Recevoir la newsletter

Réforme de la garde à vue : les principales dispositions du projet de loi

Article réservé aux abonnés

Présenté le 13 octobre en conseil des ministres, le projet de loi relatif à la garde à vue – premier volet de la refonte globale de la procédure pénale – répond, selon le gouvernement, à deux objectifs : « maîtriser le nombre de gardes à vue, en constante augmentation depuis plusieurs années » (plus de 800 000 cette année) et « accroître de manière significative les droits des personnes gardées à vue, notamment le droit à l’assistance d’un avocat ». Ce texte tire les conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet dernier, qui a jugé les règles entourant la garde à vue contraires à la Constitution (1), une position confortée par de récents arrêts de la Cour de cassation (2) et de la Cour européenne des droits de l’Homme (3). La loi doit entrer en vigueur au plus tard le 1er juillet 2011, date butoir fixée par le Conseil constitutionnel.

La création d’une audition libre

Le projet de loi pose tout d’abord le principe de l’audition libre du suspect (4), le placement en garde à vue devenant une exception strictement encadrée (voir ci-dessous). Ainsi, la personne soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction, présumée innocente, demeure libre lors de son audition par les enquêteurs. En pratique, cette solution pourra être retenue « pour les délits mineurs, lorsqu’il n’y a pas de risque de déperdition de preuve ni de fuite », a indiqué la ministre de la Justice et des Libertés lors de l’assemblée générale extraordinaire du Conseil national des barreaux, le 15 octobre. Le consentement de la personne à son audition devra être recueilli après qu’elle a été informée par l’officier de police judiciaire (OPJ) de la nature et de la date présumée de l’infraction dont elle est soupçonnée. Et devra être renouvelé à chaque nouvelle audition. « Le régime d’audition libre est par nature une possibilité offerte, mais non une obligation. Si une personne suspectée veut un avocat, il lui suffit de refuser d’être entendue en audition libre », a assuré Michèle Alliot-Marie, précisant que l’intéressé sera alors placé en garde à vue et pourra bénéficier de l’assistance d’un avocat. A tout moment, la personne entendue pourra mettre fin à son audition.

Le caractère subsidiaire de la garde à vue

Avec l’instauration de l’audition libre, la garde à vue devrait devenir une mesure de contrainte exceptionnelle. En matière délictuelle, stipule le projet de loi, elle ne pourra être prononcée que dans les cas où une peine d’emprisonnement est encourue et lorsqu’elle constituera l’unique moyen de parvenir à l’un ou plusieurs des objectifs suivants :

 permettre l’exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ;

 garantir la présentation de cette personne devant le procureur de la République afin de le mettre en mesure d’apprécier la suite à donner à l’enquête ;

 empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;

 empêcher qu’elle ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ;

 empêcher qu’elle ne se concerte avec d’autres personnes susceptibles d’être ses coauteurs ou complices ;

 garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser l’infraction.

Selon le projet de loi, seul un officier de police judiciaire peut, d’office ou – c’est une nouveauté – sur instruction du procureur de la République, placer une personne en garde à vue, pour une durée de 24 heures (sans changement). Celle-ci pourrait être à l’avenir prolongée pour la même durée, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, si l’infraction dont la personne est soupçonnée est un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à un an et si la prolongation de la mesure est l’unique moyen de parvenir à l’un ou plusieurs des objectifs énumérés ci-dessus. A l’issue de la garde à vue, la personne sera, sur instruction du procureur de la République, soit remise en liberté, soit déférée devant ce magistrat.

Les droits des gardés à vue

Selon le projet gouvernemental, la personne placée en garde à vue devra dans tous les cas être immédiatement informée par un OPJ, dans une langue qu’elle comprend, des points suivants (5): de son placement en garde à vue ainsi que de la durée de cette mesure ; de la nature et de la date présumée de l’infraction qui lui est reprochée ; du droit de faire prévenir un proche et – alors qu’aujourd’hui, il s’agit d’une alternative – son employeur, d’être examinée par un médecin et de bénéficier de l’assistance d’un avocat (6). En outre, le projet de loi rétablit l’obligation de notifier à la personne son droit à garder le silence.

Par ailleurs, les règles concernant le droit à l’assistance d’un avocat sont « profondément remaniées afin d’accroître les droits de la défense », souligne l’exposé des motifs du projet de loi. Une personne pourra, comme aujourd’hui, demander l’assistance d’un avocat dès le début de sa garde à vue. Avocat avec lequel elle pourra s’entretenir pendant une durée de 30 minutes au maximum. Si la garde à vue est prolongée, la personne pourra de nouveau demander à converser avec son avocat dès le début de cette prolongation, ce qui est une nouveauté. Le texte donne aussi un rôle plus actif et efficace à l’avocat puisque, contrairement à la pratique actuelle, celui-ci pourra, à sa demande, consulter le procès-verbal établi lors du placement en garde à vue de son client ainsi que les procès-verbaux d’audition. En outre, il pourra assister aux auditions de la personne placée en garde à vue. Toutefois, précise le projet de loi, à la demande de l’OPJ, le procureur de la République pourra différer la présence de l’avocat lors des auditions pendant une durée maximale de 12 heures (7) lorsque cette mesure paraît « indispensable, en considération des circonstances particulières de l’enquête, soit pour permettre le bon déroulement des investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes ». « Il s’agira donc en pratique d’hypothèses exceptionnelles », a indiqué la garde des Sceaux lors du conseil des ministres du 13 octobre.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit que « seules peuvent être imposées à la personne gardée à vue les mesures de sécurité strictement nécessaires », mesures qui seront précisées par un arrêté. Quoi qu’il en soit, elles ne pourront pas consister en une fouille à corps intégrale, indique le texte, sous réserve des « nécessités de l’enquête ».

Notes

(1) Voir ASH n° 2670 du 20-08-10, p. 23.

(2) Dans trois arrêts de principe du 19 octobre, la Haute Juridiction a déclaré non conformes au droit européen les dispositions limitant la présence de l’avocat en garde à vue, y compris pour les régimes dérogatoires (criminalité organisée, terrorisme, stupéfiants).

(3) Dans l’arrêt « Brusco » du 14 octobre dernier, la cour a condamné la France pour non-respect des règles du procès équitable prévues à l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Elle a notamment estimé que les gardés à vue devaient pouvoir bénéficier de l’assistance d’un avocat pendant toute la durée de leur retenue et que le droit au silence devait leur être notifié. Deux points qui ne sont jusqu’à présent pas garantis par le code de procédure pénale – Arrêt disponible sur www.echr.coe.int.

(4) Dans des communiqués du 14 octobre, le Syndicat de la magistrature et le Conseil national des barreaux critiquent cette mesure au motif que le projet de loi ne prévoit dans ce cadre ni le droit au silence, ni l’assistance effective par un avocat.

(5) Si la personne est atteinte de surdité et illettrée, elle devra être assistée d’un interprète en langue des signes ou par toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec elle.

(6) Selon le projet de loi, « sauf cas de circonstance insurmontable », le gardé à vue devra avoir été mis en mesure d’exercer ces droits « au plus tard dans un délai de trois heures » à compter du moment où il en a formulé la demande.

(7) Réagissant aux critiques de la Cour de cassation, la ministre de la Justice a indiqué, dans un communiqué du 19 octobre, qu’elle modifierait le projet de loi, par voie d’amendement, afin d’y introduire « la nécessité de motiver au cas par cas le report de la présence de l’avocat pour une raison impérieuse, et non pas seulement en raison de la nature de l’infraction ».

Dans les textes

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur