Après avoir alerté, en juin dernier, des difficultés de mise en œuvre du chantier de la « refondation » du dispositif d’hébergement et d’accès au logement, les 31 membres du « Collectif des associations unies pour une nouvelle politique publique du logement » sont, le 21 octobre, de nouveau passés à l’offensive. « Le projet de loi de finances pour 2011, le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI) et le projet de loi sur l’immigration sont des signaux préoccupants, des contre-messages qui montrent que la refondation apparaît plus comme un slogan que comme une réalité », s’agace Christophe Robert, délégué général adjoint de la Fondation Abbé-Pierre.
Le collectif fustige la diminution de la subvention de l’Etat pour la construction de logements sociaux : « Elle ne sera plus que de 800 € en 2011 pour les PLUS (prêts locatifs à usage social), contre 1 000 € en 2010 ». Un mauvais signal, au moment où la loi sur le droit au logement opposable (DALO) peine à tenir ses promesses, faute d’une offre accessible. A cela s’ajoute la taxe sur les loyers du parc HLM prévue par le projet de loi de finances pour 2011, une « ponction de 340 millions par an » qui, selon l’Union sociale pour l’habitat, représente une baisse de la production de 20 000 logements sociaux par an. Ou encore la suppression de la rétroactivité de trois mois des aides personnalisées au logement, quand celles-ci ont déjà « perdu 12 % de leur impact solvabilisateur depuis 2001 ».
En plus de ces messages « contradictoires » sur la politique du logement, les associations alertent de coupes budgétaires dans les territoires, qui frappent de plein fouet la veille sociale (services du 115, accueils de jour, équipes mobiles), l’hébergement d’urgence et les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Certaines structures sont contraintes de fermer leurs portes. « On ne peut pas accepter la logique du gouvernement, selon laquelle on n’ouvre plus de places d’hébergement au nom du principe du “logement d’abord”. Il faut continuer à répondre aux besoins », explique Christophe Robert. Pourtant, les perspectives ne paraissent pas meilleures pour 2011, selon l’analyse faite par la FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale) du projet de loi de finances : pour la veille sociale, elle constate « une baisse de 21,4 % entre le budget exécuté en 2009 et le budget 2011 », pour l’hébergement d’urgence « de 5 % sans comptabiliser les nouvelles mesures liées à l’accompagnement vers et dans le logement » et, pour les CHRS, « une baisse de 1 % », avec un nombre de places stabilisé depuis 2009. Tandis que le secrétaire d’Etat au logement affiche une augmentation de 8 % du budget du programme « prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », la FNARS calcule une « diminution de 2 % par rapport aux crédits délégués en 2010 ». Avec la loi organique relative aux lois de finances, « on espérait une politique de projet, pluriannuelle, interministérielle. Or on reste dans une logique de tableaux et de petites lignes budgétaires en diminution », déplore Matthieu Angotti, directeur général adjoint de la FNARS.
Dans ce contexte, les services intégrés de l’accueil et de l’orientation (SIAO), qui doivent centraliser l’offre et la demande, se mettent progressivement en ordre de marche dans des conditions difficiles. Selon le cabinet du délégué interministériel pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées, « les deux tiers ou les trois quarts des départements seront pourvus d’un SIAO, avec un opérateur désigné et une convention signée, d’ici à la mi-novembre ». Mais cela ne signifie pas qu’ils seront opérationnels à cette date, rétorquent les associations, et les moyens ne sont pas forcément à la hauteur : « Très peu de moyens sont accordés pour la coordination », précise Matthieu Angotti.
Outre la rigueur budgétaire, les associations dénoncent des « contre-messages politiques scandaleux ». Le projet de loi sur l’immigration est visé. Selon celui-ci, séjourner en France « dans le but essentiel » de bénéficier de l’aide sociale, notamment d’un hébergement, serait constitutif d’un abus de droit pouvant justifier un éloignement du territoire. Le secteur s’apprête donc à lutter contre toute remise en cause de l’inconditionnalité de l’accueil, pourtant déjà amorcé. « On nous signale des injonctions écrites des préfectures pour interrompre l’accueil des personnes migrantes », indique Matthieu Angotti. Elles dénoncent également l’article du projet de LOPPSI qui prévoit l’évacuation sous 48 heures, sans procédure judiciaire, d’« installations illicites », autrement dit de bidonvilles et autres campements de fortune. L’examen du texte par les députés sera surveillé de près, notamment pour veiller à ce que la disposition qui visait initialement les squats ne soit pas réintroduite.
Inquiet sur l’accueil et la prise en charge des personnes sans domicile, le collectif déplore également qu’aucune suite n’ait encore été donnée au rapport de Bernard Vorms sur la prévention des expulsions, que le ministre du Logement avait commandé en décembre 2009 dans le cadre du « Chantier national prioritaire 2008-2012 » (1). « La seule communication faite a porté sur le refus d’accepter un moratoire sur les expulsions », souligne Christophe Robert, alors que les effets de la crise risquent de grossir les rangs des expulsés (11 200 avec le concours de la force publique en 2009) et que les commissions spécialisées de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX), qui devaient être créées avant le 1er mars 2010, « ne sont pas toutes en place ».