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Prise en charge sanitaire des détenus : présentation d’un plan d’actions 2010-2014

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Comme elles s’y étaient engagées au printemps dernier, les ministres de la Santé et de la Justice ont présenté le 28 octobre le premier plan d’actions stratégiques 2010-2014 pour la prise en charge sanitaire des personnes incarcérées (1). Articulé autour de six axes et 40 actions, son objectif est d’« impulser un nouvel élan et de porter une nouvelle ambition en mettant l’accent prioritairement sur cinq mesures phares », notamment le renforcement de la prévention du suicide et l’accessibilité des détenus à des soins de santé mentale adaptés à leur état de santé.

La prévention et la promotion de la santé

Les ministres entendent avant tout insister sur la prévention du suicide en détention, notamment en formant les professionnels sanitaires, pénitentiaires et éducatifs au repérage et à la prise en charge de la crise suicidaire et en identifiant une personne référente « santé » qui contribuera aux commissions interrégionales de prévention du suicide et de suivi des actes suicidaires. Parmi les mesures déjà appliquées en la matière, la garde des Sceaux signale que le dispositif des « codétenus référents arrivants » a été expérimenté sur quatre sites (2), expérimentation qui, selon elle, « donne des premiers résultats très satisfaisants ». Une évaluation du dispositif doit bientôt être réalisée et un rapport d’étape remis en janvier 2011.

Autre mesure envisagée : « agir sur les déterminants de la santé des personnes détenues ». Le plan prévoit ainsi l’élaboration d’un référentiel d’intervention en éducation pour la santé et la promotion de la santé en milieu pénitentiaire visant à identifier les stratégies « reconnues comme efficaces ou prometteuses, les comportements dits à risques et les facteurs qui les influencent ainsi que les ressources utiles à leur conception, leur implantation et leur évaluation ». Il entend en outre favoriser les échanges de bonnes pratiques en la matière (3). Et, dans ce cadre, « développer et adapter des actions d’éducation à la vie affective et sexuelle et de prévention des risques liés aux pratiques sexuelles pour les personnes mineures détenues » (en garantissant au moins une séance d’information et de prévention durant la détention). Le gouvernement s’engage également à soutenir les personnes détenues atteintes de maladies chroniques, dont celles touchées par l’hépatite virale et le VIH/sida (sur les réactions d’Act Up, voir ce numéro, page 19). Il invite ainsi les acteurs concernés à agir de façon à éviter les ruptures de traitement par le répérage précoce lors de la visite médicale des nouveaux arrivants en prison, à améliorer l’observance des traitements, à garantir la continuité des soins à la sortie de la détention, etc. Il s’agit aussi d’« améliorer le dépistage du VIH, des hépatites et des infections sexuellement transmissibles et la vaccination hépatite B à l’entrée et pendant la détention ».

L’accès aux soins

Roselyne Bachelot et Michèle Alliot-Marie vont également lancer une évaluation du dispositif d’offre de soins hospitaliers à destination des détenus et définir les évolutions nécessaires. A ce jour, la construction de 235 chambres sécurisées est en cours et sept des huit unités hospitalières sécurisées interrégionales sont ouvertes, un programme de contruction que les ministres entendent finaliser au plus vite.

