Au-delà de l’organisation du service public pénitentiaire et de la consécration des droits des détenus (1), la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a prévu un ensemble de dispositions visant à développer les aménagements de peines, à faciliter le recours aux alternatives à la détention (travail d’intérêt général, assignation à résidence avec surveillance électronique…) ainsi qu’à aménager les régimes de détention (encellulement individuel, régime disciplinaire…). Toutes ses dispositions sont entrées en vigueur depuis le 25 novembre 2009 – date de publication de la loi au Journal officiel –, à l’exception de celles toujours en attente de leurs décrets d’application.
« Loi attendue, loi fondatrice, la loi pénitentiaire ne résoudra pas pour autant à elle seule toutes les difficultés de la prison », estime Jean-Paul Garraud, rapporteur (UMP) de la loi à l’Assemblée nationale. Certes, elle réaffirme le principe du droit à l’encellulement individuel, mais, dans le même temps, prévoit de nombreuses dérogations qui le mettent à mal. De toute façon, pour le rapporteur, « l’encellulement individuel ne constitue pas une fin en soi et doit être accompagné de mesures destinées à lutter contre l’oisiveté en prison » (2). Malgré tout, il estime nécessaire que soit « rapidement » garanti le principe d’« une place, un détenu » car « le partage d’une cellule […] engendre du désagrément, voire des souffrances liées à la promiscuité, au manque d’intimité… » (Rap. A.N. n° 1899, Garraud, septembre 2009, pages 37 et 38). Avec ses mesures censées développer le recours aux aménagements de peines et aux alternatives à la détention, la loi pénitentiaire devrait par ailleurs permettre de lutter contre la surpopulation carcérale, qui « induit un mauvais fonctionnement de l’ensemble d’une détention », souligne Jean-Paul Garraud. Actuellement, « les activités manquent, les services pénitentiaires d’insertion et de probation [SPIP] sont débordés. Au total, les détenus ont l’impression d’être livrés à eux-mêmes et les personnels vivent très mal le fait de ne pas pouvoir mener pleinement leur tâche à bien. » Aussi est-il indispensable que, parallèlement à l’arsenal législatif prévu par la loi du 24 novembre 2009, « les moyens financiers et humains du service public pénitentiaire soient confortés », martèle le rapporteur. Certes, admet-il, un effort a été réalisé pour rénover et renouveler le parc pénitentiaire. Toutefois, selon les informations fournies aux députés par le contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue, « il pourrait manquer en 2012 – c’est-à-dire après la réalisation intégrale du “programme 13200” [3] – près de 6 000 places de détention » (Rap. A.N. n° 1899, Garraud, septembre 2009, page 40). Depuis cette estimation, la chancellerie a présenté son nouveau plan de modernisation des prisons : entre 2015 et 2017, 9 000 places vétustes seront fermées et 14 000 seront ouvertes. Au final, la France devrait compter 68 000 places de prisons (4).
Les moyens humains ne sont pas non plus à la hauteur de la tâche, déplore le rapporteur de la loi à l’Assemblée nationale. Si, entre 2002 et 2007, les effectifs des SPIP sont passés de 2 101 à 3 050 tous grades confondus, cette augmentation n’a néanmoins pas permis aux agents de ces services de disposer de davantage de temps pour le suivi de chaque mesure qui leur est confiée ni de voir le nombre de mesures dont ils sont saisis baisser significativement. Le nombre de mesures en milieu ouvert est en effet passé de 125 000 en 2005 à 146 000 en 2007, une hausse qui a absorbé l’essentiel des moyens ainsi alloués aux SPIP. Selon Jean-Paul Garraud, cette situation oblige les services à choisir entre la qualité du suivi et la rapidité de sa mise en place. Une situation insatisfaisante qui risque de s’aggraver dans la mesure où la loi pénitentiaire accroît les missions dévolues aux services pénitentiaires d’insertion et de probation dans le cadre de la mise en œuvre et du suivi des aménagements de peines et des alternatives à la détention (Rap. A.N. n° 1899, Garraud, septembre 2009, pages 40 et 41).
