Alors que la trêve hivernale des expulsions vient de débuter (pour s’achever le 15 mars 2011) l’association Droit au logement (DAL) et la Fondation Abbé-Pierre dressent un bilan des expulsions locatives. Comme chaque année, celles-ci ont connu une accélération nette dans les quelques jours précédant le 1er novembre, note Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre. « Drame humain », « aberration économique et sociale » : ce sont près de 50 000 familles qui sont expulsées chaque année, dont certaines reconnues comme publics prioritaires selon la loi DALO et à qui ne sont pas proposées de solutions de relogement.
Selon les chiffres du ministère de la Justice, entre 2008 et 2009, le nombre de contentieux locatifs déposés au tribunal pour impayés de loyers a augmenté de 3,9 %, pour un total de 139598 dossiers. En conséquence, les jugements d’expulsion ont, eux aussi, subi une inflation de 1,5 %, avec 106938 décisions prononcées. Concernant les expulsions effectives, une légère amélioration se dessine : - 7 % de décisions d’octroi du concours de la force publique par les préfets (soit 23 885) et - 6,5 % des interventions effectuées par la police (soit 10 597). La Fondation Abbé-Pierre veut y voir une évolution « positive » même si, elle souligne les « faibles résultats » de la circulaire du Premier ministre du 22 février 2008 qui demandait aux préfets de ne pas procéder à des expulsions sans examen personnalisé des situations ni recherche de solutions alternatives (1). La fondation – dont la plateforme téléphonique enregistre plus de 2 500 appels annuels et montre que les impayés sont pour les deux tiers liés à des problèmes d’emploi ou familiaux – demande la mise en place d’une politique de prévention. Alors que la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre les exclusions du 25 mars 2009 prévoit des commissions de prévention pour chaque département (2) au plus tard le 31 mars 2010, à ce jour moins du tiers est en fonctionnement, regrette-t-elle.
Pour le DAL, c’est la cherté des logements qui pousse les locataires à l’impayé de loyer. « Jamais dans notre pays, les locataires, les accédants modestes et les mal-logés n’ont payé aussi cher pour trouver un logement ou s’y maintenir », explique l’association, qui fêtait son vingtième anniversaire le 31 octobre. Elle dénonçait à cette occasion le projet de loi de finances 2011 dont la baisse du budget logement menace la production de logements sociaux. Avec le Réseau Stop aux expulsions de logement (RéSEL), elle appelle à une mobilisation en mars prochain contre le retour des expulsions locatives.
(2) Commissions spécialisées de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX).