Les membres du « Collectif des associations unies pour une nouvelle politique publique du logement » veulent cette fois dialoguer avec « le plus haut sommet de l’Etat », qui avait promis, il y a trois ans, de faire en sorte que « plus personne ne soit contraint de dormir dans la rue ». Trois semaines après une première interpellation (1), ils ont, le 5 novembre, symboliquement installé 31 tentes, une par représentant, sur le Pont des arts, à Paris, rapidement évacuées par les forces de l’ordre dans la soirée. « Nous voulons rendre visible une situation de catastrophe sociale que l’on voudrait cacher », a lancé Christophe Robert, délégué général adjoint de la Fondation Abbé-Pierre.
Objet de la colère : la mise en œuvre du chantier national prioritaire 2008-2012 pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées, qui « n’a pas les moyens de ses ambitions et manque de pilotage », a de nouveau martelé Matthieu Angotti, directeur général adjoint de la FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale). Malgré les objectifs de la refondation, la logique saisonnière aura cours à nouveau les mois prochains, déplore la FNARS à la lecture des consignes de l’Etat pour la période hivernale. « La circulaire ne dit rien sur le principe de continuité et son corollaire : pas de remise à la rue à la fin de l’hiver par fermeture de structures temporaires ». Par ailleurs, tous les SIAO (services intégrés de l’accueil et de l’orientation) ne seront pas opérationnels mi-novembre et, faute de financements, des accueils de jour et des maraudes sont contraints d’arrêter de fonctionner.
Autant de signes, pour le collectif, d’un « manque de volonté politique de faire de ce chantier une priorité », aggravé par des « mesures d’exclusion » contenues dans le projet de loi sur l’immigration et le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI). Ce texte, qui doit être examiné par les députés en seconde lecture à partir du 23 novembre, prévoit l’évacuation forcée sous 48 heures, sans procédure judiciaire, d’installations d’abris ou de campements sur des terrains illégalement occupés. Des élus de gauche et des représentants d’une quarantaine d’associations et de syndicats ont manifesté contre cette disposition et contre le budget 2011 pour le logement, le 8 novembre, près de l’Assemblée nationale. Des tentes, cabanes, yourtes et autres constructions précaires ont été installées à titre symbolique.
Tandis que le « Collectif des associations unies pour une nouvelle politique publique du logement » devait être reçu le 10 novembre à Matignon, le secrétaire d’Etat au logement, lui, défend sa politique. Sur les cinq dernières années, « le nombre de places d’hébergement a augmenté de 50 % et pour les logements sociaux, on a doublé le nombre de constructions », a-t-il répondu sur France info le 5 novembre. Alors que 15 000 ménages reconnus prioritaires selon le dispositif du DALO (droit au logement opposable) seraient en attente d’une solution, au-delà des délais fixés par la loi, le secrétaire d’Etat rétorque que dans « 80 % des départements, le DALO fonctionne très bien », mais que la situation est plus compliquée dans 12 départements, faute de logements suffisants. Dans le cadre de la « refondation » du dispositif d’hébergement et d’accès au logement, a-t-il encore précisé, « le budget augmente cette année de 10 % et nous aurons de quoi fonctionner toute l’année 2011 normalement », sans ajouter de crédits en cours d’année.
Une affirmation que ne partagent pas les associations, ni le député (UMP) EtiennePinte, président du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Rapporteur pour avis des crédits 2011 du programme « prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » au nom de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, il estime que le compte n’y est pas. « Le programme est doté de 1,18 milliard d’euros, soit une progression de 7,6 % par rapport à 2010. Toutefois, cet effort est insuffisant, le montant inscrit restant inférieur aux dépenses effectuées durant ces quatre dernières années – il est par exemple inférieur de 8,5 % aux crédits consommés en 2009 », a-t-il expliqué le 3 novembre en commission. La dotation de plusieurs dispositifs, notamment la veille sociale, les centres d’hébergement d’urgence, les pensions de famille et les crédits d’aide sociale, ne sont pas à la hauteur des besoins, constate le député. Selon lui, il faudrait majorer les crédits « d’une soixantaine de millions d’euros ».