Malgré la forte mobilisation des Français à son encontre, les parlementaires ont fini par adopter la loi portant réforme des retraites le 27 octobre, un texte passé, lors des débats, de 33 à 118 articles.
Outre le recul de l’âge légal de départ à la retraite et d’obtention du taux plein (pour le régime des retraites des fonctionnaires, voir ce numéro, page 13), la loi comporte également des dispositions concernant la pénibilité ou encore visant à compenser les inégalités entre les hommes et les femmes.
Lors d’un déplacement à Bruxelles le 29 octobre, le président de la République a indiqué qu’il avait « entendu » les « inquiétudes, souvent légitimes, exprimées sur la réforme des retraites » et qu’il prendrait « des initiatives le moment venu pour y répondre ». Cela n’a pas suffi aux députés et aux sénateurs de l’opposition qui, le 2 novembre, ont déféré la loi devant le Conseil constitutionnel. Ce dernier a un mois pour rendre sa décision.
La loi prévoit de relever progressivement, d’ici au 1er janvier 2018, à 62 ans (au lieu de 60 ans) l’âge légal de départ à la retraite (1) et à 67 ans (contre 65 ans) celui permettant d’obtenir une pension de vieillesse à taux plein sans décote, quelle que soit la durée d’assurance. Des dispositions applicables aux pensions qui prendront effet à compter du 1er juillet 2011.
Toutefois, sur proposition du gouvernement, les parlementaires ont voté un certain nombre d’exceptions à ce principe. Ils ont ainsi décidé du maintien à 65 ans de l’âge légal de départ à la retraite sans décote pour les assurés nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1955 inclus (2) lorsqu’ils remplissent les conditions suivantes :
avoir eu ou élevé au moins trois enfants ;
avoir interrompu ou réduit leur activité professionnelle, dans des conditions et un délai déterminés suivant la naissance ou l’adoption d’au moins un de ces enfants, pour se consacrer à l’éducation de cet ou de ces enfants ;
avoir validé, avant cette interruption ou réduction d’activité professionnelle, un nombre de trimestres minimum – « trois ou quatre », a indiqué le ministre du Travail et de la Solidarité – au titre de l’exercice d’une activité professionnelle, dans un régime de retraite légalement obligatoire français ou européen.
Conservent en outre la possibilité de partir à la retraite à 65 ans les assurés handicapés et les assurés qui ont interrompu leur activité professionnelle en raison de leur qualité d’aidant familial auprès d’une personne handicapée ou dépendante.
L’âge d’obtention d’une pension de vieillesse à taux plein est également maintenu à 65 ans pour les assurés qui bénéficient d’une majoration de durée d’assurance pour avoir élevé un enfant – y compris un enfant adopté, a assuré Eric Woerth lors des débats – ouvrant droit à l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé et à son complément, ou à la prestation de compensation du handicap (PCH). Mais aussi pour les assurés qui, pendant une durée et dans des conditions fixées par décret, ont apporté une aide effective à leur enfant bénéficiaire de la PCH au titre des charges liées à un besoin d’aides humaines, y compris, le cas échéant, celles apportées par les aidants familiaux. C’est-à-dire, concrètement, aux parents qui s’occupent d’un enfant dont le lourd handicap est survenu ou se prolonge après sa 20e année.
A noter : la loi portant réforme des retraites supprime, à compter du 1er janvier 2011, la majoration pour conjoint à charge. Toutefois, elle est maintenue pour les pensionnés qui en bénéficiaient au 31 décembre 2010, tant qu’ils en remplissent les conditions.
Il y a deux ans, le gouvernement a décidé d’augmenter, à compter de 2009, la durée d’assurance cotisée pour l’ouverture du droit à pension de vieillesse au taux plein de un trimestre par an et par génération, pour atteindre 164 trimestres en 2012 (41 ans) (3). Les parlementaires ont cette fois-ci voté une disposition permettant de faire passer la durée d’assurance cotisée à 166 trimestres en 2020 (41,5 ans).
