Face à l’opposition exprimée cet été par François Fillon à l’ouverture des centres d’injection de drogue (1), l’association « Elus, santé publique et territoires » – qui réunit des élus d’une soixantaine de villes, de tous bords politiques – oppose une approche pragmatique. Pendant un an, elle a mené un séminaire sur le sujet avec des auditions d’experts et d’acteurs de terrain, des visites de salles de consommation à Bilbao (Espagne) et à Genève (Suisse). Les élus s’appuient également sur les recherches de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) commandées par Roselyne Bachelot (2) pour étayer leur argumentation : les centres de consommation, associés à « une palette complète de prise en charge de la toxicomanie », permettent une baisse des contaminations, des infections et des overdoses, un accès aux soins somatiques et psychiques et un accroissement du nombre de sevrages.
Les édiles mettent aussi en avant une diminution des atteintes à l’ordre public et une plus grande tranquillité dans les quartiers voisins des « salles de shoot », par rapport à ceux où la drogue se consomme dehors. « Il ne s’agit pas de sortir les seringues des rues, mais d’accompagner les usagers de drogues pour les tirer hors de l’exclusion », précise Virginie Le Torrec, adjointe au maire de Saint-Denis chargée de la santé. « Le sevrage ne se décrète pas, il se construit. Les politiques qui en ont fait un préalable à toute prise en charge ont montré que cela ne fonctionnait pas », argumente Jean-Marie Le Guen, député (PS) de Paris, adjoint au maire de la capitale. Le 24 septembre, confortés par les résultats de leur séminaire, les élus ont donc réitéré leur demande de pouvoir tester la mise en place de centres de consommation à moindre risque pour les usagers de drogues. Le maire (PS) de Paris, Bertrand Delanoë, et celui (UMP) de Marseille, Jean-Claude Gaudin, se sont dits prêts à en accueillir un, à titre expérimental, dans leur ville.
Pour le conseil régional d’Ile-de-France, ce rapport « va permettre d’ouvrir la discussion et le débat sur un sujet de société extrêmement sensible ». Il entend « consulter tous les groupes politiques. Ce n’est qu’à l’issue de cette concertation que le vote d’un rapport permettant d’aider des communes à installer des centre de consommation de drogue pourrait intervenir. » Le 24 septembre également, 77 députés et sénateurs UMP ont rendu publique une « charte des élus contre les drogues » et se sont ainsi prononcés contre l’expérimentation de « salles de shoot » (3). Ils estiment que « les débats sur la mise en place des centres d’injection nuisent à la lisibilité du message de prévention. La drogue n’est pas une fatalité, l’ambition première doit rester de lutter contre et non de s’en accommoder. » Ces réactions des élus s’ajoutent à la décision du président (UMP) de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, de créer une mission d’information parlementaire sur les toxicomanies (4). Le président du Sénat, Gérard Larcher (UMP) a, lui aussi, annoncé le 29 septembre la mise en place, la semaine prochaine, d’un groupe de travail sur les salles d’injection de drogues. Des initiatives qui rouvrent bel et bien le débat que le Premier ministre avait tenté de clore en août.
(3) Disponible sur