« Si l’année 2010 marque un point haut pour le déficit du régime général de la sécurité sociale [23,1 milliards d’euros], 2011 sera le point de départ du redressement des comptes, sous l’effet conjugué de l’amélioration de la situation économique et des mesures prises dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale [PLFSS] et de la réforme des retraites », a estimé le ministre du Budget et des Comptes publics, le 28 septembre, à l’issue d’une réunion avec la commission des comptes de la sécurité sociale, qui présentait son rapport sur les résultats du régime général 2009 et les prévisions 2010-2011 (1). Selon François Baroin, le déficit du régime général devrait encore se creuser, pour atteindre 28,6 milliards d’euros en 2011. Toutefois, grâce aux mesures correctrices prévues dans le PLFSS pour 2011, également dévoilées le 28 septembre, il devrait finalement s’établir à 21,4 milliards. L’ambition de ce texte est donc de diminuer le déficit du régime général de 25 %, ce qui représente un effort de 7,2 milliards d’euros.
Dans ce cadre, le gouvernement entend tout d’abord raboter les niches fiscales et sociales, « en décidant d’en supprimer ou d’en réduire à hauteur de 10 milliards d’euros », dont près de 7 milliards seront affectés au financement du régime général. Plus précisément, a indiqué François Baroin, 3,5 milliards seront consacrés au financement de la dette sociale et 3 milliards au financement de la réforme des retraites. Le reste – 450 millions d’euros – abondera la branche maladie.
Le projet de loi sera présenté en conseil des ministres le 13 octobre et débattu à l’Assemblée nationale à compter du 19 octobre.
Encore une fois, c’est la branche maladie qui fait plonger le solde du régime général dans le rouge. En 2009, elle accusait un déficit de 10,6 milliards, soit la moitié de celui du régime général (20,3 milliards). Selon la commission des comptes, la branche devrait afficher un solde négatif de 11,4 milliards en 2010 et de 11,6 milliards en 2011. En cause la croissance toujours soutenue des dépenses de soins de ville (de l’ordre de + 3,3 % en 2010) et une progression dynamique des honoraires paramédicaux (+ 5,7 %), des frais de transports (+ 5,9 %) et des indemnités journalières (+ 4,5 %). Pour contenir les dépenses, le gouvernement propose donc de voter un taux de progression de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) de 2,9 % en 2011 (contre 3 % en 2010) (2) et de 2,8 % en 2012 (3), dont le respect passe par une économie de 2,5 milliards d’euros pour chacune de ces années.
La ministre de la Santé a également fixé à 2,8 % le taux de progression de l’ONDAM « soins de ville ». Pour tenir cet objectif, elle a notamment annoncé des baisses des prix de médicaments et la poursuite de la convergence ciblée en matière de tarification à l’activité. Il faudra en outre « recentrer progressivement l’assurance maladie sur le financement des dépenses considérées comme les plus utiles médicalement, ce qui justifie les évolutions ciblées de taux de remboursement prévues en 2011 » (4), a-t-elle précisé. Roselyne Bachelot a également signalé la fin de la prise en charge systématique des dépenses de transports pour les patients atteints d’une affection de longue durée lorsque leur état ne le justifie pas. Economies attendues : 20 millions d’euros. Autre mesure : le passage de 91 € à 120 € du seuil de déclenchement de la participation forfaitaire de 18 € pour les actes coûteux, en ville et à l’hôpital. A noter : la ministre a confirmé que le tarif de la consultation chez les médecins généralistes passera de 22 à 23 € à compter du 1er janvier 2011.
Roselyne Bachelot souhaite aussi que l’aide à l’acquisition d’une couverture complémentaire santé profite à plus d’assurés : le plafond de ressources à ne pas dépasser pour en bénéficier devrait donc être fixé au plafond de ressources de la couverture maladie universelle (CMU) majoré de 26 % en 2011, puis de 30 % en 2012 (contre 20 % actuellement). Coût de la mesure : 23 millions d’euros en 2011 et 64 millions en 2012.
Par ailleurs, les crédits consacrés aux établissements de santé devraient progresser de 2,8 %. Le secteur médico-social devrait, quant à lui, voir ralentir la progression de son enveloppe : elle passera de 5,8 % en 2010 à 3,8 % en 2011. Deux raisons à cela : faire en sorte que l’ONDAM corresponde aux dépenses des établissements et services qui ouvriront ou se médicaliseront effectivement en 2011 et « éviter la constitution d’excédents au sein de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie » (5), a expliqué Nora Berra, secrétaire d’Etat chargée des aînés (sur les créations de places en établissements, voir encadré ci-dessous).
Selon la commission des comptes, le déficit de la branche famille était de 1,8 milliard d’euros en 2009 et devrait encore se creuser, pour atteindre 2,6 milliards en 2010 et 3 milliards en 2011. Cette évolution résulte de la progression des prestations familiales qui serait moins rapide en 2010 (+ 0,6 %) qu’en 2009 (+ 3,3 %), mais accélérerait de nouveau en 2011 (+ 1,5 %).
