Après la polémique suscitée par la circulaire du 5 août sur les camps illicites (1), qui mentionnait explicitement les Roms, et un mois après la condamnation de la France par le Parlement européen pour leurs expulsions, l’affaire ne fait que rallumer la mèche. Et met les autorités un peu plus en peine de se défendre de pratiques discriminatoires à l’égard de cette communauté. Quatre associations (2) ont, le 6 octobre, déposé une plainte auprès du procureur de la République du tribunal de grande instance de Paris contre « un fichier de la gendarmerie sur les Roms et les gens du voyage, illégal et non déclaré ». Les plaignants s’appuient sur des documents de l’Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI), datant de 2000 à 2004, destinés à « effectuer une généalogie des familles tsiganes » et, arguent-ils, « démontrant qu’il existe un moyen pour l’OCLDI d’effectuer une compilation des interpellations de Roms par la gendarmerie ». Ces documents attesteraient donc d’un fichier à caractère ethnique et d’une infraction au code pénal.
Malgré les révélations du quotidien Le Monde et du site Rue89, qui font état du terme « Fichier MENS » (pour « minorités ethniques non sédentarisées ») dans les documents officiels, les services de l’Etat nient son existence. Le cabinet du ministre de l’Intérieur a indiqué le 7 octobre qu’il n’avait « pas connaissance d’un tel fichier », tout en précisant que le fichier généalogique détenu par l’OCLDI « a été supprimé le 13 décembre 2007, conformément aux obligations de la loi ». Seule demeure en vigueur, selon lui, « la base de données de suivi des titres de circulation délivrés aux personnes sans domicile ni résidence fixe, base de données autorisée par un arrêté interministériel du 22 mars 1994 et après avis de la CNIL ». Pour le ministère, un seul document, « une note de la gendarmerie nationale, en date du 25 mai 1992, a fait référence à la notion de “minorités ethniques non sédentarisées” ». Il annonce néanmoins avoir demandé au groupe de contrôle et de l’organisation des bases de données de la police et de la gendarmerie, présidé par Alain Bauer, « de procéder à un contrôle des éléments recueillis dans les bases de données de la gendarmerie nationale ». Auditionné par la commission des lois de l’Assemblée nationale le 13 octobre, le général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale, a également démenti l’existence de tout fichier illégal dans ses services et a dénoncé une « tentative de déstabilisation ».
Les associations plaignantes ont par ailleurs saisi la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, ainsi que la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Cette dernière a annoncé le 8 octobre démarrer ses investigations sur le sujet.
(2) La voix des Roms, l’Union française des associations tsiganes, la Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et les gens du voyage et l’Association nationale des gens du voyage catholiques. Elles ont été rejointes par le MRAP.