Autre axe de travail : réorganiser et améliorer l’offre de soins en santé mentale, « insuffisante, notamment au sein des maisons centrales », estime la garde des Sceaux. Ce, d’autant plus, qu’« un trouble psychiatrique plus ou moins grave est repéré chez 55 % des arrivants en détention » et que le taux de recours aux soins psychiatriques est dix fois plus important chez les détenus que chez les personnes libres. Aussi le gouvernement souhaite-t-il permettre aux détenus d’accéder à des soins adaptés à leurs besoins réels et « définir au sein de chaque région une offre de soins psychiatriques graduée et lisible ». Dans ce cadre, une « offre de proximité dans les établissements pénitentiaires » devra être prévue. Par exemple, outre des activités de consultation, « une prise en charge à temps partiel de type “atelier thérapeutique” ou “centre d’accueil thérapeutique à temps partiel” devra être systématiquement développée », indique le plan. Michèle Alliot-Marie a également insisté pour que le programme des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) (4) soit « mené à son terme le plus rapidement possible. Une UHSA au moins par région pénitentiaire sera construite sans attendre. » Dans l’attente de l’ouverture de ces unités, les ministres s’engagent à améliorer la prise en charge des personnes hospitalisées dans des établissements de santé autorisés en psychiatrie. Enfin, elles souhaitent que chaque unité de consultations et de soins ambulatoires et service médico-psychologique régional (SMPR) dispose, d’ici à la fin 2014, de « locaux adaptés et fonctionnels, et d’équipements répondant aux technologies similaires à celles des établissements de santé » (5).

Le gouvernement s’engage par ailleurs à mettre en œuvre le plan de lutte contre les drogues et les toximanies 2008-2011 (6). En l’occurrence, il s’agira de permettre aux détenus de bénéficier, durant leur détention et à leur libération, d’une prise en charge adaptée. Pour ce faire, il sera nécessaire, « dès l’entrée en prison, de repérer systématiquement les personnes ayant une consommation abusive ou une dépendance à un produit licite ou illicite » et de rendre les traitements de substitution accessibles à tous.

Autre ambition affichée par les ministres de la Santé et de la Justice : que chaque détenu sortant de prison dispose d’une « proposition concrète et adaptée de prise en charge sanitaire, sociale voire médico-sociale ». Pour cela, il leur paraît nécessaire, notamment, d’anticiper les dates de sortie de prison pour assurer la continuité de la couverture maladie avec la caisse de sécurité sociale du domicile (7). Mais aussi de s’assurer d’une délivrance de traitement sur une durée modulable en fonction de la gravité du risque d’une interruption et des garanties de la prise en charge rapide à l’extérieur. Parallèlement, afin de garantir l’accompagnement des détenus sortant de prison, il faut, entre autres, selon le plan : « créer des réseaux d’hébergement qui permettent la continuité et l’observance des traitements » ; « favoriser [leur] accueil au sein des centres d’hébergement et de réinsertion sociale, des maisons-relais et des appartements thérapeutiques » ; « développer des possibilités d’accueil pour les personnes âgées en maison de retraite » ; « prévoir et adapter les réponses pour les personnes handicapées, en lien avec les maisons départementales des personnes handicapées ».

Notes

(1) L’intégralité du plan est disponible sur www.sante-sports.gouv.fr.

(2) Voir notamment ASH n° 2620 du 21-08-09, p. 21.

(3) Dans ce cadre, les ministres envisagent d’organiser en mai 2011 une session « Education pour la santé et promotion de la santé en milieu pénitentiaire » au sein des journées de prévention de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé.

(4) La garde des Sceaux, qui a promis de créer 17 UHSA, a indiqué que deux nouvelles unités ouvriraient en 2011 et que, au total, 300 nouvelles places seraient ouvertes en 2012. Rappelons qu’un décret a déjà précisé le fonctionnement de ces unités – Voir ASH n° 2660 du 21-05-10, p. 17.

(5) Pour Michèle Alliot-Marie, non seulement il n’existe pas assez de SMPR (26 pour 191 établissements pénitentiaires), mais « les conditions d’hospitalisation dans ces services ne correspondent pas à celles d’un hôpital : il s’agit souvent d’unités n’offrant qu’une vingtaine de places, dans des cellules ordinaires ».

(6) Voir ASH n° 2567-2568 du 18-07-08, p. 11.

(7) « Afin de pallier les difficultés rencontrées par les caisses [d’assurance maladie] pour affilier les détenus libérés à la caisse de leur résidence », les ministres suggèrent que ces derniers puissent demeurer rattachés à la caisse dans le ressort de laquelle se situait l’établissement pénitentiaire où ils étaient incarcérés.

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