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Les conseils de la Miviludes aux intervenants sociaux pour repérer et protéger les mineurs en danger sectaire

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Plusieurs mois après avoir, dans son dernier rapport annuel, déploré que les acteurs de la protection de l’enfance soient mal armés face au risque sectaire faute d’une « information circonstanciée et évolutive » (1), la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a publié, le 14 octobre, un guide de la protection des mineurs contre les dérives sectaires (2) qui explique comment définir, déceler, signaler ces dérives et y remédier. Edité à 4 000 exemplaires, ce document de 120 pages est destiné, entre autres, aux services de protection maternelle et infantile, aux personnels éducatifs, aux maires… mais aussi et surtout aux « professionnels de l’action sociale » (3) à qui, en particulier, la Miviludes donne quelques clés pour repérer le risque sectaire et aider les mineurs et leurs familles. Evoquant par ailleurs la problématique du « secret partagé », le guide insiste sur la nécessité, pour les différents acteurs chargés de la protection de l’enfance, de partager entre eux des informations afin de pouvoir diagnostiquer le risque sectaire.

Savoir repérer les indices

Pour la mission interministérielle, la vigilance doit porter tant sur le contexte sectaire favorable à l’émergence d’une dérive sectaire que sur la dérive sectaire elle-même, lorsqu’elle est avérée. Le guide opère à cet égard une distinction entre les indices du contexte sectaire, d’une part, et les éléments révélateurs d’une dérive sectaire, d’autre part. Les premiers sont des indicateurs de risque et permettent donc de mettre en relief des éléments susceptibles d’indiquer un contexte favorable à l’émergence d’une dérive sectaire. Ils ne constituent pas à eux seuls des preuves d’une dérive avérée mais forment un faisceau d’informations susceptibles d’être recueillies et qui doivent contribuer à éveiller l’attention des acteurs engagés dans la protection de l’enfance. Ils participent du processus d’évaluation de la situation du mineur mais ne s’y substituent pas et ne suffisent pas à déclencher un signalement.

Les éléments révélateurs d’une dérive sectaire ne se réfèrent en revanche pas à un danger potentiel mais à une maltraitance avérée touchant un mineur au sens de l’article 375 du code civil. Ils peuvent donc donner lieu à un signalement immédiat de la part des différents acteurs susceptibles de les déceler. Bien que similaires à ceux de la maltraitance que chaque professionnel peut repérer grâce aux outils et aux bonnes pratiques qu’il utilise dans l’exercice de ses missions, « ils s’inscrivent néanmoins dans un contexte particulier qu’il convient de repérer afin de réagir adéquatement à la situation du mineur », explique la Miviludes.

Le guide fournit plusieurs exemples d’indices de contexte sectaire inquiétants et d’éléments révélateurs d’une dérive sectaire, en particulier dans les domaines de la santé, de l’éducation et du développement affectif et social de l’enfant.

Adopter une attitude de « neutralité active »

Amenés à évaluer des situations de danger liées à un contexte sectaire, les professionnels de l’action sociale peuvent « être déstabilisés par les cas singuliers auxquels ils risquent d’être confrontés, notamment lorsque ces situations induisent une remise en cause des normes et valeurs habituellement reconnues au sein du domaine socio-éducatif », explique la mission. Face à ces difficultés d’appréhension du phénomène sectaire, « certains écueils récurrents doivent être évités afin […] de réagir au plus juste face à la situation de danger impliquant des mineurs ». Le professionnel doit par exemple éviter de se laisser entraîner sur le terrain des croyances religieuses. Il peut se retrouver dans cette situation face à une famille dans laquelle « telle pratique alimentaire, telles obligations, tel rythme de vie imposés aux enfants » lui sont présentés comme découlant d’une adhésion religieuse « et ne pouvant donc, à ce titre, être mis en question ni modifiés ». « Ce ne sont pourtant pas les croyances ou les convictions des familles qui doivent être objet d’évaluation mais bien les pratiques susceptibles de mettre en danger le mineur », indique le guide. « Le professionnel intervenant dans un tel contexte doit donc prendre garde à fonder son discours et ses actions sur l’évaluation de ces pratiques, au-delà de toute prise de position impliquant un jugement de valeur sur les convictions des parents. » Il doit également « se prémunir contre les tentatives d’instrumentalisation du thème de la liberté de croyance par les familles pour justifier des pratiques objectivement dangereuses pour le mineur ». « Ignorer ou minimiser la problématique de l’emprise sectaire », « dramatiser le contexte », « céder à la fascination » sont les autres écueils à éviter, également présentés dans le guide.

