Défilé délictueux

Section P12 du parquet du Palais de justice de Paris, véritable tour de contrôle de la délinquance parisienne. Chaque année, 40 000 hommes et femmes y défilent, menottés. Le lieu idéal pour tourner un polar. D’ailleurs Récidivistes en a toutes les caractéristiques : les gueules cassées, les crimes, la musique à suspense, sans oublier son « héroïne », Naïma Rudloff, vice-procureure de la République, petit bonhomme de femme à la poigne de fer. En fait, Récidivistes est un documentaire. Réalisé ces derniers mois par Cyril Denvers et Laurent Ramamomjiarisoa, il nous dépeint un panorama de la délinquance « ordinaire » à travers le quotidien exténuant des professionnels de cette section de permanence judiciaire où sont traités en temps réel les dossiers de crimes et délits de la capitale. Les récidivistes y représentent un tiers des prévenus. Beaucoup parmi les « habitués » ont accepté d’être filmés à visage découvert. Trafic de crack, hold-up, viol, violences conjugales… sans exception, ils se positionnent comme des victimes, nient l’acte commis ou le minimisent, s’emportent contre la justice, l’injustice. Chacune de ses longues journées, Naïma Rudloff voit défiler une cin­quantaine de personnes, auxquelles elle n’hésite pas à remonter les bretelles : « Qu’est-ce qu’on va faire de vous ? », s’emporte-t-elle face à un jeune homme de 22 ans, passé trois fois déjà par la case prison pour vols. L’entretien terminé, elle précise : « Il ne faut pas rentrer dans leur système de victimisation, mais leur faire sentir qu’ils restent maîtres de leur destin. » Le reportage sait également se montrer critique envers la politique pénale actuelle, en filmant avocats et magistrats qui pointent l’absurdité du système. « Ces récidivistes sont en manque de repères, de structure, ce sont des paumés à qui nous n’avons pas beaucoup d’autres outils à ­proposer que la détention », regrette Jean-Claude Marin, procureur de la République. Naïma Rudloff rappelle néanmoins que la majorité des gens qui passent dans son bureau n’y reviennent jamais plus. Les récidivistes sont finalement des exceptions, « mais certains affichent un véritable palmarès »…