociale enregistre, selon la FNARS, une baisse de 21,4 % par rapport aux crédits consommés en 2009, les centres d’hébergement d’urgence et les CHRS (dont la capacité d’accueil reste stable) de 1 %. Etienne Pinte, député UMP et rapporteur pour la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale des crédits de ce programme, estime que, pour « satisfaire à l’objectif de sincérité budgétaire, il faudrait majorer [le budget] d’une soixantaine de millions d’euros ».