Après la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (1), c’est au tour de l’Observatoire pour la parité entre les femmes et les hommes – instance placée auprès du Premier ministre – de présenter, dans une note de synthèse (2), ses suggestions pour gommer les discriminations indirectes induites par le projet de loi portant réforme des retraites (3). Un texte qui, après avoir été récemment adopté par l’Assemblée nationale, doit être discuté au Sénat à compter du 5 octobre.
Avant toute chose, l’instance émet des réserves sur l’article 31 du projet de loi, qui prévoit de sanctionner certaines entreprises, à hauteur de 1 % de leur masse salariale au maximum, lorsqu’elles ne sont pas couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à l’égalité professionnelle. Plus précisément, l’article 31 stipule que le montant de la sanction sera évalué par l’autorité administrative, c’est-à-dire les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, et leurs unités territoriales. Or « l’estimation de ce montant devrait être faite « dans l’entreprise » » car ces directions ne disposent « pas de ressources humaines suffisantes pour remplir cette mission », indique l’observatoire.
En outre, cette disposition prévoit que le montant de la sanction sera fixé « en fonction des efforts constatés dans l’entreprise » et des « motifs de sa défaillance ». Une aberration pour l’observatoire, qui souligne que ces terminologies « ne sont ni des notions du code du travail, ni des catégories juridiques permettant un contrôle effectif » des mesures engagées par les entreprises. Pour lui, « les missions et le fonctionnement des directions du travail et l’imprécision du texte rendent un tel contrôle impossible. » Aussi l’instance suggère-t-elle que l’article 31 précise les conditions d’adoption de son décret d’application ainsi que les modalités de contrôle et de mise en œuvre de ses dispositions sur le modèle de l’emploi des seniors (domaines d’action précis, modalités de mise en œuvre progressive, modalités de suivi au sein de l’entreprise assorties d’objectifs chiffrés et d’indicateurs…). Si l’article 31 ne peut être amendé pour rendre effective la sanction envisagée, certains membres de l’observatoire ont dit souhaiter son retrait et l’élaboration d’une loi relative à l’égalité professionnelle (4).
Pour l’observatoire, il est indispensable de prendre en compte l’effet des interruptions de carrières des femmes sur leur retraite, auxquelles s’ajoutent les inégalités de salaire (5). L’instance propose notamment de maintenir l’âge légal de départ à la retraite sans décote à 65 ans pour les personnes ayant interrompu leur activité professionnelle pour charges familiales – une demande également formulée par la délégation des droits des femmes du Sénat (6) – et pour celles éligibles au minimum contributif.
L’instance recommande également de réformer de nouveau la majoration de durée d’assurance vieillesse pour enfant (7) en la portant de quatre à huit trimestres maximum par enfant pour le père ou la mère qui justifie d’une interruption de carrière pour élever ses enfants. Et préconise de fixer la durée d’assurance cotisée à 148 trimestres (37 ans), au lieu de 164 trimestres (41 ans) en 2012 (8), en cas d’interruption de carrière pour l’exercice des responsabilités familiales.
Par ailleurs, « afin de limiter l’impact des emplois à temps partiel sur le niveau des pensions de vieillesse des femmes, il faudrait inciter les deux parents à en assumer conjointement les conséquences », estime l’observatoire. Aussi propose-t-il de « faire cosigner la demande de temps partiel par les parents pour qu’ils s’engagent à partager les conséquences au moment du départ en retraite » et de « partager les trimestres manquants pour accéder au temps plein et/ou le montant de la pension ». A noter : l’instance recommande que les entreprises de 50 salariés et plus dont le nombre de salariés à temps partiel est au moins égal à 25 % de sa masse salariale soient soumises à une majoration de 5 % des cotisations patronales.
Enfin, l’observatoire propose de renforcer les droits de l’ex-conjoint non remarié du retraité. Il suggère ainsi d’ouvrir le droit à pension de réversion au moment du départ à la retraite de l’ex-conjoint et de prévoir le versement d’une fraction de la pension de vieillesse dans la limite de 1/3 pour l’ex-conjoint et au prorata de durée du mariage.
(2) Disponible sur
(3) Voir ASH n° 2664 du 18-06-10, p. 14 et 15, n° 2668-2669 du 16-07-10, p. 10 et n° 2673 du 10-09-10, p. 7.
(4) Pour l’observatoire, cette loi reposerait sur trois piliers : la négociation collective, la précarité et l’accès aux responsabilités.
(5) D’après la note de synthèse, le salaire des femmes est inférieur de 27 % à celui des hommes tous temps de travail confondus.
(6) La délégation a indiqué qu’elle proposerait un amendement en ce sens aux sénateurs. Plus généralement, elle a diffusé, le 28 septembre sur le site du Sénat (
(8) Rappelons que, depuis le 1er janvier 2009, la durée d’assurance cotisée augmente progressivement de un trimestre par an et par génération, pour atteindre 164 trimestres en 2012 (161 en 2009, 162 en 2010, 163 en 2011).