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Assises de la prévention de la délinquance : un sentiment d’« incohérence »

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A la suite de la journée organisée par Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat à la justice, le 14 octobre, et quelques jours avant la remise de son rapport sur la prévention de la délinquance, le secteur associatif ne s’attend guère à un changement de cap.

Les professionnels de l’action sociale ne se bercent pas d’illusions après les assises de la prévention de la délinquance juvénile organisées le 14 octobre à la cour d’appel de Paris par Jean-Marie Bockel, qui doit bientôt remettre son rapport au président de la République (voir ce numéro, page 19). Si le secrétaire d’Etat à la justice n’a pas versé dans le discours sécuritaire et a formulé le vœu d’une « politique ambitieuse », reposant sur « un diagnostic partagé et des actions inscrites dans la durée », la tonalité de cette journée n’a cependant pas été à la hauteur. « Une juxtaposition de vœux ministériels ne fait pas une culture interministérielle, qui était pourtant l’esprit du rapport de Jean-Marie Ruetsch » (1), commente Patrick Martin, président de la commission « enfance et jeunesse » de l’Uniopss. « Il y a eu un décalage entre ce qui a parfois été rapporté par des participants aux tables rondes – la nécessité d’apporter des réponses collectives, multiformes, pérennes – et certains discours des élus et des membres du gouvernement sur les responsabilités individuelles des enfants et des parents », renchérit Fabienne Quiriau, directrice générale adjointe de la CNAPE (Convention nationale des associations de protection de l’enfant).

Et la protection de l’enfance ?

Pendant la première table ronde, intitulée « Remettre tous les parents en capacité d’exercer leur autorité », l’augmentation du nombre de familles monoparentales et le lien entre immigration et délinquance ont souvent été évoqués. « 50 % des faits de délinquance sont dues à des carences éducatives et 30 % à de très lourdes turbulences familiales », a affirmé Nadine Morano, la secrétaire d’Etat à la famille, qui a surtout incité au déploiement des conseils des droits et devoirs des familles.

Aucune référence, en revanche, n’a été faite à la protection de l’enfance. Les conseils généraux étaient d’ailleurs les grands absents de cette rencontre, où les maires étaient, eux, largement représentés pour valoriser leurs expériences. « On joue à la patate chaude au lieu de valoriser les uns et les autres », a souligné Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny. Fabienne Quiriau abonde : « Tant qu’il y aura une confusion sur le rôle de chacun et la finalité des actions, on n’avancera pas. Ce n’est pas en plaquant des dispositifs que l’on va apporter des réponses à la hauteur des enjeux. » La prévention spécialisée a bien eu sa place pendant la table ronde sur « La reconquête de l’espace public par une prévention de proximité ». Mais les craintes de la voir instrumentalisée à des fins strictement sécuritaires sont loin d’être apaisées. « On peut conclure des prises de parole des élus et des membres du gouvernement que la loi sur la prévention de la délinquance est une bonne loi et qu’il faut l’appliquer [2]. Je ne m’attends pas à un changement de cap sur une prévention éducative et sociale », explique, désabusé, Bernard Heckel, directeur du Comité national de liaison des associations de prévention spécialisée.

Au fil des échanges d’expériences, qui se sont succédé sans débats, la réflexion de fond a été oubliée. Rien n’a été dit sur la contextualisation des phénomènes de délinquance, ni sur la question des moyens. « Les tables rondes ont montré le foisonnement d’actions sur le terrain, notamment dans les écoles, pas toujours soutenues financièrement et politiquement », déplore Fabienne Quiriau. « Il a été question du renforcement des travaux d’intérêt général et de la réparation pénale, mais ces mesures voient leurs moyens diminuer. De même, des associations de quartier qui interviennent dans l’aide aux familles voient baisser leur budget de moitié », rappelle Patrick Martin. En outre, les actions « de soutien à la parentalité doivent intervenir en amont, elles ne peuvent se résumer à la reconstruction de l’autorité des parents », comme semble le souhaiter le gouvernement. Le parlement a déjà adopté une loi sur la suppression des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire répété et le député Eric Ciotti a confirmé, lors des assises, le dépôt prochain de sa proposition de loi renforçant la responsabilité pénale des parents.

« Opération de communication »

Au final prévaut le sentiment d’un manque de cohérence. Quelques jours avant les assises, cinq organisations, qui les ont boycottées – le Syndicat national des personnels de l’éducation et du social-PJJ-FSU, le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France, la CGT-PJJ et l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille –, avaient dénoncé « une opération de communication ne correspondant à aucune volonté politique réelle d’agir pour la prévention » et appelé à « une véritable politique de l’enfance ».

Notes

(1) Voir ASH n° 2648 du 26-02-10, p. 5.

(2) Le député Bernard Reynès (UMP, Bouches-du-Rhône) a été, le 25 juin, chargé par le Premier ministre d’un rapport sur la sensibilisation des élus locaux à la prévention de la délinquance, le recensement des mesures favorisant l’application des dispositions de la loi du 5 mars 2007 et l’articulation des prérogatives actuelles des conseils généraux et de leurs présidents en matière d’action sociale et de protection de l’enfance avec l’action des maires en matière de prévention de la délinquance.

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