« Un institut thérapeutique, éducatif et pédagogique [ITEP], tel qu’il est défini dans la loi, c’est l’addition de quatre grandes modalités d’accompagnement pour organiser un parcours du jeune sur la durée : l’internat, le semi-internat, le domicile avec le Sessad [service d’éducation spécialisée et de soins à domicile], et éventuellement l’accueil familial spécialisé », explique Jacky Desmet, directeur de trois établissements dans la Haute-Marne. Pour illustrer les verrous administratifs auxquels il est confronté, il cite le cas d’un enfant suivi en milieu ordinaire par l’équipe du Sessad et qui, tout à coup, craque à l’école et se met à agresser ses camarades. « Qu’est-ce qui nous empêcherait de le placer en internat quelques semaines, le temps que la crise soit dénouée, pour qu’il puisse repartir d’un bon pied dans son école d’origine ? », se demande-t-il. Sauf que, en réalité, ce passage d’un service à l’autre, fussent-ils rattachés à la même structure, n’a rien d’évident. « Dans la mesure où cet enfant nous a été confié par la maison départementale des personnes handicapées [MDPH] au titre d’un placement en Sessad, il faudra attendre que la prochaine commission pluridisciplinaire se réunisse pour valider cette nouvelle orientation. Autant dire trop tard. » Des liens de confiance avec la maison départementale pourraient-ils autoriser une certaine souplesse ? « Les différents services de l’ITEP étant sous des régimes administratifs séparés, se poserait alors le problème de la responsabilité civile du directeur, répond Jacky Desmet. Si une difficulté survient dans l’internat ou qu’un retour anticipé au domicile est décidé, je ne suis pas certain que l’administration nous soutiendrait. »
Etonnant paradoxe. Depuis 2005, plusieurs textes vont dans le sens d’une transformation des instituts de rééducation, ancienne désignation des ITEP, en structures plus polyvalentes, capables de s’adapter aux fluctuations de la situation des enfants ou des adolescents. Alors que la précédente réglementation prônait des missions de « rééducation » réalisées le plus souvent à partir d’un internat éducatif, le décret du 6 janvier 2005 (1), puis la circulaire du 14 mai 2007 (2) sont venus préciser que l’ITEP peut déployer simultanément, soit par ses ressources internes, soit par convention avec d’autres partenaires, une large palette d’outils d’internat ou de semi-internat, d’accueil séquentiel ou temporaire, de Sessad ou de centre d’accueil familial spécialisé, dans un objectif d’« accompagnement vers l’autonomie ». Un renversement de perspective qui requiert ?« une intervention d’ensemble, globale, interactive, cohérente », associant les parents et l’enfant et mise en œuvre par une « équipe pluridisciplinaire » selon des modalités d’accompagnement « diversifiées, modulables et évolutives ».
Pourtant, plusieurs années après la parution de ces textes refondateurs, leur application reste délicate. Pour l’AIRe (Association des ITEP et de leurs réseaux) (3), qui milite pour que l’on tire toutes les conséquences de la nouvelle réglementation, « les cadres administratifs et financiers ne permettent pas, ou insuffisamment, la mise en œuvre pleine et entière des actions relatives aux jeunes d’ITEP ». L’association observe que les tutelles locales des établissements (agences régionales de santé, MDPH) « n’ont pas reçu les éléments de cadrage les autorisant à laisser se développer de nouvelles formes d’organisation plus réactives ». Le décalage entre une réalité administrative inchangée depuis 2005 et la volonté des professionnels est d’autant plus grand « que les pratiques évaluées des ITEP démontrent que les modulations d’accueil, la diversification des accompagnements, la complémentarité des interventions, apportent les ouvertures nécessaires au travail d’élaboration psychique de leur public d’enfants et d’adolescents entravés dans leur développement psychologique et social », affirme Serge Heuzé, chargé de mission à l’AIRe.
