Comment parfaire et compléter les actions visant à maintenir ou à mieux accueillir dans la sphère éducative des élèves qui, du fait de handicaps ou de difficultés majeures, risqueraient de s’en trouver exclus ou d’y être mal intégrés ? L’inspection générale de l’Education nationale et celle de l’administration de l’Education nationale et de la Recherche nourrissent la réflexion sur cette question dans leur dernier rapport annuel commun (1). Selon elles, « bien qu’encore imparfaits ou incomplets en raison surtout de leur création récente, [les dispositifs éducatifs et pédagogiques visant à assurer une meilleure égalité des chances entre les jeunes] portent très certainement les promesses d’une école plus équitable ».
Les dispositifs passés au crible par les deux inspections, « au-delà de leur apparence disparate », participent d’une même approche, inédite dans le paysage scolaire français, celle de l’inclusion. Dans cette optique, ce n’est plus à l’élève de s’adapter à l’école et à l’enseignement, logique à l’œuvre dans l’intégration. Ce sont, au contraire, les écoles et l’enseignement qui doivent s’ajuster aux besoins de chaque élève, quelles que soient les différences dues à l’origine sociale et culturelle ou aux caractéristiques individuelles. L’inclusion suppose ainsi de « transformer les systèmes éducatifs et les écoles afin de les rendre capables de répondre à la diversité des besoins d’apprentissage des élèves ».
Le virage a été pris avec la loi « handicap » du 11 février 2005. Les observations effectuées dans les académies montrent toutefois que la scolarisation des élèves handicapés dans le second degré « prend encore trop souvent l’allure d’un simple accueil, non dénué de générosité ou de bonne volonté la plupart du temps, mais rarement assorti d’un enseignement digne de ce nom », souligne le rapport. Pour les inspections, le pilotage académique est « encore à consolider », avec une mobilisation inégale des recteurs.
La scolarisation des élèves nouvellement arrivés en France n’échappe également pas à la critique, le rapport dénonçant « une politique diversement soutenue et très peu évaluée ». Celle des enfants des familles gitanes rime quant à elle avec… ségrégation. « Les élèves de familles gitanes appellent d’emblée un traitement à part », soulignent ainsi les inspections. Et d’expliquer : « L’étude n’a pas relevé d’établissements dans lesquels les difficultés pédagogiques les concernant soient abordées exclusivement comme des difficultés pédagogiques associées ». Mais, « même si celles-ci sont corrélées à des difficultés relevant de la grande pauvreté ou de l’intégration, on ne manque jamais de les associer, de façon inégalement fondée, à des manières de vivre, à des stéréotypes, voire à des préjugés ». « Tantôt il y a des classes gitanes, non reconnues comme telles ; tantôt on évite de créer ces classes et on disperse les élèves de familles gitanes. » « Ce refus délibéré de les distinguer les identifie tout autant », analyse la mission.
Les inspections se penchent aussi sur l’enseignement dispensé aux mineurs placés en centres éducatifs fermés ou détenus. D’une manière générale, elles regrettent que ne soit pas mieux affirmée « la volonté de ne pas interrompre, au moment de la sortie, le processus de scolarisation construit pendant la détention ou le placement ». Et en appellent notamment à « un partenariat renforcé entre l’Education nationale et la protection judiciaire de la jeunesse, à l’intérieur comme à l’extérieur du lieu de privation de liberté ». Pour les détenus majeurs, le dispositif d’enseignement est « reconnu et apprécié par tous les acteurs de l’espace pénitentiaire » mais, là encore, le pilotage mériterait d’être renforcé, selon les inspections.
Au-delà, le rapport égratigne les « réseaux ambition réussite ». Il juge en particulier sévèrement le dispositif des professeurs référents, dont « le recrutement obéit moins à une vocation réelle ou à des compétences appropriées qu’à des demandes de mutation pour convenances personnelles ou après accord interne avec l’établissement ». Autre grief : les enseignants sont « tout à fait démunis devant l’exigence d’une pédagogie différenciée ». La conséquence du fait que « l’individualisation s’inscrit dans la remédiation et non dans les situations d’apprentissage au cœur de la classe, c’est-à-dire qu’elle est liée soit au redoublement des élèves les plus faibles soit à l’extraction des meilleurs d’entre eux ». Du reste, « dans la plupart des réseaux, le terme d’“individualisation” semble simplement synonyme de “travail en petits groupes” d’élèves rassemblés en “aide et soutien” ».
D’autres dispositifs échappent plus à la critique, voire sont jugés globalement positivement. Il en est ainsi, par exemple, des internats de réussite éducative, « susceptible[s] d’apporter une réponse adaptée à des enfants très jeunes ou en très grande difficulté ». « L’engagement des acteurs est à cet égard significatif et permet de contribuer très sensiblement à résoudre des situations très délicates conduisant souvent les jeunes concernés vers des impasses. » Mais les inspections déplorent que le coût en soit non seulement « élevé, mais surtout insuffisamment contrôlé ». Et, dès lors, estiment que le public visé « doit être précisé, car il ne peut pas s’agir d’un dispositif destiné à un objectif massif de réussite scolaire ».
(1) Rapport annuel des inspections générales 2009 – Disp. sur