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Les ambiguïtés du contrat de responsabilité parentale

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Les récentes modifications apportées par la loi « Ciotti » au contrat de responsabilité parentale posent certaines questions, notamment en matière de gouvernance de la politique territoriale de protection de l’enfance, analyse Marie-Odile Grilhot, formatrice à l’IRTS PACA-Corse, docteure en droit social, auteure d’une thèse sur la décentralisation de l’aide et de l’action sociales (1).

« En cas d’absentéisme scolaire, tel que défini à l’article L.131-8 du code de l’éducation, de trouble porté au fonctionnement d’un établissement scolaire ou de toute autre difficulté liée à une carence de l’autorité parentale, le président du conseil général, de sa propre initiative ou sur saisine de l’inspecteur d’académie, du chef d’établissement d’enseignement, du maire de la commune de résidence du mineur, du directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales ou du préfet, propose aux parents ou au représentant légal du mineur un contrat de responsabilité parentale ou prend toute autre mesure d’aide sociale à l’enfance adaptée à la situation », dispose l’article L . 222-4-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF).

Le contrat de responsabilité parentale (CRP), créé par la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, est ainsi une forme de réponse à la « démission » des familles confrontées à l’absentéisme scolaire de leur enfant (2). Ce nouvel instrument a pour objet de venir en aide aux parents qui sont dans l’incapacité d’imposer des règles de vie à leurs enfants, ces carences éducatives pouvant leur porter préjudice dans leur formation future.

Lorsque des difficultés apparaissent – absentéisme scolaire ou toute difficulté liée à une carence de l’autorité parentale –, le président du conseil général peut proposer aux parents ou aux représentants légaux la signature d’un contrat de responsabilité parentale. Il peut également être saisi par l’inspecteur d’académie, le chef d’établissement d’enseignement, le maire de la commune de résidence du mineur, le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales ou encore le préfet. Ce contrat rappelle les obligations des titulaires de l’autorité parentale et propose des mesures d’aide et des actions visant à remédier à la situation.

Le CRP ne fait pas l’unanimité des acteurs de l’aide sociale à l’enfance (ASE). En effet, il n’est pas sans ambiguïté dans la mesure où il mêle action d’adhésion par la signature d’un contrat et sanctions en cas d’inobservation de son contenu. Il autorise une suspension des prestations familiales à titre de sanction pour les parents, une mesure très controversée puisque l’on supprime des aides financières à des familles en grande précarité économique.

La récente loi « Ciotti » visant à lutter contre l’absentéisme scolaire, définitivement adoptée le 16 septembre (3), prévoit des sanctions graduées. « Après quatre demi-journées d’absence non justifiées sur un mois, l’inspecteur d’académie adresse un avertissement aux parents. Il doit également saisir le président du conseil général en vue de la mise en place d’un contrat de responsabilité parentale. Ce n’est qu’en cas de nouvelles absences pendant l’année scolaire que l’inspecteur d’académie demandera à la caisse d’allocations familiales [CAF] de suspendre le versement de la part des allocations familiales correspondant à l’enfant en cause. Ce versement est rétabli rétroactivement si l’enfant fait preuve d’assiduité pendant le mois suivant. Mais en cas de ‘récidive’, elles sont supprimées définitivement pour le ou les mois où l’enfant a manqué les cours. »

Des lois qui s’entrechoquent

Ce texte retire aux présidents des conseils généraux l’initiative de la mise en place d’un CRP. Désormais, il appartient à l’inspecteur d’académie d’actionner ce dispositif. Ce retrait de compétence pose doublement question : du point de vue de la gouvernance de la politique territoriale de la protection de l’enfance, d’une part, et du point de vue des financements qui sont en jeu, d’autre part.

