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La défenseure des enfants fait des recommandations pour lutter contre la précarité des enfants…

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« Huit millions de personnes dont environ deux millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté avec un revenu inférieur à 950 € par mois, la moitié d’entre elles vivant avec moins de 773 € par mois (après transferts sociaux). » Dans son dernier rapport thématique rendu public le 15 novembre (1), la défenseure des enfants lance un « cri d’alarme sur la situation des enfants pauvres ». Un rapport traditionnellement remis au président de la République le 20 novembre, journée internationale des droits de l’enfant, en même temps que le rapport annuel de l’institution (voir ce numéro page 8), et dont le thème coïncide avec celui de l’année européenne 2010, consacrée à la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.

« Des conséquences lourdes sur le devenir des enfants »

Dominique Versini dénonce fermement les inégalités subies par les enfants en matière de logement : 600 000 enfants sont mal logés, 10 000 enfants vivent dans des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et 6 000 enfants de moins de 3 ans sont accueillis dans des centres maternels… Or « l’absence de logement, le logement surpeuplé ou insalubre et l’hébergement d’urgence ont des conséquences directes sur leur scolarité, leur vie sociale et leur santé ». De plus, « les expulsions en hausse [2] produisent chez les enfants des effets comparables à ceux de la guerre ». La défenseure pointe encore les difficultés d’emploi des parents, qui sont un frein au logement et fragilisent d’autant la vie familiale et sociale, et l’éclatement de la cellule familiale en cas d’hébergement d’urgence. Ces situations entraînent la perte de l’estime de soi des parents et des enfants. Un sentiment de « peur du regard des institutions et des travailleurs sociaux par rapport au risque de placement des enfants » s’est en outre installé.

En matière de logement, la défenseure des enfants met directement en cause « l’absence de volonté politique depuis plusieurs décennies d’imposer aux collectivités la construction de logements sociaux ». Le déficit de logements sociaux, qu’elle chiffre à 900 000, rend le droit au logement opposable inapplicable. Pour elle, la priorité est donc non seulement de construire des logements sociaux en nombre suffisant mais aussi de les rendre accessibles aux familles à bas revenus. Elle milite aussi pour que l’accueil en CHRS redevienne un accueil d’urgence à vocation temporaire.

Des atteintes à l’ensemble des droits fondamentaux des enfants

Par ailleurs, Dominique Versini souligne que « la précarité affecte tous les domaines de la vie de l’enfant et porte atteinte à ses droits fondamentaux ». C’est le cas en matière de santé, avec des inégalités croissantes dans l’accès aux soins. Les enfants fréquentent de plus en plus les urgences hospitalières et ne reçoivent donc que des soins a minima et discontinus. Le risque d’obésité, de saturnisme et de grossesses chez les jeunes adolescentes sont accrus. Dominique Versini identifie plusieurs obstacles à l’accès aux soins et à la prévention : l’augmentation du nombre de médecins qui refusent les patients bénéficiant de la couverture maladie universelle (CMU), la tarification à l’activité, l’insuffisante valorisation de la prévention dans le cadre de la loi « hôpital, patients, santé et territoires » du 21 juillet 2009 et l’absence de coordination des mesures concernant la santé des enfants. Globalement peu optimiste, et sans illusion sur la portée d’une mesure obligeant les médecins à accepter les bénéficiaires de la CMU, la défenseure se contente de recommander un plan consacré à la santé de l’enfant et de l’adolescent et un meilleur suivi en périnatalité.

« La pauvreté a une incidence indiscutable sur le parcours scolaire des enfants pris dans une sorte de déterminisme social », déplore encore Dominique Versini. Et d’évoquer le manque de mixité scolaire comme un « frein énorme à l’ambition » des enfants. Ainsi, témoigne-t-elle, certains enfants restreignent volontairement leur investissement scolaire et évitent de se singulariser par des bonnes notes par crainte de subir des violences de la part des autres élèves. La défenseure pointe également le défaut de formation des enseignants qui « ne sont pas préparés à mettre en place des méthodes pédagogiques visant à valoriser les enfants et à nouer des liens constructifs avec les parents ». Selon elle, il ne faut plus « se contenter de faire de la transmission des savoirs ». Elle rappelle aussi que l’absentéisme peut avoir pour cause « la difficulté à se mobiliser dans les apprentissages scolaires du fait de la nécessité de soutenir la vie familiale ». Enfin, les familles en difficulté ne perçoivent plus l’école comme une institution qui va aider leurs enfants « à s’en sortir », regrette-t-elle. Pour remédier à cette situation, elle recommande notamment de développer le travail en équipes et en réseaux pluridisciplinaires, d’individualiser l’enseignement, de développer le tutorat et le parrainage étudiant ainsi que la mixité sociale. Les établissements scolaires doivent devenir, selon elle, des « lieux ressources ».

Des placements encore trop justifiés par les difficultés sociales

Partant du constat qu’un trop grand nombre de placements d’enfants ont lieu pour des raisons liées à la précarité, la loi du 5 mars 2007 a fait de la prévention et du maintien des liens familiaux un objectif majeur du dispositif de protection de l’enfance, rappelle Dominique Versini. Pour autant, le bilan de la mise en œuvre de cette loi n’est pas à la hauteur des attentes. La défenseure dénonce les difficultés financières que rencontrent les départements pour réaliser leurs missions. Et estime que le décret du 17 mai 2010 créant le Fonds national de financement de la protection de l’enfance a « réduit considérablement les sommes allouées aux départements »alors que l’objet du fonds est de compenser les nouvelles charges résultant pour eux de la loi du 5 mars 2007 (3). Ces contraintes budgétaires amènent un certain nombre de départements à concentrer leurs actions sur leurs compétences obligatoires, c’est-à-dire « la protection de l’enfance au sens où on l’entendait avant 2007 », et à réduire les actions de prévention et d’accompagnement social des familles. Autre obstacle à la mise en œuvre de la loi : les départements qui veulent mettre en place des actions coordonnées afin de régler les problèmes qui ne relèvent pas de leurs compétences directes (logement, garde d’enfants, alimentation, santé, emploi…) se heurtent au cloisonnement des différentes institutions locales. En outre, ceux qui souhaitent développer des alternatives au placement sont confrontés à la difficulté de faire évoluer les associations assurant les placements traditionnels.

Face à ce constat, Dominique Versini souhaite que la prévention et l’accompagnement des familles soient érigés en « priorité absolue », avec comme objectif la réduction des placements d’enfants pour cause de précarité et le développement de modes d’accueil alternatifs.

Notes

(1) Rapport thématique 2010 – Précarité et protection des droits de l’enfant – Disponible sur www.defenseurdesenfants.fr.

(2) Le nombre d’expulsions locatives est évalué à 10 000 par an. Il s’établirait entre 30 000 et 40 000 en comptabilisant les familles qui quittent leur logement avant l’expulsion proprement dite.

(3) Voir ASH n° 2660 du 21-05-10, p. 5 et n° 2661 du 28-05-10, p. 18.

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