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« TRAVAILLER AVEC LES GROUPES DE JEUNES : UNE APPROCHE CLINIQUE »

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Dans un contexte de médiatisation des « bandes », le Conseil technique des clubs et équipes de prévention spécialisée (CTPS) publie un rapport sur les pratiques éducatives auprès des groupes de jeunes (1). Explications de Bernard Monnier, président de la commission « groupes de jeunes et pratiques éducatives » du CTPS.

Pourquoi un rapport sur ce sujet ?

Depuis que nous avons commencé ce travail, il y a deux ans, la question de l’insécurité liée aux groupes de jeunes, désignés par le terme de « bandes », est devenue plus prégnante. Nous voulons faire comprendre, à partir d’expériences de terrain, ce que sont ces groupes pour contribuer à modifier les regards et les préjugés. L’enjeu est de redéfinir le groupe de pairs – qui n’est pas toujours pathogène – comme un élément de la socialisation adolescente, et de valoriser les pratiques des équipes de prévention, dont l’intervention s’inscrit dans une stratégie éducative sur un territoire. Nous montrons que ces pratiques avec les groupes de jeunes recourent à des méthodologies éprouvées, qui ne peuvent être évaluées selon les indicateurs habituels privilégiant l’approche individuelle.

Ne sont-elles pas en tension avec la commande publique ?

Historiquement, le travail avec les groupes s’inscrit dans l’expérience et dans la commande de la prévention spécialisée. Mais du fait de l’individualisation des interventions, depuis les années 1970-1980, cette forme d’action s’est appauvrie ou n’a pas été valorisée. Actuellement, nous assistons à une autre logique : l’injonction au travail avec les groupes, non pas dans un objectif éducatif, mais de prévention « situationnelle » (2), voire de répression. Certains contrats d’arrondissement de sécurité parisiens demandent ainsi à la prévention spécialisée de contribuer, par la transmission d’informations nominatives, aux cellules d’observation des phénomènes de bande ! Les associations et les équipes doivent se référer aux valeurs et à la déontologie de leur métier et s’assurer que la finalité de leur action est strictement éducative. Si cette dernière est bien menée, elle contribue à la sécurité.

Quelle est la spécificité de ce travail ?

Il ne s’organise pas a priori, mais à partir d’une démarche de rencontre, de diagnostic et de participation tenant compte de la temporalité de la vie des jeunes et des lieux qu’ils investissent. L’analyse permanente du fonctionnement du groupe permet de construire une méthodologie d’intervention en temps réel. Ce travail peut faire évoluer la structure vivante qu’est le groupe, qui est lui-même un vecteur de socialisation indispensable au processus éducatif. Il peut aussi mener à une activité organisée autour d’un projet ou, si nécessaire, conduire à l’éclatement du groupe « naturel ». Cette approche clinique articule les différentes dimensions de la prévention spécialisée : travail individuel, collectif, avec les familles…

Quelles sont vos recommandations ?

De prendre en compte la diversité des groupes de jeunes et de dépasser les événements pour favoriser leur compréhension, en tenant compte des facteurs économiques et sociaux. L’existence de ces groupes ne peut expliquer les phénomènes de violences collectives, qui traduisent une solidarité émotionnelle et réactive de jeunes qui ne se connaissent pas forcément, mais partagent des expériences similaires d’exclusion ou d’injustice. Un fait de violence est d’ailleurs toujours retravaillé sur le terrain par les éducateurs. Quant au travail avec les groupes proprement dit, qui doit permettre à la prévention spécialisée de participer aux diagnostics sociaux de territoire, il doit être valorisé. Il devrait être défini dans les projets associatifs et de service, transmis aux professionnels de terrain grâce à l’analyse des pratiques et pris en compte dans les formations. Il conviendrait aussi de lever les freins réglementaires : certaines actions ne sont pas engagées pour ne pas contrevenir aux dispositions sur les durées cumulées du temps de travail… Il est, par ailleurs, de la responsabilité des professionnels et du CTPS d’entrer dans un travail patient d’explication du sens de l’éducatif, notamment auprès des élus. La prise en compte des processus de socialisation des adolescents par tous les adultes de la communauté de vie est nécessaire pour éviter de se référer aux seules carences éducatives parentales ou au prétendu danger que représentent les groupes de jeunes.

Notes

(1) Disponible sur www.travail-solidarite.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_groupe_de_jeunes_et_pratiques_educatives_en_prevention_specialisee.pdf – Voir l’article sur www.ash.tm.fr.

(2) Qui s’attache à éviter des situations à risque ou de trouble à l’ordre public.

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