S’agissant du premier aspect, les textes récents en matière de décentralisation de l’aide et de l’action sociales obéissent à une nouvelle logique : la désignation d’un seul acteur public dans la mise en œuvre d’une politique sociale territoriale. C’est notamment le cas de la loi du 18 janvier 2003 qui décentralise le RMI et crée le RMA, de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, et enfin, pour ne citer que les principales d’entre elles, de la loi organique du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales qui fait du département le pivot de l’administration locale de l’aide sociale légale. En matière de protection de l’enfance, la loi du 5 mars 2007 confirme la tendance actuelle du législateur. Il s’agit de désigner un seul acteur public, en l’espèce le président du conseil général, responsable de la mise en œuvre des dispositifs afin de clarifier et de rendre plus efficiente l’action publique. La désignation d’un acteur public ne signifie pas qu’il n’y a pas de partenariat entre les différents échelons administratifs de l’action publique. Non, cela veut dire que relève d’un seul acteur l’administration du dispositif en question. Retirer aux présidents des conseils généraux l’initiative de la mise en place du CRP n’est-il pas, alors, une atteinte à l’esprit de la loi de 2007, et plus généralement aux textes de décentralisation actuels qui veulent garantir une meilleure coordination et efficacité entre les services du département et de l’Etat associés dans le dispositif de la protection de l’enfance ? Certes, les présidents des conseils généraux ont peu fait appel à ce dispositif, notamment en raison de l’aggravation des situations économiques des familles concernées qu’il entraîne. Les services des départements connaissent bien les réalités sociales et économiques de leurs administrés et hésitent à faire appel à un dispositif qui a pour objet une sanction financière. Sanctionner l’absentéisme scolaire par la suspension, voire la suppression, des allocations familiales semble contestable lorsque cette sanction pécuniaire s’applique à des ménages économiquement modestes. La proposition de loi, en retirant l’initiative du CRP aux présidents des conseils généraux, réintroduit une double gouvernance, en matière de lutte contre l’absentéisme scolaire, dans la mesure où c’est l’inspecteur d’académie qui doit saisir le président du conseil général en vue de la mise en place d’un contrat de responsabilité parentale.

S’agissant des financements, la nouvelle gouvernance du CRP peut entraîner un système de « vases communicants » entre, d’une part, la caisse des allocations familiales, qui verse les allocations familiales, et, d’autre part, le conseil général, qui verse les prestations d’aide sociale légale. Ainsi, l’article L.222-2 du CASF énonce que « l’aide à domicile est attribuée sur sa demande, ou avec son accord, à la mère, au père ou, à défaut, à la personne qui assume la charge effective de l’enfant, lorsque la santé de celui-ci, sa sécurité, son entretien ou son éducation l’exigent et, pour les prestations financières, lorsque le demandeur ne dispose pas de ressources suffisantes ». Rappelons, pour mémoire, que les prestations de l’aide sociale à l’enfance se composent de l’aide à domicile, du contrat de responsabilité parentale et de l’entretien et de l’hébergement des bénéficiaires de l’aide sociale à l’enfance ou des mères isolées. En conséquence, les services de l’aide sociale à l’enfance sont débiteurs de prestations financières lorsque le demandeur ne dispose pas de ressources suffisantes. D’un côté, la CAF, à la demande de l’inspecteur d’académie, suspendra des allocations familiales des enfants qui se soustraient à l’obligation scolaire et de l’autre côté, les services de l’ASE seront sollicités pour aider financièrement les ménages les plus modestes et affectés économiquement par ce manque à gagner. Ce mécanisme financier ne peut que nuire à un travail socio-éducatif cohérent.

L’efficacité du dispositif en question

La loi de 2007 préconisait un acteur responsable sur le terrain de la protection de l’enfance, afin d’éviter les responsabilités conjointes qui généralement engendrent plus de tensions que d’efficacité. La loi « Ciotti » ne va-t-elle pas à l’encontre de l’efficience de l’action publique en matière de lutte contre l’absentéisme scolaire et d’accompagnement des familles des enfants qui se soustraient à l’obligation scolaire ?

Enfin, il est à noter que la proposition ne permet pas de sanctionner pour absentéisme les familles n’ayant qu’un enfant, ce qui, manifestement, crée une inégalité devant la loi puisque ce texte ne pourra être appliqué qu’aux familles qui comptent plus de deux enfants. »

Contact : mobesn@yahoo.fr

Notes

(1) Publiée aux éditions ANRT.

(2) Pour rappel, l’obligation scolaire a été introduite par la loi « Jules Ferry » du 28 mai 1882. L’ordonnance organique du 2 janvier 1959 subordonne le versement des allocations familiales à l’assiduité scolaire. Ce dispositif, supprimé en 2004, a été rétabli en 2006 sous la forme du contrat de responsabilité parentale.

(3) Voir ASH n° 2675 du 24-09-10, p. 5 et 22.

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