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Roms : un débat entre angélisme et diabolisation

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Le débat sur les Roms nous interroge sur les peurs à l’œuvre dans notre corps social, et nous confronte peut-être à une « ethnicisation » croissante de la mise en jeu de seuils de tolérance. Bien sûr, les premières questions qui surgissent sont celles de la stigmatisation, avec son cortège d’amalgames (entre gens du voyage et Roms, entre Roms et Roumains), et de son utilisation à des fins largement tactiques. La responsabilité des politiques et des gouvernants est-elle de devancer ou de solliciter les peurs sociales ? Dans ce type de débats, la seule alternative est-elle entre angélisme et diabolisation ? Ces débats mettent aussi en lumière un certain nombre de flottements ou de contradictions.

Tout d’abord, la libre circulation des personnes dans l’espace européen peut-elle s’accommoder, pour les Roumains, d’un régime transitoire qui permet d’organiser l’insécurité du séjour dans un autre Etat membre au bout de trois mois ? Comment peut-on concilier cet état de fait avec le modèle d’intégration européen et, pour reprendre la terminologie communautaire, les « stratégies d’inclusion active » ?

Ensuite, la proscription en France des statistiques par origine nationale ou ethnique est-elle à géométrie variable ? Je suis de ceux qui pensent que cette proscription vertueuse peut avoir des effets ambivalents, voire hypocrites, ne serait-ce que parce qu’elle rend difficile la mesure d’éventuelles discriminations en fonction de l’origine ou un ciblage plus fin des politiques d’intégration. Mais on ne peut éviter de se poser la question de son caractère variable lorsque est publiquement évoqué un taux de délinquance des migrants roumains supérieur à la moyenne. Peut-on par ailleurs, à Paris comme à Bruxelles, se dispenser de toute évaluation des efforts accomplis pour l’intégration des gens du voyage en général et des Roms en particulier ? Fait-on appliquer en France les obligations légales sur l’accueil des gens du voyage et l’aménagement des aires de stationnement pour nomades ? Les obligations fixées à l’origine par une loi de 1990 sur l’habitat des plus démunis ont été à plusieurs reprises confortées et précisées par le législateur. Ne pourrait-on disposer d’une évaluation complète des progrès et des difficultés dans l’application de ces dispositions avant de fixer des objectifs d’évacuation des campements sauvages ? Ne pourrait-on, au plan européen, mieux évaluer l’impact effectif des programmes mis en place sous l’égide de la Commission, financièrement substantiels mais dont les effets sont plaqués sur des contextes nationaux qui, en Europe centrale, paraissent encore trop souvent marqués par des pratiques d’exclusion ? Les effets de ces programmes ne risquent-ils pas d’être dilués si la volonté politique des autorités nationales ou locales reste hésitante ?

Enfin, l’évolution des mentalités et des comportements, en matière de tolérance des différences ou des singularités, apparaît très diverse. Même s’il reste encore pas mal de chemin à parcourir, l’acceptation du handicap a fait de sérieux progrès depuis trente ans. Nous sommes devenus un peu plus tolérants, dans la dernière période, en matière de différence d’orientation sexuelle. Il n’est pas sûr que nous ayons accompli des progrès sensibles en matière d’acceptation des grands marginaux et des SDF, comme en témoignent encore les difficultés d’ouverture de structures d’accueil dans certains quartiers urbains ou des controverses récurrentes sur la mendicité. Au moins peut-on considérer comme des signes encourageants la prise de conscience et l’engagement de beaucoup d’élus et, parfois, la mobilisation de solidarités locales. Mais des groupes comme les Roms se heurtent sans doute aux seuils de tolérance parmi les plus restrictifs et les plus immuables. L’assimilation dans l’opinion publique entre Roms et trafics en tout genre, délinquance et troubles de voisinage est vivace, et pas nécessairement concentrée chez les personnes vivant au contact de campements. Réflexes ethniques ? Stéréotypes de malédiction associés aux peuples de l’errance ? Rejet des fortes identités communautaires ? Etrangeté des Roms ? Encore faudrait-il savoir ce qui fait l’étrangeté des autres.

Pourquoi ces évolutions différenciées en matière d’acceptation ou de rejet de la différence ? Nous devons y réfléchir pour maintenir, selon les uns, ou bâtir, selon les autres, une société plus ouverte malgré la pression de la crise sociale et les peurs qu’elle aiguise. Nous devons aussi y réfléchir pour mieux prendre en compte la dimension culturelle ou interculturelle des politiques d’intégration. Nous avions, en matière de populations nomades, un dispositif correspondant à notre conception traditionnelle du pacte républicain, visant à l’intégration des gens du voyage et disposant à cet effet d’outils de concertation et de coordination interministérielle, mais ouverte au dialogue avec les cultures et les communautés. Il devient urgent de le réinventer.

Le point de vue de…

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