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Les ERS : un dispositif jugé encore flou

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Destinés aux élèves « perturbateurs », les établissements de réinsertion scolaire suscitent des interrogations, notamment sur la possibilité d’y recourir dans un cadre contraint.

La nouveauté fait naître d’autant plus de réserves qu’elle a pris corps lors d’un discours du chef de l’Etat sur la sécurité, le 20 avril dernier. Désormais, des « établissements de réinsertion scolaire » (ERS) peuvent accueillir, pour une durée d’au moins un an, une trentaine d’élèves de 13 à 16 ans « perturbateurs », ayant fait l’objet de multiples exclusions. Leur objectif : proposer une scolarisation aménagée afin de réinsérer ces jeunes dans un parcours de formation générale, technologique ou professionnelle et de favoriser « l’appropriation des règles du vivre ensemble ». L’équipe, composée d’enseignants et d’assistants d’éducation, peut être complétée par des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), des volontaires du service civique ou encore des éducateurs du conseil général et des intervenants associatifs.

« Une mise à l’écart »

S’il ne se dit pas opposé au principe des internats, le Syndicat national des personnels de l’éducation et du social (SNPES)-PJJ-FSU voit dans ce nouveau dispositif le risque d’une « mise à l’écart ». « Il est d’ailleurs prévu, dans la Seine-Saint-Denis, de “délocaliser” l’accueil en Mayenne et dans la Manche », souligne Maria Inès, co-secrétaire nationale du SNPES. « Au lieu d’étoffer les équipes pluridisciplinaires des collèges, de renforcer les classes-relais, on ouvre des structures coûteuses où prévaut surtout l’apprentissage de la discipline. » Le Syndicat national des assistants sociaux de l’Education nationale (Snasen)-UNSA dénonce en outre le « cadre mal défini » de ces structures. « Les exclusions dépendant du niveau de tolérance des établissements, le profil des élèves accueillis est sujet à interprétation », commente Valérie Robinet, secrétaire générale de l’organisation. Autre critique : la contradiction entre le public accueilli, étiqueté comme très difficile, et le peu de professionnels qualifiés pour l’accompagner. « Les assistants sociaux scolaires qui interviennent dans l’établissement de rattachement seront sollicités, alors qu’il n’y a pas eu de création de postes depuis 2003 ».

Au rectorat de Nice, on insiste pourtant sur la prise en charge globale assurée à l’ERS de Saint-Dalmas-de-Tende (Alpes-Maritimes), inauguré le 13 septembre sous la houlette de l’académie et du conseil général présidé par Eric Ciotti (UMP). L’établissement a obtenu des crédits pour le déplacement d’une psychologue quelques heures par semaine. Il compte un éducateur dont le poste est financé par le conseil général et en attend un autre de la PJJ. Il accueille une quinzaine d’élèves. « Tous n’ont pas des situations déjà identifiées par les assistants sociaux. Il peut s’agir de parents débordés, de difficultés relationnelles à la maison », précise-t-on au rectorat. Certains ont néanmoins déjà bénéficié d’une aide éducative à domicile ou « pourraient faire l’objet d’un contrat de responsabilité parentale ». Si la circulaire de l’Education nationale prévoit que, dans le cas où l’accord du jeune et celui de sa famille ne peuvent être obtenus, « une saisine du juge des enfants peut être engagée afin que celui-ci puisse étudier l’opportunité de prononcer un placement en ERS au titre d’une mesure d’assistance éducative », l’établissement de réinsertion scolaire de Saint-Dalmas-de-Tende a préféré, dans un premier temps du moins, travailler avec le consentement des parents.

Mais sera-ce toujours le cas ? « On peut craindre des dérives », pointe Maria Inès. « Pas un ERS ne va fonctionner comme un autre », renchérit Alain Dru, secrétaire général de la CGT-PJJ, qui s’inquiète du flou qui entoure le statut des élèves accueillis. « Soit les parents ne sont pas dessaisis de leur autorité parentale, soit on impose d’y aller, et c’est une autre stratégie. Que se passe-t-il en cas de non-respect de cette obligation ? » La notion de l’accord parental, selon lui, est en outre relative : « Cela dépend de la façon dont on présente le dispositif aux parents et des menaces de sanction en cas de refus… »

La circulaire de l’Education nationale rend en effet ambigu le positionnement des ERS. Mais pour la DPJJ, les choses sont claires : « Le défaut du consentement parental ne pourra pas directement entraîner la décision de placement dans un ERS par le juge. Il faudra d’abord que les conditions de sa saisine soient réunies, d’après le circuit prévu par la loi du 5 mars 2007 sur la protection de l’enfance, qui doit commencer par une transmission à la cellule de recueil des informations préoccupantes du conseil général », explique Mireille Stissi, chef du bureau des partenariats institutionnels et des territoires. En fonction de l’évaluation de la situation, le conseil général peut effectuer un signalement judiciaire. Puisqu’il peut confier un mineur à un établissement d’éducation ordinaire ou spécialisé, le juge pourrait tout à fait choisir d’ordonner le placement d’un mineur dans un ERS. « Vraisemblablement des cas très exceptionnels », selon la DPJJ.

Prévenir la délinquance ?

Reste que les personnels de la protection judiciaire de la jeunesse s’interrogent encore sur leur place dans le dispositif, alors que la PJJ se recentre sur les mesures pénales. Plutôt qu’une contradiction, il s’agit d’une contribution de l’administration, répond Mireille Stissi, dans le cadre d’un partenariat global avec l’Education nationale, « au dossier de l’absentéisme et du décrochage scolaire, dans sa mission de prévention de la délinquance ». Hormis dans les ERS qui seront rattachés à des établissements de la protection de l’enfance (ce sera notamment le cas, en Ile-de-France, avec les Orphelins apprentis d’Auteuil) (1), la PJJ compte participer à hauteur d’un agent pour 10 ou 15 élèves. La mission de ces personnels, outre leur participation à la prise en charge des jeunes : aider au montage partenarial, jouer « un rôle de jonction » avec les acteurs de la protection de l’enfance, ou encore apporter leur expertise dans la vie de l’institution. L’administration précise ne pas vouloir cantonner ses personnels « au registre de l’autorité et de la gestion des conflits ». Un cahier des charges rédigé avec le ministère de l’Education nationale est en cours de validation. « Quoi qu’il en soit, nous attendons l’évaluation de ce dispositif avec impatience », affirme Valérie Robinet.

Notes

(1) La plupart sont rattachés à un établissement de l’Education nationale ou privé conventionné.

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