Sur le terrain, de nombreuses directions d’établissements sont condamnées à rechercher à la marge des éléments de souplesse. « C’est parfois, voire souvent, un travail d’équilibriste et j’ai maintes fois pu expérimenter combien les acteurs impliqués pouvaient tordre des éléments juridiques, réglementaires, idéologiques, situationnels, pour faire valoir leur raisonnement », constate Jacky Desmet. Ses trois ITEP bénéficient, par exemple, d’un taux de variation de 30 % des effectifs affectés aux différents services – « accordé de façon plus ou moins tacite » – pour assurer une mobilité des professionnels entre Sessad, familles d’accueil et différentes formules d’internat. « Mais ce ne sont que des astuces à la périphérie. Il faudrait que les ITEP soient reconnus comme des dispositifs médico-sociaux et financés comme tels. »
Une grande partie des critiques portent sur les orientations prononcées par les MDPH vers les ITEP. A la différence des autres publics du handicap, les enfants et les adolescents accompagnés dans ces structures présentent en effet des troubles psychiatriques et sociaux sévères qui, s’ils constituent un handicap au sens strict du terme (voir encadré ci-dessous), n’en sont pas moins soumis à d’importantes variations dans le temps, voire sont réversibles. Pour l’AIRe, il ne fait donc aucun doute que l’ITEP devrait offrir à ces jeunes « des espaces d’expérimentation, avec la possibilité de les aménager très rapidement afin de ne pas induire de rupture dans l’accompagnement ».
Or, après un tour de France interrégional des instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques organisé début 2010, l’association déplore que, partout, les décisions d’orientation des maisons départementales continuent de s’effectuer vers un service spécifique de l’ITEP, Sessad ou internat, en fonction de l’évaluation réalisée par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), et non vers l’ITEP ? dans sa globalité. « Le Sessad, l’internat, ne sont pas seulement la désignation d’un mode d’accompagnement, ils sont des éléments de traitement inclus dans une dynamique thérapeutique d’ensemble et, à ce titre, ne peuvent être réellement déterminés que par l’équipe de l’établissement, en accord avec les parents et le jeune concerné, explique pourtant Yves Matho, directeur de l’ITEP Rénovation-Rive droite à Libourne (Gironde). Il est donc très important de ne pas figer l’affectation, surtout que celle-ci est valable pour des durées d’accompagnement qui atteignent parfois trois ans. »
Le débat est d’autant plus vif que de plus en plus d’ITEP se présentent comme des structures éclatées mues par un projet de mobilité de leurs usagers. Dans l’ITEP Rive droite, trois unités de jour accueillent en semi-internat près de 110 enfants et adolescents pour leur proposer des activités éducatives et une scolarisation adaptée ; une unité du soir composée d’un service d’accueil familial spécialisé (CAFS) et de trois maisons installées dans différents quartiers de Libourne permet d’assurer un internat complet ; enfin, deux Sessad pour des enfants de 3 à 12 ans travaillent à leur intégration scolaire en partenariat avec l’Education nationale. Le tout conçu comme un « cadre global thérapeutique » gravé dans le marbre du projet d’établissement et approuvé par les tutelles depuis plusieurs années. « La complexité, c’est que nous continuons à ne pas être considérés comme une entité soignante par la MDPH, mais comme un prestataire de services. Nous pouvons trouver des marges de manœuvre sur une notification d’internat, en modulant par exemple entre semi-internat et accueil de nuit. En revanche, le recours au Sessad nous est interdit sans nouvelle notification de la maison départementale, alors qu’il s’agit d’un élément de l’intervention institutionnelle à part entière. »
Dans ce contexte, les bras de fer ne sont pas rares à l’admission dans l’établissement, lors de l’élaboration du projet personnalisé d’accompagnement de l’enfant que l’équipe de l’ITEP soumet à la MDPH. L’évolution des ITEP révèle, de fait, bon nombre des rigidités du médico-social. En témoigne l’organisation de l’ITEP Jeanne-Chevillotte aux Mureaux (Yvelines), que son directeur, Gille Augis, qualifie « d’ITEP sans murs ». Conçu autour de la notion de parcours, l’établissement se résume à un gros pavillon de banlieue réservé à l’administration et aux soins. Pour le reste, l’ensemble des services, soit 48 places pour des enfants de 3 à 12 ans, est éclaté géographiquement. Ainsi, rompant avec la conception classique de l’établissement disposant de classes spécialisées internes, le choix a été fait d’implanter un dispositif médico-social au sein d’un groupe scolaire des Mureaux sous la forme d’une classe spécialisée dans laquelle un enseignant de l’Education nationale intervient aux côtés de deux éducateurs spécialisés. Grâce au soutien des enseignants des Mureaux, des actions d’intégration scolaire sont également réalisées dans les différentes écoles de la ville dans le cadre de projets personnalisés de scolarisation.