La loi pénitentiaire consacre tout d’abord le caractère subsidiaire de l’incarcération en matière correctionnelle. Il s’agit de « faire de la prison, qui est une sanction nécessaire, la sanction ultime, grâce notamment aux aménagements de peines destinés à promouvoir la réinsertion des détenus et à lutter efficacement contre la récidive », explique le rapporteur à l’Assemblée nationale (Rap. A.N. n° 1899, septembre 2009, Garraud, page 31). Afin de répondre à ces objectifs, la loi étend par exemple les critères de recours à ces mesures ou encore simplifie les procédures à suivre pour les mettre en œuvre, que ce soit en matière correctionnelle (délit) ou criminelle (crime).
Elle ouvre par ailleurs la possibilité d’exécuter les fins de peines sous surveillance électronique.
L’article 132 du code pénal (CP) pose le principe de la personnalisation des peines au stade du jugement. La loi pénitentiaire va encore plus loin en posant le principe de subsidiarité de l’emprisonnement ferme en matière correctionnelle. Ainsi, en dehors des situations de récidive, une peine d’emprisonnement sans sursis ne peut désormais être prononcée que si (CP, art. 132-24, al. 4 nouveau) :
la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire ;
toute autre sanction est manifestement inadéquate.
Plus clairement, la prison doit être l’ultime recours.
En outre, la loi prévoit que, lorsqu’une peine ferme doit être prononcée en matière correctionnelle, elle peut, « sauf impossibilité matérielle », faire l’objet d’une des mesures d’aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 du code pénal – semi-liberté, placement à l’extérieur, placement sous surveillance électronique, fractionnement de peine – si la personnalité et la situation du condamné le permettent.
La loi pénitentiaire affirme plus fortement le principe de la nécessité des aménagements de peines. Ainsi, elle énonce que les peines doivent être aménagées non seulement en cours d’exécution – comme c’était déjà le cas auparavant – mais aussi avant leur mise à exécution si la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale du condamné ou leur évolution le permettent (code de procédure pénale [CPP], art. 707, al. 3 modifié).
Signalons que, en cas de délivrance d’un mandat de dépôt ou d’arrêt, les peines privatives de liberté peuvent être immédiatement aménagées sans attendre que la condamnation soit exécutoire, sous réserve du droit d’appel suspensif du ministère public (CPP, art. 707, al. 4 nouveau).
Avant la loi du 24 novembre 2009, la juridiction de jugement pouvait décider que le condamné exécuterait sa peine d’emprisonnement en tout ou partie sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou du placement sous surveillance électronique lorsque la peine prononcée était d’une durée inférieure ou égale à 1 an.
Le Parlement a décidé d’étendre les possibilités de prononcer l’un de ces aménagements de peines en permettant au juge de les appliquer lorsque la peine encourue est inférieure ou égale à 2 ans ou, lorsque la personne est en état de récidive légale, inférieure ou égale à 1 an (CP, art. 132-25, al. 1 et 132-26-1, al. 1 modifiés ; CPP, art. 723-1, al. 1 et 2 et 723-7, al. 1 modifiés). Ces dispositions sont aussi applicables lorsqu’est prononcée une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis partiel ou d’un sursis avec mise à l’épreuve, et que la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à 2 ans ou, si la personne est en état de récidive légale, inférieure ou égale à 1 an (CP, art. 132-25, al. 6 et art. 132-26-1, al. 6 modifiés).
L’extension de ces possibilités de recours aux aménagements de peines a suscité la polémique car les députés de l’opposition ont souligné que « 88 % des peines de prison prononcées chaque année pourront y donner lieu » et que, parmi les condamnés concernés, pourraient se trouver « des personnes […] dangereuses » (J.O.A.N. n° 101 [C.R.] du 18-09-09, pages 7273 et 7274). Un point de vue non partagé par le rapporteur à l’Assemblée nationale, pour qui il s’agit d’« offrir des possibilités d’aménagement ab initio, c’est-à-dire uniquement dans le cas où, en même temps qu’il prononcera la peine, le tribunal correctionnel décidera d’un aménagement de peine – étant entendu qu’il n’est pas obligé d’aménager une peine d’emprisonnement ferme ». En pratique, selon lui, les cas susceptibles d’en bénéficier seront « très peu nombreux, exceptionnels » (J.O.A.N. n° 101 [C.R.] du 18-09-09, page 7274).
Pour bénéficier de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou du placement sous surveillance électronique, le condamné devait auparavant justifier :
soit de l’exercice d’une activité professionnelle, même temporaire, du suivi d’un stage ou de son assiduité à un enseignement, à une formation professionnelle ou à la recherche d’un emploi ;
soit de sa participation essentielle à la vie de sa famille ;
soit de la nécessité de suivre un traitement médical.
