Il est jaloux du corps des jeunes hommes de son âge. Comparaison, doute, colère, souffrance. Il est en proie aux passions, et ça le ronge. L’auteur-narrateur parle parfois à la troisième personne, il s’observe tenir son journal, ce « Traité des passions » qu’il écrit « un peu pour rendre service, beaucoup pour [se] soigner ». Car Alexandre Jollien, auteur reconnu, qui ne cesse de prôner – dans ses livres ou lors de ses conférences – le détachement, est en fait obsédé par ses « quintes passionnelles ».
Mais ce n’est pas tout. Jollien a un second maître, confie-t-il : son handicap. Infirme moteur cérébral, il a vécu dix-sept ans dans une institution spécialisée. C’est ce qui l’a mené, adolescent, à questionner les philosophes. Comme on lit un guide de survie, il a cherché une sagesse pratique, qui l’aide à vivre avec son handicap, et tout simplement avec ses faiblesses d’être humain. Après Eloge de la faiblesse (Ed. Cerf, 1999), Le métier d’homme et La construction de soi (Ed. Seuil, 2002 et 2006), Alexandre Jollien poursuit le récit de cet apprentissage quotidien : la petite leçon de philosophie le matin à ses enfants, le combat heure par heure avec la frustration, l’attachement excessif à un ami, les passants qui se moquent, ceux qui demandent un autographe, et toujours les efforts pour appliquer les préceptes sages, particulièrement ceux du bouddhisme chinois. Se mettre à nu et l’accepter. C’est ce voyage inabouti qu’Alexandre Jollien raconte avec une grande sincérité. Il n’a pas trouvé la gare d’arrivée, et c’est ce qui donne envie de le suivre.
Le philosophe nu – Alexandre Jollien – Ed. Le Seuil – 15 € –