L’hébergement des enfants est, quant à lui, assuré par les familles d’accueil du centre d’accueil familial spécialisé. Enfin, un important Sessad d’une trentaine de places permet de compléter le maillage éducatif et pédagogique de l’ensemble en collaboration avec les familles et les enseignants. « Un enfant y rentre en général par le Sessad, puis va évoluer dans les différents services de l’ITEP en fonction de sa situation. L’intérêt de cette démarche, c’est que les trois modalités d’accompagnement s’agrègent dans un but de changement thérapeutique. » Le personnel peut lui aussi passer du semi-internat au Sessad ou à l’accueil familial en fonction des priorités du moment, et les enfants sont suivis par le même personnel soignant, quel que soit leur parcours au sein de l’institution.
Comment un tel dispositif est-il possible ? « C’est très compliqué à gérer et ça ne peut se faire que parce que l’équipe et les enseignants des Mureaux sont très investis dans le projet », répond Gilles Augis. Deux éléments parviennent néanmoins à aplanir les difficultés. D’une part, la bienveillance des autorités départementales ainsi que la présence du directeur dans la commission des droits et de l’autonomie de la MDPH des Yvelines. Et, d’autre part, une gestion du personnel très particulière. Les trois unités de l’établissement restent placées sous des régimes différents, mais quelques libertés de gestion ont été accordées, comme un tableau analytique qui permet, par exemple, de faire figurer une éducatrice sur un mi-temps au Sessad et un mi-temps au centre d’accueil familial. « Après, toutes les variations sont possibles en fonction des besoins des enfants. »
Preuve du caractère encombrant du dossier concernant les administrations : sur les 400 instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques recensés dans l’Hexagone, un seul est officiellement agréé sous forme de dispositif. Un bilan qui n’étonne pas le responsable de cet établissement, Lionel Moreaux, directeur de l’ITEP le Quengo, à Locmne (Morbihan). Il voit dans cet agrément « dispositif ITEP », délivré en juin 2009, la suite logique d’expérimentations négociées depuis une dizaine d’années avec les pouvoirs publics du département. « Cet agrément vient reconnaître la possibilité pour l’établissement de se structurer autour d’une approche clinique et institutionnelle du soin. Il ne s’agit pas de placer les enfants dans un système d’indications qui varie sans cesse, mais qu’en cas d’impasse dans une option d’accompagnement déterminée préalablement, l’institution soit en mesure de créer une alternative sur la base d’éléments précis soumis à des exigences d’évaluation. » Les effets de ce feu vert officiel sont perceptibles sur les professionnels, explique le directeur. Le travail en semi-internat peut, par exemple, être considéré comme une action d’accompagnement vers le milieu ordinaire. De même, une prise en charge en internat peut être modulée à raison de quelques soirs par semaine au domicile, et être réversible sans délai en cas de problème. « Les éducateurs quittent leur culture du groupe et s’orientent davantage vers des accompagnements en milieu ordinaire, constate Kerstin Laporte, psychologue clinicienne du Quengo. A l’inverse, les psychologues sortent de leur bureau et retrouvent le groupe en expérimentant l’interdisciplinarité, voire en intervenant dans les écoles auprès des enseignants. Ce sont autant de nouvelles médiations qui deviennent possibles. » Cette souplesse de fonctionnement offre un filet de sécurité, qui rassure les parents, les enfants et leurs enseignants. « A partir du moment où tous sont convaincus de notre capacité à réagir vite, ça aide les enfants à aller moins mal, sachant qu’ils peuvent régresser comme ils le veulent », explique la psychologue. Pour autant, la situation reste encore incertaine. « La direction départementale de la cohésion