La loi a ajouté à cette liste « l’existence d’efforts sérieux de réadaptation sociale résultant de son implication durable dans tout autre projet caractérisé d’insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de récidive » (CP, art. 132-25, al. 5 et art. 132-26-1, al. 5 modifiés). Selon la ministre de la Justice et des Libertés, cette formulation devrait favoriser « à la fois la souplesse nécessaire à l’application de la loi par la jurisprudence, puisque le juge aura le dernier mot et qu’aucun aménagement de peine ne saurait être automatique, et la lutte contre la récidive ». Mais que recouvre cette formulation s’il ne s’agit pas d’un contrat de travail ? Pour Michèle Alliot-Marie, cela peut concerner une personne qui décide « de s’impliquer dans des actions humanitaires […]. Il peut aussi s’agir d’une jeune femme enceinte qui est transformée par la grossesse et prépare activement la venue de l’enfant. On peut trouver là des éléments qui montrent la volonté de réinsertion », a expliqué la garde des Sceaux aux députés (J.O.A.N. n° 101 [C.R.] du 17-09-09, page 7276).
Avant la loi pénitentiaire, le code de procédure pénale stipulait que les libérations conditionnelles pouvaient être décidées lorsque l’intéressé justifiait :
soit de l’exercice d’une activité professionnelle, d’un stage ou d’un emploi temporaire ou de son assiduité à un enseignement ou à une formation professionnelle ;
soit de sa participation essentielle à la vie de sa famille ;
soit de la nécessité de suivre un traitement médical ;
soit de ses efforts en vue d’indemniser ses victimes.
Dorénavant, les libérations conditionnelles peuvent aussi être accordées lorsque les condamnés démontrent « leur implication dans tout autre projet sérieux d’insertion ou de réinsertion » (CPP, art. 729, al. 6 nouveau).
Par ailleurs, la loi facilite la libération conditionnelle des personnes âgées de plus de 70 ans (5). Elle les dispense en effet de remplir la condition du temps d’épreuve normalement requis pour bénéficier d’une libération conditionnelle (6).
« Il s’agit de permettre à certains condamnés, dont l’état de santé ne justifie pas l’octroi d’une suspension médicale de peine mais dont l’âge rend difficile le maintien en détention, de bénéficier d’une levée d’écrou anticipée », explique le rapporteur (UMP) de la loi au Sénat, Jean-René Lecerf. « Le vieillissement de la population carcérale est un fait, souligne-t-il. Les personnes âgées de 60 ans et plus représentaient 3,7 % de l’ensemble des personnes sous écrou au 1er janvier 2008, contre 2 % au 1er janvier 1997 » (Rap. Sén. n° 143, Lecerf, page 180). Pour pouvoir bénéficier de cette mesure, les condamnés doivent tout d’abord apporter la preuve que leur insertion ou leur réinsertion est assurée, ce qui sera le cas, en particulier, s’ils font l’objet d’une prise en charge adaptée à leur situation à leur sortie de l’établissement pénitentiaire ou s’ils justifient d’un hébergement. Cette condition « risque en pratique de s’avérer difficile à remplir », reconnaît Jean-René Lecerf, compte tenu des difficultés que rencontrent les condamnés à leur sortie de prison pour trouver un logement. « Obtenir une place dans une maison de retraite sera sans doute également une gageure » (Rap. Sén. n° 143, Lecerf, page 180). En outre, cette mesure ne peut leur être accordée si elle est susceptible de causer un trouble grave à l’ordre public ou en cas de risque grave de renouvellement de l’infraction (CPP, art. 729, al. 7 nouveau).
Afin de faciliter le recours au fractionnement des peines d’emprisonnement en matière correctionnelle, la loi pénitentiaire supprime tout d’abord l’exigence selon laquelle le motif d’ordre médical, familial, professionnel ou social pouvant la justifier doit être « grave ».
En outre, le texte prévoit que, lorsque l’emprisonnement prononcé pour une durée de 2 ans (et non plus de 1 an) est, pendant une période n’excédant pas 4 ans (et non plus 3 ans), exécuté par fractions, aucune d’entre elles ne peut, sans changement, être inférieure à 2 jours. Ce dispositif est désormais aussi applicable aux personnes en état de récidive légale dont la peine est inférieure ou égale à 1 an (CP, art. 132-27 modifié et CPP, art. 720-1 modifié).
