La réforme de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), annoncée lors de la conférence nationale du handicap en 2008 par Nicolas Sarkozy, « demeure, à ce jour, au milieu du gué et […] n’a pas produit les effets escomptés », estiment également les trois sénateurs, qui formulent neuf propositions pour donner un « nouveau souffle » à la réforme.
« Alors qu’elle constitue le cœur du pacte national pour l’emploi des personnes handicapées voulu par le président de la République, les principaux éléments de la réforme de l’AAH intégrés à la loi de finances pour 2009 [1] ne sont à ce jour que partiellement appliqués », indiquent Albéric de Montgolfier, Auguste Cazalet et Paul Blanc. Selon eux, une grande partie du retard est due à un manque de préparation et d’organisation en amont. « Mais il semble également que les contours juridiques de la réforme ne soient pas encore stabilisés. » Ce qui pourrait également expliquer que le décret sur la notion de restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi – attendu depuis 2007 –, et ceux sur les modalités de la déclaration trimestrielle de ressources et sur les conditions de cumul des revenus d’activité avec l’AAH ne soient toujours pas parus. Ils estiment en outre « indispensable d’achever de traduire dans la loi le changement d’approche voulu par le président de la République », à savoir : mesurer la faculté des personnes handicapées à exercer une activité professionnelle au lieu de leur attribuer un taux d’incapacité qui conditionne la perception de l’AAH. Parallèlement, il faut aussi définir les rôles des différents acteurs du secteur de l’insertion professionnelle, ainsi que chiffrer et financer les moyens humains supplémentaires nécessaires pour assurer l’évaluation des capacités professionnelles des personnes handicapées et leur accompagnement vers l’emploi, plaident les sénateurs.
La mise en œuvre de la réforme nécessite également l’élaboration préalable d’un outil pour évaluer l’employabilité des demandeurs d’AAH, rappellent les trois parlementaires. Le rapport « Busnel », remis en janvier 2010 au ministre et à la secrétaire d’Etat chargés de la solidarité, a esquissé les contours de cet outil d’évaluation de l’employabilité (2). Certes, les principes fixés donnent des orientations aux acteurs de l’insertion professionnelle des personnes handicapées… Mais ils ne permettent pas de construire un outil d’évaluation a priori des capacités professionnelles d’un individu. Les sénateurs s’opposent en outre à la création d’une allocation transitoire de soutien à l’insertion professionnelle, préconisée par ce rapport, et visant à sécuriser financièrement le parcours d’insertion des demandeurs de l’AAH durant la période de mise en situation et d’évaluation des capacités professionnelles. Plusieurs arguments plaident en ce sens : l’absence d’informations précises quant au montant et à la durée maximale de versement de cette allocation, une aggravation des risques de confusion des publics éligibles à l’AAH et au revenu de solidarité active qui seraient susceptibles de la percevoir. Les sénateurs sont revanche favorables à l’expérimentation dès 2011 d’autres propositions du rapport « Busnel », en particulier celles relatives à l’évaluation des capacités et des compétences professionnelles et à l’orientation des personnes handicapées.
Avis défavorable du Conseil national consultatif des personnes handicapées sur le projet de décret, réticence des associations, seulement 10 % des allocataires concernés dans un premier temps et un faible montant d’économies attendues (environ 20 millions d’euros) : au vu des contraintes qu’elle représente pour les personnes handicapées, les sénateurs recommandent au gouvernement de renoncer temporairement à la déclaration trimestrielle de ressources. Rappelons que cette mesure a déjà subi un premier report du 1er juin 2010 au 1er janvier 2011, le décret nécessaire à sa mise en œuvre n’étant pas paru dans les temps.
Pour favoriser l’activité professionnelle des bénéficiaires de l’AAH, les sénateurs plaident pour la mise en place de mesures plus incitatives à l’égard des entreprises de moins de 20 salariés ainsi que pour le développement de partenariats entre les grands groupes, l’Agefiph et les organismes de placement spécialisés.
Signalons enfin que, sans attendre la reprise en main du dossier par le gouvernement, le sénateur Paul Blanc devrait déposer le 25 octobre une proposition de loi visant à simplifier les modalités d’attribution de l’AAH et à mieux évaluer les taux d’incapacité…