sociale nous accompagne du mieux qu’elle le peut. Le Sessad bénéficie d’un budget global et les prix de journée sont lissés entre semi-internat et internat. Ce qui permet déjà des expérimentations sans problème de facturation et atténue la rigidité de la notification de la maison départementale », témoigne Lionel Moreaux. Du côté de la MDPH du Morbihan, favorable au projet, on indique attendre des clarifications de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) sur la possibilité de ne plus adresser de notifications service par service. « A l’heure actuelle, cette option nous est seulement accordée pour la partie internat et semi-internat, et non pour le Sessad. On avance, mais on n’est pas encore complètement arrivé », reconnaît Lionel Moreaux.
Pour l’AIRe, l’ITEP sous sa forme de dispositif que recommandent « de façon implicite et explicite » le décret et la circulaire « est viable et opérationnel dès maintenant », si toutefois les derniers feux verts sont donnés par les pouvoirs publics. « Même si des procédures doivent être mises en place avec la maison départementale des personnes handicapées, la CNSA a déjà validé la nécessité de déterminer une approche singulière des situations de handicap d’origine psychique », fait valoir l’association (4). Elle attend désormais de la caisse nationale des incitations claires « permettant à la MDPH de dépasser les réticences à laisser aux parents et à l’ITEP la capacité de définir les modes d’accompagnement de l’enfant ». Sur le plan budgétaire, des évolutions sont perceptibles. L’assurance maladie continue de financer le Sessad par une dotation globale et l’internat et le semi-internat sous forme de prix de journées séparés, mais « certaines structures ont déjà obtenu des prix de journée moyens » permettant un lissage des coûts entre les différentes formules. En outre, « le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens [CPOM] autorise déjà les transferts budgétaires indispensables pour s’adapter à la variation des effectifs dans chaque type d’accueil ».
De gros espoirs sont également fondés sur les agences régionales de santé (ARS) et leur rôle de coordination entre l’assurance maladie et la CNSA. Philippe Krin, chef du département médico-social de l’ARS de Lorraine, reconnaît que « la réglementation actuelle n’est pas adaptée à la mise en place du “dispositif ITEP” », mais laisse la porte ouverte. La signature d’un CPOM avec l’ARS représente une solution qui permettrait, à ses yeux, de lever le premier obstacle des différences de financement, « à condition toutefois que le gestionnaire s’engage à faire remonter des informations sur la nature et sur la qualité des accompagnements pratiqués dans son établissement », prévient-il. Or l’information est justement là où le bât blesse, estime le représentant de l’ARS de Lorraine. D’une part, les agréments des différents services de l’ITEP continuant d’être séparés, cette remontée d’informations se fera service par service selon des indicateurs eux-mêmes très encadrés par la loi, « ce qui rendra le suivi du parcours d’un enfant difficile à apprécier ». D’autre part, « la réserve des MDPH à adresser des notifications sur le “dispositif ITEP” tient au fait que, selon elles, rien ne leur garantit que l’institution ne va pas privilégier le Sessad ou l’internat en fonction de ses capacités du moment, sans que cela corresponde à la meilleure réponse. Il faut donc qu’un échange régulier s’installe entre l’établissement et la maison départementale, c’est encore trop informel », assure Philippe Krin. Pour essayer de sortir de cet imbroglio, l’ARS de Lorraine compte « inviter » quelques gestionnaires d’ITEP à se structurer officiellement en dispositif, l’idée étant « d’expérimenter les modalités administratives qui en découlent, tant en matière de suivi et de rendu compte des accompagnements, que de relations avec l’ARS et la MDPH ».