Conformément à l’article 720-1-1 du code de procédure pénale, sauf s’il existe un risque grave de renouvellement de l’infraction, la suspension de la peine peut être ordonnée, quelle que soit la nature ou la durée de la peine restant à subir, et pour une durée qui n’a pas à être déterminée, pour les condamnés dont il est établi qu’ils sont atteints d’une pathologie engageant le pronostic vital ou que leur état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention, hors les cas d’hospitalisation des personnes détenues en établissement de santé pour troubles mentaux. La suspension de peine ne peut être ordonnée que si deux expertises médicales distinctes établissent de manière concordante que le condamné se trouve dans l’une de ces situations.
Toutefois, prévoit la loi pénitentiaire, en cas d’urgence, lorsque le pronostic vital de l’intéressé est engagé, la suspension peut être ordonnée au vu d’un seul certificat médical établi par le médecin responsable de la structure sanitaire dans laquelle est pris en charge le détenu, ou son remplaçant (CPP, art. 720-1-1, al. 2 complété).
Auparavant, les décisions modifiant ou refusant de modifier le contenu des mesures d’aménagement de peine, ou des obligations en résultant, étaient prises par une ordonnance motivée du juge de l’application des peines (JAP), sous réserve que le procureur de la République ne demande pas qu’elles fassent l’objet d’un jugement pris après débat contradictoire.
La loi du 24 novembre 2009 a modifié cette règle en permettant aux chefs d’établissements pénitentiaires et aux directeurs des services pénitentiaires d’insertion et de probation, lorsque le condamné fait l’objet d’un placement à l’extérieur, d’une semi-liberté, d’un placement sous surveillance électronique ou pour l’exécution de permissions de sortir, de modifier ses horaires d’entrée ou de sortie, ou de sa présence en un lieu déterminé, dès lors qu’il s’agit de modifications qui lui sont favorables et ne touchent pas à l’équilibre de la mesure. Le JAP doit alors être informé sans délai des modifications opérées et peut les annuler par ordonnance non susceptible de recours (CPP, art. 707-2 nouveau). Objectif de la mesure : « alléger la charge des JAP et permettre une adaptation plus rapide des mesures d’aménagement de peine aux évolutions de la situation des condamnés », a expliqué Jean-Paul Garraud, rapporteur à l’Assemblée nationale (Rap. A.N. n° 1899, Garraud, septembre 2009, page 312).
Avec la loi pénitentiaire, les juges de l’application des peines ou le tribunal de l’application des peines, lorsqu’ils se prononcent sur l’octroi d’une des mesures d’aménagement de peine prévues aux articles 712-6 et 712-7 du code de procédure pénale (placement à l’extérieur, semi-liberté, fractionnement et suspension de peine, libération conditionnelle, placement sous surveillance électronique), peuvent, à la demande du condamné, le relever en tout ou partie, dans le même jugement, d’une interdiction professionnelle résultant de plein droit d’une condamnation pénale ou prononcée à titre de peine complémentaire (CPP, art. 712-22, al. 1 nouveau). Il peut s’agir d’une interdiction :
soit d’exercer une fonction publique ou une activité professionnelle ou sociale ;
soit d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. Cette mesure « n’opère pas un transfert de contentieux des juridictions de jugement vers le JAP mais donne une nouvelle compétence à ce magistrat pour faciliter l’octroi des aménagements de peines », souligne la chancellerie (circulaire du 1er décembre 2009).
La décision de relèvement d’une interdiction professionnelle peut aussi être prise par le JAP préalablement à l’octroi d’une mesure d’aménagement de peine afin de permettre ultérieurement son prononcé (CPP, art. 712-22, al. 2 nouveau). Les juridictions de l’application des peines peuvent enfin exclure du bulletin n° 2 du casier judiciaire les condamnations qui font obstacle au projet d’aménagement de peine (CPP, art. 712-22, al. 3 nouveau).
Selon le rapporteur au Sénat, ces dispositions éviteront au condamné d’engager une procédure distincte de relèvement de l’interdiction et favoriseront sa réinsertion (Rap. Sén. n° 143, Lecerf, page 170).
