Enfin. Des jeunes qui habitent une cité de banlieue sont filmés proprement, sur un fond noir de studio plutôt que dans un hall d’immeuble, devant des graffitis, au milieu de leurs amis. Le temps de la parole, de la réflexion, leur est laissé dans ce cadre plus intime. La tentation de l’émeute ouvre une soirée « Théma » sur Arte dédiée aux révoltes urbaines, cinq ans après les émeutes de l’automne 2005.
Dans ce premier documentaire, Mara, Adama, Kevin, Ibrahim, Mickaël, Paul reviennent sur ces violences qui ont touché leur quartier des Hautes-Noues, à Villiers-sur-Marne, pour tenter d’en comprendre les origines et raconter ce qui a changé depuis – ou pas.
La difficulté à trouver du travail, d’abord. « V’là les tafs ! J’ai même balayé devant un lycée de filles, je me cachais dès que les meufs sortaient. Ça m’a marqué, se souvient Mara. Et puis un matin, c’est simple, au lieu d’aller traîner, je suis resté dans mon lit et y a des larmes qui ont coulé. Et, là, la seule question, c’était : “Qu’est-ce que je vais faire de ma vie ?” » Aujourd’hui, Mara a une famille, et il se défoule en pratiquant la boxe thaïe, dans un club de sport du quartier. Moussa y est médiateur. Il est également agent de sécurité dans un supermarché du coin. « C’est le comble du comble, plaisante-t-il à moitié. C’est moi qui fais la sécurité ici, alors que c’était moi qui venais me servir à l’intérieur quand j’étais plus jeune. » A la mission locale, un centre d’aide à la recherche d’emploi a été créé. « Tous les jeunes ont envie d’avancer, mais ici, la problématique, c’est que certains ont de très bas niveaux de qualification », constate un chargé de projet. Pour le reste, rien n’a changé. Les témoins racontent le racisme de certains policiers, les bavures aussi. Et puis l’absence d’autres autorités : les politiques passent toujours rarement par ici.
De quoi nourrir de nouvelles émeutes ? Le deuxième documentaire de la soirée, Les raisons de la colère, interroge les révoltes récentes de la jeunesse européenne : à Copenhague, en 2007, à la suite de l’évacuation de la maison des jeunes ; en Grèce, en 2008, après la mort d’un jeune homme ; en Chine, enfin, chez les ouvriers.
Les éclairages sociologiques restent décevants. Ce n’est pas le point fort des deux documentaires, qui reposent surtout sur des témoignages fouillés d’acteurs de première ligne – jeunes, éducateurs, parents – à qui la parole est rarement donnée sur le sujet.