Alors que les discussions autour de la réforme des retraites font rage (1), la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) s’est invitée dans le débat, notamment pour « alerter [les pouvoirs publics] sur les effets que cette réforme, en l’état, pourrait induire sur la situation des femmes ». Dans une délibération adoptée le 13 septembre, elle constate que, « en 2004 par exemple, les femmes retraitées de 60 ans et plus percevaient une retraite en moyenne équivalente à 62 % de celle perçue par les hommes ». Ces femmes ont validé en moyenne 20 trimestres de moins que les hommes et seules 44 % d’entre elles ont eu une carrière complète, contre 86 % des hommes. Cette situation résulte « pour beaucoup des inégalités professionnelles [et par là, de salaires] et des discriminations que les femmes subissent en amont tout au long de leur carrière » (2), soutient la HALDE, qui formule une série de propositions pour agir sur la retraite des femmes.
Selon l’instance, la réforme du système de retraite doit prendre en compte les paramètres majeurs de calcul des pensions de vieillesse qui pénalisent les femmes. Or, estime-t-elle, le report de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans d’ici à 2018 (3), mesure phare du projet de loi, va « induire des effets différenciés selon le sexe ». En effet, « compte tenu du mode de calcul des retraites, les femmes totalisent avec difficulté le nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier de la retraite à taux plein. C’est pourquoi elles sont plus nombreuses à devoir travailler jusqu’au seuil de départ à taux plein (65 ans) », explique-t-elle. Au final, le relèvement progressif de l’âge du départ à la retraite à taux plein – 67 ans d’ici à 2018 – risque de pénaliser les femmes plus que les hommes. Pour éviter que la réforme des retraites ait un « impact disproportionné sur les femmes qui soit constitutif d’une discrimination indirecte », la HALDE suggère de « construire des systèmes de compensation ». Par exemple, elle préconise de permettre aux personnes travaillant à temps partiel de cotiser sur la base d’un temps complet avec participation de l’employeur. Actuellement, 30,2 % des femmes occupent des emplois à temps partiel, ce qui les pénalise pour le calcul de la pension de vieillesse puisque les salaires pris en compte sont bas et les trimestres cotisés requis insuffisants. L’instance recommande aussi de « prendre en compte les 100 meilleurs trimestres et non les 25 meilleures années pour la détermination du montant de la pension ». Certes, cela correspond à la même durée de cotisation, mais, explique-t-elle, prendre en compte le meilleur trimestre permettrait de ne « pas aggraver au moment de la retraite les effets de la précarité [que les femmes] ont déjà connus tout au long de leur activité ».
S’agissant des paramètres qui touchent aux droits conjugaux et familiaux, la HALDE préconise une nouvelle fois d’ouvrir le droit au versement de la pension de réversion au partenaire pacsé survivant (4). Elle suggère également de maintenir à 65 ans l’âge d’obtention de la retraite à taux plein pour les personnes ayant pris un congé parental ou un congé pour apporter des soins à un enfant ou un parent malade. « Toutefois, souligne la Haute Autorité, cette mesure ne doit venir qu’en complément des efforts menés ou à mener par les pouvoirs publics tendant à une meilleure prise en charge collective de ces situations (garde des enfants et dépendance). » En outre, elle souhaite que l’allocation versée durant le congé parental soit augmentée sur une durée à fixer afin de faciliter l’accès à ce congé et de permettre un meilleur partage des tâches domestiques entre les parents, ce qui offrirait au final aux femmes de meilleures conditions de retour à l’activité professionnelle. Signalons enfin que la HALDE se dit satisfaite de l’adoption, en première lecture par les députés, de l’article 30 du projet de loi réformant les retraites permettant la prise en compte, dans le calcul des retraites, des indemnités journalières versées au cours du congé maternité.
(1) Le projet de loi portant réforme des retraites a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 15 septembre et devrait être débattu au Sénat à compter du 5 octobre prochain.
(2) Pour la Haute Autorité, « rendre effective la loi sur l’égalité professionnelle, réduire les causes structurelles des écarts de salaire entre les femmes et les hommes, lutter contre les discriminations, lutter contre le temps partiel subi, développer des modes d’accueil des jeunes enfants restent d’actualité ». D’ailleurs, elle demande aux pouvoirs publics de s’engager plus avant dans ces domaines.
(3) Le projet de loi prévoit d’augmenter l’âge légal de départ à la retraite de quatre mois par an, pour atteindre 62 ans en 2018.
(4) Dans une précédente délibération, la Haute Autorité avait en effet jugé discriminatoire le fait de subordonner le droit à la pension de réversion à une condition de mariage – Voir ASH n° 2564 du 27-06-08, p. 10.