La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a introduit dans le code de procédure pénale les articles 723-15 à 723-28 qui prévoient des procédures spécifiques destinées à faciliter le recours aux aménagements de peines pour les personnes condamnées à de courtes peines d’emprisonnement, qu’elles soient libres ou incarcérées. La loi pénitentiaire a réécrit en profondeur ces dispositions afin de rendre leur mise en œuvre plus aisée. Dans ce cadre, elle a institué deux procédures simplifiées d’aménagements de peines, « dont l’objet est de permettre le prononcé de ces mesures en l’absence de débat contradictoire », explique l’exposé des motifs de la loi. Toutefois, ces procédures ne seront pas exclusives de la procédure de droit commun fixée aux articles 712-4 (saisine du JAP par le condamné ou le procureur de la République, ou auto-saisine) et 712-6 (possibilité de décider d’un aménagement de peine sans débat contradictoire en cas d’accord du procureur de la République et du condamné) du code de procédure pénale (CPP, art. 723-14, al. 1 et 2 modifiés).
Un décret doit encore préciser les modalités et les conditions d’application de ces procédures simplifiées, mais certaines dispositions sont d’ores et déjà applicables.
La loi pénitentiaire prévoit que les personnes non incarcérées condamnées à une peine d’emprisonnement égale ou inférieure à 2 ans – au lieu de 1 an auparavant (7) – ou pour lesquelles la durée de la détention restant à subir est inférieure ou égale à 2 ans, ou encore pour lesquelles, en cas de cumul de condamnations, le total des peines prononcées ou restant à subir est inférieur ou égal à 2 ans, pourront bénéficier, « dans la mesure du possible et si leur personnalité et leur situation le permettent », d’une mesure de semi-liberté, d’un placement à l’extérieur, d’un placement sous surveillance électronique, d’un fractionnement ou d’une suspension de peine, d’une libération conditionnelle ou encore de la conversion de la peine en sursis assorti de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général ou en une peine de jours-amende (8). Les durées de 2 ans ci-dessus énoncées sont ramenées à 1 an pour les condamnés en état de récidive légale (CPP, art. 723-15, al. 1 modifié). Même si un décret doit encore préciser les modalités de mise en œuvre de cette disposition, la chancellerie indique néanmoins que « l’élévation de 1 à 2 ans, sauf en cas de récidive, du seuil d’emprisonnement » est d’ores et déjà applicable (circulaire du 1er décembre 2009).
Préalablement à la mise à exécution de la ou des condamnations, le ministère public devra informer le juge de l’application des peines de cette ou de ces décisions en lui adressant toutes les pièces utiles, parmi lesquelles une copie de la ou des décisions et le bulletin n° 1 du casier judiciaire du condamné (9) (CPP, art. 723-15, al. 2 modifié).
Afin de déterminer les modalités d’exécution de la peine les mieux adaptées à sa personnalité et à sa situation matérielle, familiale et sociale, le condamné sera convoqué successivement devant le JAP et le SPIP dans des délais qui ne pourront respectivement excéder 30 et 45 jours à compter de leur information par le ministère public (CPP, art. 723-15, al. 3 modifié). Selon l’exposé des motifs, cette disposition devrait permettre une « meilleure articulation et une meilleure coordination dans les interventions du juge et du service ». Si, à l’issue de la convocation, une mesure d’aménagement de peine ou de conversion de peine s’avère possible et si l’intéressé y adhère, le JAP ordonnera son exécution après ou sans la tenue d’un débat contradictoire. S’il ne dispose pas d’éléments suffisants pour l’ordonner, il pourra charger le service pénitentiaire d’insertion et de probation d’examiner les modalités d’exécution de la décision qu’il envisage de prendre et, le cas échéant, de lui présenter une autre proposition d’aménagement de peine dans un délai de 2 mois à compter de sa saisine (CPP, art. 723-15-1 nouveau). Si le condamné ne souhaite pas bénéficier de la mesure proposée ou si, au vu du rapport motivé du SPIP, un tel aménagement ne lui paraît pas possible, le JAP pourra fixer la date d’incarcération (CPP, art. 723-15-2, al. 1 nouveau).
