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La recherche au service de la qualité des formations

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Les enjeux du développement de la recherche sont importants pour les centres de formation en travail social, analyse Raymond Curie, sociologue, formateur (1) et membre de la Plate-forme régionale de recherche concernant l’action sociale (PFRAS), en Rhône-Alpes. Il se réjouit, dans cette perspective, de la création de « hautes écoles en travail social ».

« La place de la recherche dans les écoles de travail social en France apparaît très diversifiée : inexistante dans certaines écoles, elle occupe une position d’interface dans d’autres. Les quelques exemples suivants illustrent bien la diversité.

A l’IFAR de Villeneuve-d’Ascq (Nord), le secteur “recherche” propose un accompagnement méthodologique à la recherche. Plusieurs travaux ont été réalisés dans ce cadre, notamment une étude portant sur les référents RMI et un diagnostic sur la présence de femmes immigrées et issues de l’immigration en Poitou-Charentes.

A l’Institut Saint-Simon, à Toulouse, est né en 2005 le Réseau interprofessionnel des professionnels de l’accompagnement (RIPA), qui a pour objectif l’échange sur les pratiques afin de capitaliser et de diffuser les réflexions et les recherches, en vue d’un meilleur accompagnement des publics. RIPA veut dire aussi : Recherche, Innovation, Professionnalisation et Alliance.

A l’Institut de développement social de Rouen, le Laboratoire d’études et de recherches sociales (LERS), animé par Manuel Boucher, vise à : produire des recherches et des études sur contrat ou en partenariat avec les institutions européennes, nationales, régionales ou locales, mettre au service des collectivités territoriales et des professionnels de l’action sociale des outils pour éclairer leurs choix, valoriser les travaux et contribuer à leur diffusion par la réalisation de colloques, ouvrages, articles ou séminaires, instaurer des partenariats internes et externes dans les domaines de la recherche et de la qualification professionnelle ou universitaire mais aussi participer à l’élaboration et à la mise en œuvre du projet pédagogique et aux enseignements dans les formations initiales, supérieures et continues en lien avec les travaux menés.

En Rhône-Alpes, la Plate-forme régionale de recherche concernant l’action sociale (PFRAS) (2), à l’initiative de Joël Cadière, a été mise en place en 2004. Dans le cadre du schéma régional des formations sociales, la DRASS a validé la mise en place d’une plate-forme régionale pour l’articulation des recherches et des pratiques sociales et pour valoriser la recherche dans les centres de formation, dont la création a été confiée au Collège coopératif Rhône-Alpes. La PFRAS a été retenue depuis pour assurer la mission de pôle ressources régional.

Ses axes prioritaires sont : la construction et la structuration d’articulations institutionnelles entre établissements et services, collectivités territoriales, établissements de formation, universités, laboratoires de recherche, mais aussi la promotion et le développement des échanges entre chercheurs, formateurs professionnels, experts, élus et usagers. Une première étude – La recherche : quelle transmission pour les formations aux professions sociales ? – a été publiée par la PFRAS en 2008. Une autre est prévue pour fin 2010 sur les trajectoires de qualification.

En parallèle ou en lien avec les secteurs “recherche” dans plusieurs écoles, des formateurs produisent eux-mêmes des travaux, soit individuellement, soit en collectif.

La recherche concerne aussi les étudiants des formations sociales. A Lyon, depuis une dizaine d’années, un partenariat a été construit entre, d’une part, l’école Rockefeller, formant des assistantes sociales, et l’ITS, devenu Arfrips, formant des éducateurs spécialisés, et, d’autre part, l’université Lyon-II, pour les départements de sciences de l’éducation et de sociologie. Il permet aux étudiants d’obtenir à la fois leur diplôme professionnel et la licence de sciences de l’éducation avec, en plus, une partie de la licence de sociologie. C’est dans ce cadre-là qu’un travail important est demandé en 2e année de formation. Intitulé TIS (Territoire et intervention sociale), il consiste en une recherche collective sur une question sociale émergeant des terrains de stage, avec plusieurs groupes constitués d’étudiants. Le travail fait appel à une méthodologie sociologique et s’étend sur une période de neuf mois. Pendant l’année, alternent les cours universitaires, un séminaire et les groupes de travail. Cette recherche permet aux étudiants de prendre du recul par rapport à leurs pratiques professionnelles et les incite à développer leurs capacités d’analyse. L’accent est mis sur l’importance de la description des pratiques et sur le développement d’une problématique de terrain, qui, dans un second temps, peuvent amener un travail de conceptualisation et de problématisation sociologique. D’autres exemples existent en France dans les écoles où les étudiants se situent dans une démarche de recherche plus ou moins approfondie. L’articulation entre pratique et théorie prend ici tout son sens, les apports théoriques permettant de mieux comprendre les faits sociaux et les pratiques professionnelles.

Jusqu’à maintenant, la place de la recherche dans les écoles de travail social est restée marginale. Deux difficultés existent : d’une part, celle de sa légitimité par rapport aux recherches universitaires classiques, d’autre part, le débat récurrent entre les tenants d’une recherche en travail social ou ceux d’une recherche sur le travail social.