Alors que l’allocation de veuvage devait être supprimée au 1er janvier 2011, la loi portant réforme des retraites la rétablit à cette même date et ce, dans les conditions qui étaient en vigueur avant la réforme des retraites de 2003, a assuré le rapporteur (UMP) de la loi au Sénat, Dominique Leclerc (4). Signalons que le gouvernement devra remettre au Parlement, avant le 31 décembre 2011, un rapport sur la prise en charge du veuvage précoce ainsi que sur l’amélioration des conditions d’octroi et de financement de l’allocation de veuvage.
Au-delà d’une profonde refonte de la médecine du travail, la loi comporte des dispositions concernant la pénibilité. Par exemple, pour les salariés exposés à des facteurs de risques professionnels déterminés par décret (5), les entreprises employant une proportion minimale – à fixer par décret – de ces salariés, seront soumises, dès le 1er janvier 2012, à une pénalité de 1 % au maximum de leur masse salariale (6), lorsqu’elles ne seront pas couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité.
Par ailleurs, la loi prévoit que l’âge légal de départ à la retraite sera abaissé pour les assurés qui justifieront d’une incapacité permanente au moins égale à un taux déterminé par décret et qui, selon Nicolas Sarkozy, devrait être fixé à 10 % (contre 20 % dans l’exposé des motifs du projet de loi initial). Cette incapacité devra être reconnue au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle. La pension de vieillesse sera alors servie au taux plein même si l’assuré ne justifie pas de la durée d’assurance requise.
Autre mesure : l’expérimentation, jusqu’au 31 décembre 2013, de dispositifs d’allégemement (passage à un temps partiel, exercice d’une mission de tutorat…) ou de compensation (prime, journées supplémentaires de repos…) de la charge de travail des salariés occupés à des travaux pénibles.
La loi portant réforme des retraites comprend aussi des dispositions relatives à l’égalité entre les hommes et les femmes. Par exemple, elle prévoit que, à compter du 1er janvier 2012, les entreprises d’au moins 50 salariés seront soumises à une pénalité, fixée à 1 % au maximum de leur masse salariale, lorsqu’elles ne seront pas couvertes par un accord relatif à l’égalité professionnelle.
En outre, afin de mieux prendre en compte les interruptions de carrière liées à la maternité, les parlementaires ont voté une disposition qui permettra, à compter du 1er janvier 2012, d’inclure les indemnités journalières perçues au titre du congé de maternité dans le salaire de base servant au calcul de la pension de vieillesse. En effet, le calcul de la pension s’effectue à partir du salaire perçu durant les 25 meilleures années dans le régime général. « Or, expliquent les sénateurs (7), les indemnités journalières de maternité, exonérées de cotisations sociales, ne sont pas prises en compte dans ce salaire de référence, ce qui tend à le minorer pour les années où les femmes ont interrompu leur activité professionnelle pour ce motif. »
(1) Cet âge – fixé par décret – augmentera ainsi de manière progressive à hauteur de quatre mois par génération, pour atteindre 62 ans en 2018 pour la génération née à compter du 1er janvier 1956.
(2) Contrairement aux mères nées avant 1955, celles nées après 1955 bénéficient aujourd’hui de mécanismes de compensation créés dans les années 70 (majoration de durée d’assurance, assurance vieillesse des parents au foyer…) leur permettant d’avoir une durée moyenne d’assurance identique à celle des hommes, a expliqué le ministre du Travail et de la Solidarité dans un communiqué du 7 octobre.
(4) Rap. Sén. n° 733, tome I, 2009-2010, Leclerc, page 244.
(5) Selon l’article 60, II de la loi, ces risques devront être liés à des « contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur la santé ».
(6) Le montant de la pénalité sera défini en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité.
(7) Rap. Sén. n° 733, tome I, 2009-2010, Leclerc, page 252.