La Miviludes en est convaincue : la prise de conscience de ces écueils doit permettre au professionnel de l’action sociale d’adopter une « attitude de neutralité active » : « ni ignorant de la problématique de l’emprise, ni tétanisé ni fasciné par la situation qu’il doit évaluer, le professionnel est alors susceptible dedéceleret d’évaluer avec discernement les différents indices d’un danger de dérive sectaire pouvant toucher le mineur ».

La mission interministérielle dresse également, au passage, une typologie des cas les plus fréquents pour lesquels les professionnels de l’action sociale peuvent être conduits à intervenir : mineurs délaissés du fait de l’emprise sur les parents ; mineurs mis en danger par les pratiques des parents à leur égard ; mineurs confiés par leurs parents au leader ou à l’organisation ; mineurs isolés suite à leur sortie d’une communauté fermée.

La nécessité du « secret partagé »

La mission insiste, par ailleurs, sur la nécessité du « secret partagé » entre les acteurs de la protection de l’enfance pour appréhender le risque de dérive sectaire. Celui-ci ne peut en effet « être appréhendé par un professionnel isolé et limité dans son jugement par des informations parcellaires », écrit-elle. « Un juste diagnostic n’est possible que dans l’interdisciplinarité de différents acteurs capables de croiser leurs regards et leurs compétences afin d’établir un faisceau d’indices concordants et significatifs », insiste-t-elle encore.

Sur le plan de la méthode, la Miviludes estime que le diagnostic d’un risque de dérive sectaire suppose d’« être informé, en amont, de la problématique de l’emprise et du risque sectaire », de « disposer de suffisamment d’informations précises et fiables », et d’« échanger regards et points de vue sur ces informations entre professionnels de la protection de l’enfance ». Ce diagnostic ne peut donc constituer le point de départ de l’évaluation de la situation d’un mineur mais doit, au contraire, « naître a posteriori, au bout de la chaîne, lorsque les informations ont été vérifiées, discutées et replacées dans un contexte évaluatif au sein duquel elles prennent sens ».

Quels types d’informations échanger ? La Miviludes donne trois conseils à cet égard. En premier lieu, les professionnels ne doivent pas caractériser la situation de l’enfant ni tel élément isolé de « sectaire », ni évoquer la présence d’une « secte » pour justifier d’une action sociale ou administrative. Ils doivent par ailleurs s’en tenir aux faits en se fondant sur les éléments susceptibles de porter atteinte au mineur au sens de l’article 375 du code civil. Enfin, ils doivent s’attacher à décrire les indices d’un contexte sectaire.

Pour la mission interministérielle, « en se fondant sur cette méthodologie et ce type de contenu, le professionnel de la protection de l’enfance doit être en mesure d’éviter les jugements de valeur, de discerner et de décrire factuellement le risque de dérive sectaire auquel l’enfant peut être confronté ».

Notes

(1) Voir ASH n° 2655 du 16-04-10, p. 6.

(2) Disp. sur www.miviludes.gouv.fr.

(3) Il s’agit des « professionnels de l’action sociale » visés par l’article 8 de la loi du 5 mars 2007, c’est-à-dire « les travailleurs sociaux chargés de l’accompagnement ou du suivi des personnes ou des familles en difficulté » (assistants de service social, éducateurs spécialisés, conseillers en économie sociale et familiale, techniciens de l’intervention sociale familiale, aides à domicile, assistants familiaux), les médiateurs sociaux en contact direct avec les personnes (agents locaux de médiation sociale, agents de médiation sociale et culturelle ou « femmes-relais », agents d’ambiance et correspondants de nuit) ainsi que tous les professionnels de l’action sociale qui interviennent au service des familles (les assistants maternels par exemple).

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