Les enjeux de la recherche pour les centres de formation sont importants : il s’agit aussi bien d’obtenir la reconnaissance pour les travaux effectués que de valoriser leur intérêt pour les professionnels, les formateurs et les étudiants. Cependant, les grilles de lecture et les intérêts des différents acteurs divergent. Un commanditaire d’une collectivité territoriale ou un président de conseil d’administration d’une grande association nationale n’auront pas forcément les mêmes attentes qu’un formateur ou un chercheur universitaire. L’essentiel, pourtant, pour les écoles qui soutiennent cette démarche, est de trouver une articulation entre des travaux qui conduisent à une approche plus pragmatique et d’autres basés sur une approche plus fondamentale.

Dans ce contexte, l’Association des chercheurs des organismes de la formation et de l’intervention sociale (Acofis), créée en 2006, a commencé un travail visant à influencer la conception et la mise en œuvre des politiques sociales. Par ailleurs, avec le lancement, en mars 2008, de l’appel à projets de la direction générale de l’action sociale sur la constitution de pôles ressources régionaux en matière de recherche/ formation, l’Etat réimpulse une dynamique de recherche, même s’il faut rester vigilant sur les contours de ces plateformes. Les représentants des centres de formation, de leur côté, s’inscrivant dans l’Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale (Unaforis), ont pris conscience aussi qu’avec l’ouverture de la formation supérieure au niveau européen, le développement de la recherche dans les écoles de travail social est devenu une nécessité.

D’une façon générale, avec l’ouverture de la formation supérieure au niveau européen (cursus unifié BMD : bachelor, master, doctorat), la réflexion sur l’évolution des écoles de travail social en France s’impose. Pierre Gauthier, président de l’Unaforis, argumente dans le sens de la création de “hautes écoles en travail social”, comme il en existe en Belgique et en Suisse. “Il s’agit de mettre fin à l’atomisation du dispositif de formation en incitant les établissements à mettre en commun, au niveau régional, les fonctions de recherche, d’expertise, de veille et d’animation des acteurs sociaux”, a-t-il expliqué dans les ASH (3). De telles écoles permettraient, tout en gardant le côté professionnel de la formation, notamment grâce à l’alternance entre stages et périodes de regroupements, le développement de la recherche ainsi que des échanges internationaux, éléments indispensables pour valoriser le niveau des formations. Par ailleurs, cette création pourrait éviter une dérive des formations et permettrait de défendre l’importance de la qualification – terme que Michel Chauvière défendait déjà dans le livre Qualifier le travail social (Dunod, 2002) – par rapport à la compétence. Il serait alors plus facile de reprendre la demande d’équivalence à Bac + 3 pour les diplômes de niveau 3, revendication qui n’est toujours pas satisfaite en France.

Ce type d’écoles n’empêcherait pas, bien au contraire, le maintien et la création de partenariats avec les universités (comme la mise en place de masters professionnels) ainsi que des passerelles pour la poursuite d’études ultérieures.

Des équipes et des moyens

Mais la recherche nécessite des personnes compétentes pour mener à bien les travaux. Dans de nombreuses écoles, des formateurs ont des niveaux 1, ayant obtenu des DEA ou des doctorats, des masters 2 (en sociologie, anthropologie ou psychologie notamment). Certains se positionnent déjà comme formateurs-chercheurs. Il n’est pas impossible d’envisager à terme la mise en place de véritables équipes de recherche dans la plupart des écoles de travail social, qui plus est si celles-ci deviennent de “hautes écoles”. Bien évidemment, du temps spécifique et des moyens financiers devront être dégagés pour les formateurs en question.

La recherche doit être envisagée comme un levier de renforcement de la qualité des formations, car elle doit enrichir les différents cursus, les formateurs s’en servant comme références pour certaines de leurs interventions mais aussi pour animer des journées d’études. Les étudiants, quant à eux, en l’expérimentant dans leur parcours, devraient pouvoir y puiser à la fois un certain recul et un approfondissement de leurs réflexions et de leurs analyses.

Quant aux structures professionnelles et aux collectivités territoriales, elles pourraient aussi bénéficier davantage de travaux de bon niveau enrichissant leurs informations et leurs analyses relatives aux problématiques du secteur social, certaines recherches pouvant également associer des professionnels de terrain. »

Contact : r.curie@arfrips.fr

Notes

(1) A l’Association régionale pour la formation, la recherche et l’innovation en pratiques sociales (Arfrips), à Lyon, ainsi qu’à l’université Lyon-II.

(2) Elle regroupe les centres de formation de la région : ISL, EAS Croix-Rouge, Pôle territorial PJJ, IFTS, Arfrips, Arafdes, Carrel, Rockefeller, ESSSE, ADEA, Iremis et le CCRA, mais aussi des établissements professionnels, des collectivités territoriales et des organismes d’Etat.

(3) Voir ASH n° 2667 du 9-07-10, p. 30.

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