Le ministère public pourra ramener la peine à exécution dans les situations suivantes (CPP, art. 723-15-2, al. 2 et 3 nouveaux et art. 723-16, al. 1 modifié) :
à défaut de décision du JAP dans les 4 mois suivant la communication de la copie de la décision de la juridiction de jugement ;
en cas d’urgence motivée soit par un risque de danger pour les personnes ou les biens établi par la survenance d’un fait nouveau, soit par l’incarcération de la personne dans le cadre d’une autre procédure, soit – ce qui est nouveau – par le risque avéré de fuite du condamné. Cette dernière précision est d’ores et déjà applicable, a souligné le ministère de la Justice dans une circulaire du 1er décembre 2009 ;
lorsque l’intéressé ne se présente pas aux convocations en dehors de tout motif légitime ou exercice des voies de recours.
Afin de favoriser l’aménagement des peines d’emprisonnement en fin d’exécution et d’éviter les sorties sèches, facteurs de récidive, la loi pénitentiaire aménage la procédure permettant aux détenus condamnés à de courtes peines de bénéficier, sous certaines conditions, d’une semi-liberté, d’un placement à l’extérieur, d’un placement sous surveillance électronique ou d’une libération conditionnelle selon une procédure simplifiée. Seront concernés les détenus condamnés à une ou des peines d’emprisonnement dont le cumul sera inférieur ou égal à 2 ans, ou à 5 ans et dont le reliquat de peine sera inférieur ou égal à 2 ans. Les durées de 2 ans seront réduites à 1 an si le condamné est en état de récidive légale (CPP, art. 723-19 nouveau).
En pratique – et comme c’était le cas jusqu’alors –, le directeur du SPIP devra examiner « en temps utile » le dossier de chacun des condamnés en fin de peine afin de déterminer, après avis du chef de l’établissement pénitentiaire, la mesure d’aménagement de peine la plus adaptée à sa personnalité et à sa situation matérielle, familiale et sociale. « Sauf en cas d’absence de projet sérieux de réinsertion ou d’impossibilité matérielle de mettre en place une mesure d’aménagement », le directeur du SPIP, après avoir obtenu l’accord du condamné à la mesure qui lui est proposée, devra adresser au procureur de la République, en vue de la saisine du JAP, une proposition d’aménagement, comprenant le cas échéant une ou plusieurs obligations et interdictions de l’article 132-45 du code pénal (s’abstenir d’exercer l’activité professionnelle dans l’exercice ou au cours de laquelle l’infraction a été commise, s’abstenir de paraître en tout lieu spécialement désigné, accomplir un stage de citoyenneté…). A défaut, il devra lui adresser, ainsi qu’au juge, un rapport motivé expliquant pourquoi il n’est pas possible de proposer un aménagement de peine et en informer le condamné (CPP, art. 723-20, al. 1 nouveau).
S’il estime la proposition d’aménagement justifiée, le procureur de la République la transmettra pour homologation au JAP, qui disposera, comme avant, d’un délai de 3 semaines à compter de la réception de la requête le saisissant pour décider de la suite à donner à cette demande (CPP, art. 723-20, al. 2 nouveau). A défaut de réponse du juge dans ce délai, le directeur du SPIP pourra, sur instruction du procureur de la République, ramener à exécution la mesure d’aménagement (CPP, art. 723-24 modifié). Une décision qui n’est pas susceptible de recours.
S’il pense que la proposition est injustifiée, le procureur de la République en informera également le JAP – ainsi que le condamné – en lui transmettant cette proposition. Toutefois, le juge de l’application des peines pourra quand même ordonner un aménagement de peine, d’office ou à la demande du condamné, à la suite d’un débat contradictoire (CPP, art. 723-20, al. 3 nouveau).
A noter : afin de préparer la mesure d’aménagement des condamnés en fin de peine, le directeur du SPIP pourra, selon la même procédure, adresser au procureur de la République, aux fins de saisine du juge de l’application des peines, une proposition de permission de sortir (CPP, art. 723-27 modifié).
Pour les peines d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à 5 ans, lorsqu’aucune mesure d’aménagement n’a été ordonnée 6 mois avant la date d’expiration de la peine, tout condamné à qui il reste 4 mois à subir ou, pour les peines inférieures ou égales à 6 mois, auquel il reste les 2/3 de la peine à subir, exécutera le reliquat de sa peine sous surveillance électronique. Toutefois, cette modalité ne pourra être mise en œuvre en cas d’impossibilité matérielle, de refus de l’intéressé, d’incompatibilité entre sa personnalité et la nature de la mesure ou de risque de récidive (CPP, art. 728, al. 1 modifié).
