Le programme interdépartemental d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie (PRIAC) a « toute son utilité pour la mise en œuvre des dispositions de la loi du 21 juillet 2009 [portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi « HPST »] dans le secteur médico-social ». Selon un récent rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) (1), le PRIAC remplit un rôle essentiel en imposant chaque année une réflexion sur les besoins et les priorités en termes d’équipements médico-sociaux. Pour autant, cet outil de programmation est complexe, souligne l’IGAS. Pointant ses faiblesses actuelles, elle formule 26 recommandations pour adapter le PRIAC à la réforme issue de la loi « HPST », et notamment à la création des agences régionales de santé (ARS) compétentes en matière médico-sociale (2).
Le PRIAC, qui couvre une période quinquennale, est l’outil de programmation des financements issus des divers plans nationaux en direction des personnes âgées et des personnes handicapées (plan « solidarité grand âge », plan « Alzheimer », programme pluriannuel de création de places dans les établissements et services pour personnes handicapées, plan « autisme »…). Ces financements et ces plans visent à rattraper les retards observés dans l’adaptation du parc des équipements et services aux besoins des publics concernés et à corriger les disparités inter et infra-régionales, rappelle l’IGAS. A ce titre, le PRIAC est donc censé contribuer à la réduction des disparités d’équipement.
Les constats posés par le rapport reposent sur des évaluations locales dans sept départements de trois régions différentes. Ainsi, l’IGAS relève que la construction du PRIAC et l’engagement de mesures nouvelles sont organisés dans un « cadre normé » et un « calendrier contraint ». Les modalités de préparation du PRIAC sont « très cadrées » par la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). « On peut à cet égard parler de véritable “campagne” d’instruction annuelle du PRIAC, laquelle se chevauche avec la “campagne” budgétaire », estime l’IGAS. De plus, l’actualisation annuelle des PRIAC, sur la base des instructions de la CNSA communiquées à la fin de chaque année, « s’avère complexe à gérercompte tenu du caractère à la fois actualisable (il est possible de revoir annuellement le classement des opérations) et “glissant” du PRIAC (il est possible d’anticiper ou de différer le financement de projets en fonction de leur degré d’urgence ou de la capacité des promoteurs à les réaliser effectivement) ». Autre source de complexité : le caractère cyclique du PRIAC et le « niveau de renseignement très fin » qu’il nécessite (par types de populations concernées, par secteurs géographiques, par tranches annuelles de prévision puis de réalisation).
Une des faiblesses du dispositif réside dans l’évaluation des besoins. Dans le domaine des personnes âgées, cela est en partie dû aux difficultés du décompte des orientations souhaitables et à l’insuffisance des indicateurs de pression de la demande. Sur ce point, l’IGAS recommande que la CNSA et les ARS présentent en 2011 au plan régional et au plan national l’état des besoins et le suivi des créations de places en distinguant le type de dépendance des personnes (altération des fonctions cognitives, dépendance physique ou les deux). Dans le secteur des personnes handicapées, la difficulté d’évaluer les besoins est liée à l’impossibilité pour les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) de procéder à un recensement fiable et exhaustif des orientations souhaitables. Aussi l’IGAS préconise-t-elle de rendre systématique la production par les MDPH d’un décompte des orientations souhaitées en vue d’apprécier les besoins de prise en charge des personnes handicapées. La CNSA serait chargée de la mise en œuvre de cette mesure dont l’échéance serait fixée à 2012. Autres recommandations : la distinction dans les propositions de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées des orientations souhaitées et des orientations prononcées en fonction de l’offre existante ainsi que le calcul des taux d’équipements des différents établissements par types de handicaps.
Les besoins sont encore trop souvent évalués à l’échelle du département et non par territoires, pointe encore l’IGAS. La coordination est également perfectible avec les services de l’Education nationale et la concertation avec les conseils généraux revêt encore un aspect très formel à l’échelon régional. Autre limite du PRIAC : « du fait qu’il ne porte que sur les crédits destinés aux créations nouvelles, aux extensions et aux transformations, [il] ne concerne qu’un nombre limité de places, au regard du parc existant ». C’est pourquoi « la programmation qu’il exprime ne peut à elle seule assurer une véritable réduction des inégalités d’équipements, entre les régions et au sein de chacune », estime l’IGAS. « L’atteinte [de cet] objectif supposerait que l’on puisse remettre en question les situations acquises plus vigoureusement qu’aujourd’hui. » L’IGAS recommande que, d’ici à 2012, la CNSA et les ARS soient en mesure « d’asseoir réellement la programmation des financements du PRIAC sur des indicateurs de besoins et de détection des inégalités déterminés par territoires infra-départementaux ».
L’IGAS estime que le PRIAC doit « gagner en précision, à la fois dans la description des opérations à retenir et dans la définition des territoires d’intervention ». Et souligne que cette évolution est rendue nécessaire par la nouvelle procédure d’autorisation des établissements médico-sociaux par appel à projet, entrée en vigueur le 1er août dernier (3), « qui ne devra laisser d’ambiguïté ni sur la nature exacte du besoin à satisfaire, ni sur la zone d’implantation souhaitable des places nouvelles, ni sur leur coût ». En outre, « la définition des besoins à satisfaire doit être assurée au niveau régional, sous le pilotage des ARS, concomitamment aux impératifs de mise en œuvre des plans nationaux ». « C’est à cet échelon que le critère du taux d’équipement devra ne représenter qu’un élément de la décision, à côté des travaux réalisés ou à lancer sur les caractéristiques et les attentes de la population à desservir. » Le PRIAC doit donc être régional et non plus interdépartemental, du fait de l’abandon des notifications départementales de la CNSA. Les marges de manœuvre conférées aux ARS devraient permettre, selon l’IGAS, de resserrer dans le temps le financement des projets « et, partant, de diminuer les risques de différé de réalisation des opérations comme ceux de sous-consommation des crédits délégués ».
La capacité plus grande de priorisation des projets par les ARS doit pouvoir s’exercer dans le cadre d’une concertation renforcée avec les conseils généraux. Selon l’IGAS, une programmation plus souple est à prévoir pour ce qui relève des financements partagés avec les conseils généraux. Elle devrait reposer sur une capacité régionale à adapter le calendrier des opérations à retenir, notamment en fonction de la disponibilité financière des conseils généraux. Sur ce sujet, l’IGAS recommande de prévoir, dès 2010, en plus de la démarche participative initiée dans les instances de concertation régionales, une consultation étroite des conseils généraux en amont de l’élaboration du plan stratégique régional de santé et en aval du schéma régional d’organisation médico-sociale, au moment de la préparation du PRIAC. A destination de la CNSA, elle préconise de « conserver un PRIAC glissant et actualisable en tant que support de la concertation avec les conseils généraux ».
Signalons, enfin, parmi les autres recommandations de l’IGAS : la création d’un fonds de modernisation du secteur médico-social pour accompagner la mise en place des projets de création ou de transformation de places prévues dans les PRIAC, la pondération des taux d’équipement régionaux et départementaux en fonction du nombre de personnes extérieures accueillies ou encore la traduction dans les PRIAC des orientations partagées entre le sanitaire et le médico-social pour la part de financement relevant de l’ONDAM médico-social.
(1) Rapport relatif à l’évaluation des PRIAC – IGAS – Juillet 2010 – Disp. sur