C’est l’inertie du gouvernement à tenir compte des préconisations du rapport de juillet 2009 des sénateurs Paul Blanc (UMP) et Annie Jarraud-Vergnolles (PS) pour améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) (1) qui a conduit le premier à élaborer ce texte. Mais la proposition de loi adoptée par le Sénat en première lecture le 25 octobre comporte également un volet de mesures relatives à la politique du handicap (emploi, accessibilité, compensation). Elle doit maintenant être examinée par l’Assemblée nationale.
La loi « handicap » du 11 février 2005 a prévu que les MDPH sont constituées sous la forme de groupements d’intérêt public (GIP) composés notamment de l’Etat, du conseil général, de l’assurance maladie et des caisses d’allocations familiales. Selon le rapport des deux sénateurs, la question du statut des maisons départementales n’est pas centrale. Aussi la proposition de loi prévoit-elle de maintenir le statut de GIP. Elle le consolide en prévoyant qu’il est constitué pour une durée indéterminée. Par ailleurs, la présence de l’Etat est renforcée : le directeur général de l’agence régionale de santé devrait ainsi siéger au sein de la commission exécutive des MDPH.
La proposition de loi ne remet pas en cause la mise à disposition de personnels par les membres du GIP, tout en précisant que, pour les fonctionnaires de l’Etat, cette mise à disposition doit être prononcée pour une durée maximale de cinq ans, renouvelable par périodes ne pouvant pas excéder cette durée. Selon le texte, la durée de préavis ne pourra pas être inférieure à six mois et la mise à disposition donnera lieu à remboursement selon les modalités prévues dans la convention constitutive du groupement. Sans changement notable par rapport à la situation actuelle, les maisons départementales des personnes handicapées pourront également comprendre :
des fonctionnaires de l’Etat, territoriaux ou hospitaliers, placés en situation de détachement ;
des agents contractuels de droit public, recrutés pour une durée déterminée ou indéterminée, et soumis aux dispositions applicables aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;
des agents contractuels de droit privé.
Dans tous les cas, les personnels devraient être placés sous l’autorité du directeur de la MDPH.
Afin d’améliorer l’accès à la formation et de créer « une culture commune », la proposition de loi donne compétence au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) pour définir et assurer, en partenariat avec la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), la formation professionnelle des personnels des MDPH, quel que soit leur statut. En contrepartie, les maisons départementales devront verser au CNFPT une cotisation obligatoire.
Sans changement par rapport à la législation existante, la convention constitutive du GIP précise notamment les modalités d’adhésion et de retrait des membres et la nature des concours qu’ils apportent. Nouveauté : la proposition de loi prévoit la signature d’une convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens entre la maison départementale et les membres du groupement. Cette convention fixerait pour trois ans les missions et les objectifs de la MDPH ainsi que les moyens qui lui sont alloués pour les remplir. Elle préciserait en particulier le montant de la subvention de fonctionnement versée par l’Etat et, pour la part correspondant aux personnels mis à disposition, le nombre d’équivalents temps plein qu’elle couvre. Un avenant financier devrait préciser chaque année les modalités et le montant de la participation des membres du groupement. Le montant du concours versé par la CNSA au conseil général et destiné à contribuer au fonctionnement de la maison départementale devrait être mentionné.
Autre mesure prévue : les MDPH devront avoir des horaires d’ouverture permettant aux usagers et à leurs familles d’accéder aux services qu’elles proposent et à la permanence téléphonique qu’elles ont mise en place pendant une durée hebdomadaire minimale de 35 heures.
La proposition de loi autorise par ailleurs les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées à statuer en formations restreintes, pour accélérer le traitement de certaines demandes simples, ou en sections locales, pour faciliter le fonctionnement des MDPH des départements les plus vastes ou les plus peuplés. Des clarifications sont également apportées sur la compétence territoriale des maisons départementales.
L’Etat est chargé du pilotage de la politique de l’emploi des personnes handicapées. A ce titre, la proposition de loi prévoit qu’il fixe les objectifs et les priorités de cette politique, en lien avec le service public de l’emploi, le Fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) et le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP).
Une convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens est conclue entre l’Etat, Pôle emploi, l’Agefiph, le FIPHFP et la CNSA, indique le texte sénatorial. Cette convention prévoira notamment les services rendus aux demandeurs d’emploi bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés et aux employeurs privés et publics qui souhaitent recruter des personnes handicapées. Pour son application, la convention fera l’objet de déclinaisons régionales ou locales associant les organismes de placement spécialisés et les MDPH. La proposition de loi définit également les missions des organismes de placement spécialisés dans l’insertion professionnelle des personnes handicapées. « Les Cap emploi […] ont en effet acquis une véritable expertise dans ce domaine qui justifie que leur rôle soit conforté », souligne son exposé des motifs.
Le texte prévoit par ailleurs que les organismes et les associations qui contribuent à l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés dans la fonction publique, et avec lesquels le FIPHFP a conclu une convention, peuvent bénéficier de ses concours. Les agents reconnus travailleurs handicapés pourront également saisir le fonds.
Le texte voté par les sénateurs se caractérise par un net recul par rapport au principe d’accessibilité générale posé par la loi du 11 février 2005. Il prévoit en effet qu’un décret fixera les conditions dans lesquelles des mesures de substitution peuvent être prises afin de répondre aux exigences d’accessibilité des bâtiments neufs. Pour bénéficier de dérogations, le maître d’ouvrage devra apporter la preuve de l’impossibilité technique de respecter pleinement les normes d’accessibilité en raison de l’implantation du bâtiment, de l’activité qui y est exercée ou de sa destination. Une mesure que Paul Blanc, rapporteur de la loi au Sénat, a indiqué soutenir « la mort dans l’âme », mais qu’il estime néanmoins justifiée par le « principe de réalité ». Rappelons que le Conseil d’Etat a déclaré illégales les dérogations fixées par un décret du 17 mai 2006 pour les constructions neuves (2).
Autre sujet susceptible de décevoir les attentes des personnes handicapées : le texte initial prévoyait d’améliorer la prise en charge des aides humaines par la prestation de compensation du handicap dès lors que celles-ci conditionnent leur maintien à domicile. A la demande du gouvernement, cette mesure a été retirée en raison de son poids financier pour les départements. Selon la secrétaire d’Etat à la solidarité, Nadine Morano, dans une hypothèse qualifiée d’optimiste, une telle mesure coûterait 150 millions pour une heure par jour d’aide ménagère cinq jours par semaine. Les sénateurs ont également supprimé un article proposant que les aides du fonds départemental de compensation puissent être accordées aux personnes handicapées non bénéficiaires de la prestation de compensation du handicap. Autre mesure passée à la trappe à la demande du gouvernement : l’instauration d’une péréquation au bénéfice des départements qui présentent un taux de couverture des dépenses de prestation de compensation du handicap inférieur à la moyenne observée pour l’ensemble des départements. Selon Nadine Morano, la prestation n’ayant pas achevé sa montée en charge, il n’est pas possible de déterminer si les disparités constatées entre départements sont structurelles ou résultent d’un rythme de montée en charge différent. Sa préconisation : attendre les conclusions définitives du groupe de travail mis en place par la CNSA avec des représentants des conseils généraux.