Il appartiendra au directeur du SPIP, sous l’autorité du procureur de la République, de mettre en œuvre la mesure de placement sous surveillance électronique. Il pourra dans ce cadre fixer les mesures de contrôle et les obligations prévues aux articles 132-44 (répondre aux convocations du JAP ou du travailleur social désigné, prévenir ce dernier des changements d’emploi…) et 132-45 (exercer une activité professionnelle ou suivre une formation, établir sa résidence en un lieu déterminé…) du code pénal, auxquelles la personne condamnée devra se soumettre (CPP, art. 728, al. 2 modifié).
En l’absence de décision de placement sous surveillance électronique, l’intéressé pourra saisir le juge de l’application des peines pour qu’il statue par jugement après débat contradictoire (CPP, art. 728, al. 3).
« Ces dispositions ne sont pour l’instant pas applicables » et ne le seront qu’à la date qui sera fixée par leur décret d’application (10) (circulaire du 1er décembre 2009).
À SUIVRE…
DANS CE NUMERO
I. Les mesures relatives aux aménagements de peines
A. Le renforcement du recours à ces mesures
B. La mise en place de procédures simplifiées
C. L’exécution des fins de peines sous surveillance électronique
DANS UN PROCHAIN NUMERO
II. Les dispositions concernant les alternatives à la détention
III. Les aménagements apportés aux régimes de détention
Loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 et décision du Conseil constitutionnel n° 2009-593 DC du 19 décembre 2009, J.O. du 25-11-09.
Articles D. 32-4 à D. 32-31 nouveaux du code de procédure pénale (issus du décret n° 2010-355 du 1er avril 2010, J.O. du 3-04-10).
Articles R. 131-13, R. 131-16, R. 131-17 et R. 131-19 modifiés du code pénal (issus du décret n° 2010-671 du 18 juin 2010, J.O. du 20-06-10).
Note du 25 novembre 2009, non publiée.
Circulaire Crim-09-15/E8 du 1er décembre 2009, B.O.M.J.L. n° 2009-06 du 31-12-09.
Circulaire Crim-10-9/E8 du 18 mai 2010, B.O.M.J.L. n° 2010-03 – du 31-05-10.
Circulaire NOR : JUSD1019268C du 19 juillet 2010, B.O.M.J.L. n° 2010-05 du 30-07-10.
Quelques semaines avant que n’intervienne le vote de la loi pénitentiaire, la garde des Sceaux a diffusé à ses services une circulaire relative à l’exécution et à l’aménagement des peines, dans laquelle elle leur demandait notamment de « poursuivre une politique diversifiée de l’offre d’écrou sans hébergement ». « Afin de permettre au plus grand nombre de condamnés, y compris ceux présentant des personnalités complexes, de bénéficier de la mesure d’aménagement la mieux adaptée », indiquait Michèle Alliot-Marie, il convient de développer les mesures de semi-liberté, du placement extérieur ou de la libération conditionnelle. Dans cette perspective, rappelait-elle, la direction de l’administration pénitentiaire a créé un répertoire des structures d’aménagement de peine permettant une bonne connaissance des moyens concrets dont les acteurs judiciaires et pénitentiaires disposent dans leur ressort. Plus précisément, cet outil a vocation à :
contribuer au développement des aménagements de peines ;
favoriser l’individualisation de l’aménagement de la peine en augmentant les choix à disposition des conseillers d’insertion et de probation (CIP) et en améliorant la qualité de l’échange avec le condamné ;
faire gagner du temps aux CIP dans leur recherche d’informations en leur permettant, à n’importe quel moment, de connaître l’ensemble des structures existant sur le territoire et correspondant aux critères du dossier du condamné ;
améliorer la communication sur les structures existantes non utilisées et, en conséquence, développer les mesures non prononcées par manque d’information.
LA LEVÉE DES OBSTABLES ADMINISTRATIFS AU PRONONCÉ DES AMÉNAGEMENTS DE PEINES (ART. 74 DE LA LOI)
En vertu de l’article 712-6, alinéas 1 et 2 du code de procédure pénale (CPP), les jugements concernant les mesures de placement à l’extérieur, de semi-liberté, de fractionnement et de suspension des peines, de placement sous surveillance électronique et de libération conditionnelle sont rendus, après avis de l’administration pénitentiaire, à l’issue d’un débat contradictoire, au cours duquel le juge de l’application des peines (JAP) entend les réquisitions du ministère public et les observations du condamné ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat. Et le JAP peut, avec l’accord du procureur de la République et du condamné ou de son avocat, octroyer l’une de ces mesures sans procéder à un débat contradictoire.