Afin de contenir les dépenses de la branche, la secrétaire d’Etat chargée de la famille a tout d’abord annoncé que la date d’ouverture des droits aux aides personnelles au logement serait harmonisée avec celle des minima sociaux. En effet, a-t-elle précisé, à l’heure actuelle, l’allocataire d’une aide au logement peut bénéficier d’une rétroactivité de trois mois précédant sa demande s’il en remplissait antérieurement les conditions d’octroi. Une possibilité qu’elle souhaite supprimer. Economies attendues : 240 millions d’euros.
En outre, Nadine Morano propose d’aligner la date d’effet de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant sur celle des autres prestations familiales. Concrètement, elle pourrait être versée au cours du mois suivant celui de la naissance de l’enfant (et non plus le mois de la naissance). Une mesure qui devrait permettre d’économiser 64 millions d’euros.
Le projet de loi modifie les règles de prescription appliquées aux actions intentées devant le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante. En 2010, plusieurs arrêts de la Cour de cassation ont en effet mis en évidence des difficultés relatives au point de départ retenu pour évaluer si le délai de prescription de quatre ans était dépassé ou non. « En 2009 et en 2010, près de 1 000 demandeurs n’ont [ainsi] pas pu faire prévaloir leurs droits en raison d’un dépassement du délai de prescription ». Pour remédier à cette situation, le gouvernement entend porter le délai de prescription à dix ans, avec un « point de départ identique pour toutes les victimes [fixé] à la date du certificat médical établissant le lien entre la maladie et l’exposition à l’amiante ». Un délai supplémentaire de deux ans sera accordé aux personnes dont les dossiers ont été rejetés pour dépassement du délai de prescription en 2009 et 2010.
Le PLFSS pour 2011 va également renforcer les dispositifs de lutte contre la fraude. Par exemple, illustre le gouvernement, « les personnes qui exercent une activité non autorisée mais rémunérée pendant un arrêt maladie pourront faire l’objet de sanctions qui s’ajouteront au remboursement des indemnités journalières ».
L’ONDAM « médico-social » 2011 devrait permettre de continuer la mise en œuvre du plan « solidarité grand âge » 2007-2012, en poursuivant la création de places nouvelles d’établissements, de services, d’accueils de jour et d’hébergements temporaires (1) et la médicalisation des maisons de retraite à un rythme identique à celui des années précédentes. Afin de favoriser le choix de vie à domicile, Nora Berra souhaite qu’« un rééquilibrage se fasse dans les deux dernières années du plan au profit des services à domicile ». Ces crédits serviront en outre à la montée en charge du plan Alzheimer 2008-2012 : création de 600 pôles d’activités et de soins adaptés et de 170 équipes mobiles de services de soins infirmiers à domicile « renforcés » ; ouverture de 35 nouvelles maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer ; déploiement de 75 nouvelles plates-formes de répit, en complément des accueils de jour et d’hébergement temporaire dédiés aux malades d’Alzheimer.
Par ailleurs, l’enveloppe « médico-social » permettra de poursuivre la création et la modernisation des établissements et services pour les personnes handicapées. S’agissant des enfants, le PLFSS pour 2011 prévoit de consacrer 3 millions d’euros pour la création ou l’extension de centres d’action médico-sociale précoce et de centres médico-psycho-pédagogiques. En outre, seront créées 677 places de services d’éducation spéciale et de soins à domicile et 369 places pour l’accueil des enfants autistes, polyhandicapés ou déficients intellectuels. Concernant les adultes, le gouvernement assure continuer de « se mobiliser pour résorber les listes d’attente existantes ». 969 places nouvelles en maisons d’accueil spécialisées et 1 968 places en foyers d’accueil médicalisé seront ainsi financées et 108 places de foyers de vie seront médicalisées. Du côté de l’offre de services à domicile, 213 places d’accueil temporaire et 571 places de services de soins infirmiers à domicile et de services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés seront créées.
(1) A l’heure actuelle, 85 000 places sur les 93 000 prévues par le plan ont été créées, soit 91 % des objectifs initiaux.
(1) Rapport disponible sur
(2) A cet égard, la ministre de la Santé a indiqué que le comité d’alerte avait été saisi pour avis sur la sincérité de l’ONDAM. Cet avis devrait être rendu avant que les discussions parlementaires sur le PLFSS pour 2011 ne commencent.
(3) Tous ces chiffres sont basés sur les hypothèses suivantes : une croissance de 1,5 % en 2010 et de 2 % en 2011, une progression de la masse salariale de + 2 % et de + 2,9 % sur ces mêmes périodes et une inflation prévisionnelle de + 1,5 % en 2010 et 2011.
(4) Ainsi, le taux de remboursement par la sécurité sociale des médicaments dont le service médical rendu est relativement moins important – dits à « vignettes bleues » – passera de 35 à 30 %.
(5) Selon la commission des comptes, en 2010, le solde comptable de la caisse resterait déficitaire de 193 millions d’euros (contre 474 millions en 2008). Toutefois, son résultat cumulé serait positif de 346 millions. Sa situation s’améliorerait encore en 2011 puisque son déficit serait de 141 millions, mais son résultat cumulé de 205 millions.