Après son tour de France interrégional, qui a réuni plus d’un millier de professionnels, l’AIRe entend bien enfoncer le clou auprès des pouvoirs publics. En décembre prochain, ses journées d’études feront la synthèse des attentes des ITEP et des solutions qu’ils proposent pour sortir de l’impasse, en présence de la direction générale de la cohésion sociale, de la CNSA, et de représentants d’ARS (voir encadré ci-contre). « Certes, la conception de l’action en faveur des enfants et des adolescents présentant des difficultés psychologiques demande des réformes administratives, des révisions conceptuelles, mais si celles-ci correspondent à la fois à la loi et aux besoins qu’elle veut traiter, la tâche est tout à fait réalisable », soutient Jacky Desmet.
Quel est précisément le public des instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (ITEP) ? La question se repose avec régularité en raison du flou de la notion de « troubles du caractère et du comportement », qui était en vigueur dans les instituts de rééducation avant 2005. Au point qu’en 2008, une pétition émanant de professionnels de l’enfance a revendiqué la possibilité d’orienter vers les ITEP certains élèves en grande difficulté scolaire, sans avoir à passer par la maison départementale des personnes handicapées (5). Les précisions apportées par la réglementation laissent toutefois peu de place au doute. Un enfant ou un adolescent ne peut être orienté vers un ITEP que dans la mesure où « les manifestations perturbant la scolarisation et la socialisation ne sont pas d’ordre passager, mais au contraire liées à des difficultés psychologiques importantes qui perdurent », rappelle la circulaire du 14 mai 2007. D’après cette définition, de 1,1 à 1,5 pour 1 000 enfants ou adolescents scolarisés seraient concernés, soit environ 18 000 élèves (sur près de 15 millions). Assimilés au handicap d’origine psychique, ces jeunes repérés pour l’essentiel dès le primaire sont, certes, difficilement réductibles à un taux d’incapacité précis, mais leur « processus handicapant implique nécessairement la mise en œuvre de moyens éducatifs, thérapeutiques et pédagogiques conjugués » pour restaurer leurs compétences et rétablir leur participation sociale. Dans l’esprit des textes, l’orientation en ITEP n’intervient donc que « lorsque les interventions des professionnels et services au contact de l’enfant (protection maternelle et infantile, centres d’action médico-sociale précoce, réseaux d’aides, centres médico-psycho-pédagogiques, services de psychiatrie infanto-juvénile, pédiatres et pédopsychiatres) n’ont pas antérieurement permis la résolution de ces difficultés psychologiques ».
Président de l’Association des ITEP et de leurs réseaux (AIRe)
Que retirez-vous du tour de France des instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques (ITEP) que vous venez d’organiser ?
Il s’agissait pour l’AIRe, qui représente 75 % des ITEP au plan national, de tirer les leçons du décret de 2005 et de la circulaire de 2007, qui se traduisent par un renversement de perspectives. Nous sommes loin du temps où nous devions penser l’enfant dans l’établissement pour l’éduquer et mieux l’intégrer. Désormais, nous devons le resituer dans son groupe social d’appartenance, ce qui nécessite de s’organiser en fonction de ses potentiels, à temps plein, partiel, partagé, si nécessaire. Si certains ITEP ont déjà commencé à proposer des modalités d’accompagnement souples et évolutives en concertation avec leurs autorités locales, il reste nécessaire de communiquer auprès de l’ensemble des directeurs. Dans nos huit rencontres interrégionales, nous avons affiné collectivement cette notion de « dispositif ITEP » en référence aux textes, mais également au quotidien et à la clinique des établissements.