La loi pénitentiaire permet aussi au JAP de décider d’office, ou à la demande du condamné ou du ministère public, de renvoyer l’affaire devant le tribunal de l’application des peines. Une décision constitutive d’une mesure d’administration judiciaire non susceptible de recours (CPP, art. 712-6, al. 3 nouveau). Cette disposition doit permettre d’« éviter que la complexité [de certains dossiers] ne constitue un frein à l’octroi d’une mesure d’aménagement de peine », a expliqué Jean-René Lecerf, rapporteur de la loi au Sénat (Rap. Sén. n° 143, Lecerf, page 161).
L’AMÉNAGEMENT DE PEINE EN CAS D’INFRACTIONS VIOLENTES OU DE NATURE SEXUELLE (ART. 77)
Lorsqu’elles concernent les infractions violentes ou de nature sexuelle prévues à l’article 706-47 du code de procédure pénale (11), les expertises psychiatriques ordonnées préalablement aux mesures d’aménagement des peines doivent se prononcer spécialement sur le risque de récidive du condamné (CPP, art. 712-21 modifié). Cette exigence ne concerne toutefois que les expertises ordonnées après le 25 novembre 2009 – date de publication de la loi pénitentiaire –, précise le ministère de la Justice (circulaire du 1er décembre 2009).
(2) Rappelons que, dans le cadre de la prévention des suicides, la ministre de la Justice et des Libertés a plaidé, en janvier 2010, pour le développement des activités offertes aux détenus, l’objectif étant de « proposer cinq heures d’activité par jour à chaque détenu » – Voir ASH n° 2643 du 22-01-10, p. 14.
(3) Il s’agit du programme de construction de places dans les établissements pénitentiaires lancé en 2002, qui prévoit de créer 13 200 places supplémentaires d’ici à 2012.
(5) Le projet de loi initial visait les personnes de plus de 75 ans.
(6) Pour pouvoir prétendre à une libération conditionnelle, le condamné doit avoir exécuté une durée de peine au moins égale à la durée de la peine restant à subir ou, en cas de récidive légale, à une peine au moins égale au double de la durée de la peine restant à subir, le temps d’épreuve ne pouvant excéder respectivement 15 ans ou 20 ans. Pour les condamnés à la réclusion à perpétuité, le temps d’épreuve est de 18 ans ou de 22 ans en état de récidive légale.
(7) Selon les députés, cette extension ne devrait toutefois avoir qu’un « faible impact quantitatif puisque l’étude d’impact annexée au projet de loi fait état, pour l’année 2006, de 105 509 condamnations à une peine ferme inférieure ou égale à un 1 an et de 7 058 à une peine comprise entre 1 et 2 ans, soit une augmentation d’environ 7 % » (Rap. A.N. n° 1899, septembre 2009, Garraud, page 336).
(8) Il s’agit, pour le condamné, de verser au Trésor public une somme dont le montant global (1 000 € au maximum) résulte de la fixation par le juge d’une contribution quotidienne pendant 360 jours au maximum, qui tient compte des circonstances de l’infraction et est fixée en fonction des ressources et des charges du condamné. A défaut de paiement total ou partiel, le juge prononce l’incarcération de l’intéressé pour une durée égale au nombre de jours-amende impayés.
(9) Ce bulletin comporte l’ensemble des condamnations et des décisions contenues dans le casier judiciaire et n’est destiné qu’aux seules autorités judiciaires.
(10) Signalons que le projet de ce décret est dénoncé par le Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire (Snepap)-FSU au motif qu’il remet en cause le caractère automatique du placement sous surveillance électronique en fin de peine. D’après le texte, explique le syndicat dans un tract du 19 octobre, le directeur du SPIP n’aurait à transmettre au procureur de la République que les dossiers pour lesquels il estime que la personne détenue peut sortir sous ce régime.
(11) C’est-à-dire les infractions de meurtre ou d’assassinat d’un mineur précédé ou accompagné d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie ou pour les infractions d’agression ou d’atteintes sexuelles ou de proxénétisme à l’égard d’un mineur, ou de recours à la prostitution d’un mineur.