Faut-il revenir sur la suspension de l’obligation de vaccination par le BCG des enfants décidée en 2007 parallèlement au lancement d’un programme national de lutte contre la tuberculose (obligation remplacée par une recommandation forte de vaccination des enfants à risque de tuberculose) (1) ? C’est une des questions sur lesquelles Roselyne Bachelot a, l’an dernier, demandé au Haut Conseil de la santé publique (HCSP) de plancher, alors que les données de surveillance de cette maladie publiées en mars 2009 montraient une augmentation des cas de tuberculose et une couverture vaccinale insuffisante chez les enfants relevant de la recommandation (2).
La réponse – récemment rendue publique (3) – de la commission spécialisée « évaluation, stratégie et prospective » du HCSP à cette « récurrente question » est claire : pour les experts, il ne faut pas revenir sur la suspension de l’obligation vaccinale « tant que des données n’auront pas remis en cause l’argumentation qui a fondé la décision ».
« Les données dont on dispose aujourd’hui ne permettent d’imputer à [cette suspension] ni les changements observés au niveau des taux de déclaration, ni une hypothétique remontée de l’incidence de la maladie (4), ni une hypothétique augmentation du risque pour les jeunes enfants », écrit le Haut Conseil. S’agissant de la hausse des taux de déclaration, il note que « la plupart des experts estiment que la recherche de l’exhaustivité en matière de déclaration obligatoire a forcément provoqué un plus grand nombre de signalements ». Ainsi, pour l’instance, « il est difficile d’en déduire que l’incidence de la maladie a augmenté ». Toutefois, « il existe sans doute des indices de cette augmentation si l’on considère spécifiquement certains groupes de population ». Le HCSP évoque en particulier le cas des primo-arrivants demandant un visa de trois mois au moins, pour lesquels les données de l’Office français de l’immigration et de l’intégration font état d’une évolution assez nette entre 2008 et 2009. Mais « il s’agit là de personnes arrivant avec la maladie ». La suspension de l’obligation vaccinale n’est donc en rien responsable. Reste l’hypothétique augmentation du risque pour les jeunes enfants. Sur ce point, le Haut Conseil observe notamment que, d’après l’Institut de veille sanitaire, il n’y a pas eu d’augmentation des formes sévères de tuberculose chez les enfants de moins de 5 ans.
Signalons que, plus globalement, dans sa réponse à la ministre de la Santé, le HCSP passe au crible le programme de lutte contre la tuberculose et, sans remettre en cause la stratégie actuelle, propose plusieurs mesures rectificatives destinées à améliorer la lutte antituberculeuse. Il suggère entre autres d’engager, auprès des professionnels de soins, « une démarche volontariste de plaidoyer pour la vaccination des enfants à risque » ou bien encore de déléguer aux agences régionales de santé la gestion des activités opérationnelles de la lutte antituberculose dans les régions (vaccinations, dépistages, enquêtes autour d’un cas, prise en charge des malades).
(2) Rappelons que les enfants concernés sont ceux qui répondent à au moins un des critères suivants : être nés dans un pays de forte endémie tuberculeuse, avoir au moins un parent originaire d’un de ces pays, y séjourner au moins un mois d’affilée, avoir des antécédents familiaux de tuberculose, résider en Ile-de-France ou en Guyane ou être dans toute situation jugée par le médecin à risque d’exposition au bacille tuberculeux (c’est-à-dire, notamment, vivre dans des conditions de logement défavorables – habitat précaire ou surpeuplé – ou socio-économiques défavorables ou précaires, ou encore être en contact régulier avec des adultes originaires d’un pays de forte endémie).
(3) Rapport d’évaluation du programme national de lutte contre la tuberculose 2007-2009 – Disponible sur
(4) Terme d’épidémiologie, l’« incidence » est le nombre de nouveaux cas d’une maladie observés pendant une période et pour une population déterminée.