Nous voulions aussi amener les pouvoirs publics à réfléchir avec nous, d’autant qu’ils sont maîtres-d’œuvre pour les financements et les agréments de nos structures. Les signes sont encourageants. Le fait que la législation, depuis 2005, ouvre l’ITEP à une conception de l’accompagnement fondée sur le parcours du jeune et non sur le cadre institutionnel va dans le bon sens. Des responsables comme Thierry Dieuleveux, secrétaire général du comité interministériel du handicap, ou Fabrice Heyriès, directeur général de la cohésion sociale, se disent favorables au décloisonnement qu’implique la notion de dispositif.
Les professionnels sont-ils eux-mêmes unanimes ?
Certaines associations gestionnaires restent dans une logique de services cloisonnés et se satisfont de cette situation pour des raisons de gestion. Mais tout cela évolue très vite. Dans chaque région que nous avons visitée, des associations ont participé aux tables rondes qui étaient organisées. Il est apparu à cette occasion que certaines grosses associations avaient déposé des dossiers de demande d’agrément d’ITEP sous forme de dispositif. En réalité, il n’existe plus de contradiction entre la notion de parcours institutionnel et la bonne gestion, puisque les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) permettent de globaliser les financements.
La position des agences régionales de santé (ARS) et des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) vous semble-t-elle évoluer ?
Les représentants des ARS que nous avons rencontrés ont manifesté un avis positif, car la priorité est au décloisonnement. Ce que nous ne voudrions pas, c’est que le CPOM, qu’on nous présente comme un moyen de s’affranchir de la rigidité de nos financements, n’ait qu’une visée purement économique. Ce contrat entre l’établissement et ses tutelles doit d’abord être perçu comme un outil au service de la souplesse des accompagnements, et donc s’accompagner d’une reconnaissance d’un fonctionnement en dispositif.
En revanche, pour ce qui est des MDPH, nous sommes très conscients que l’avancée que nous demandons vers des notifications « dispositif ITEP » ne se fera pas sans rendre des comptes. Cela ne peut fonctionner que si les gestionnaires informent la maison départementale non seulement du projet personnalisé de l’enfant co-construit entre l’équipe pluridisciplinaire de l’établissement, les parents et le référent scolaire du jeune, mais également de toute modification de son parcours institutionnel. Et pour cela, des outils d’évaluation et de communication vont devenir indispensables. Il est hors de question que la MDPH découvre seulement au bout de un an ou deux l’itinéraire d’un enfant qu’elle nous avait confié.
Le moment est-il propice pour une revendication de décloisonnement ?
La refonte des annexes XXIV est en cours (6). On peut penser que l’ensemble du secteur médico-social enfant a aussi cette demande de grande souplesse. Ce sont les fondamentaux de la loi « handicap »de 2005, ne l’oublions pas !
PROPOS RECUEILLIS PAR M.P.
(1) Qui fixe les conditions techniques d’organisation et de fonctionnement des ITEP – Voir ASH n° 2390 du 14-01-05, p. 11.
(3) AIRe : L’Orangerie – Chemin des Bosquets – 35410 Châteaugiron – Tél. 02 99 04 69 55.
(4) Une étude commandée en 2009 par la CNSA sur le handicap psychique indique par exemple que, pour ce public, « la définition d’un plan personnalisé de compensation dépasse le seul champ de compétence de la maison départementale » – Voir ASH n° 2602 du 27-03-09, p. 31.
(6) Au sein du décret du 9 mars 1956 sur les « conditions d’autorisation des établissements privés de cure et de prévention pour les assurés sociaux », les annexes XXIV concernent les établissements pour enfants handicapés. Leur révision vise à intégrer les avancées de la loi « handicap » de 2005.