Dans une décision rendue le 16 septembre, le Conseil constitutionnel a jugé le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) conforme à la Constitution, en émettant toutefois à son encontre deux réserves d’interprétation.
Pour mémoire, le FNAEG a été créé par la loi du 17 juin 1998 relative à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs. A l’origine, il a été conçu pour centraliser les traces et empreintes génétiques des personnes condamnées pour des infractions à caractère sexuel mais son champ d’application n’a cessé de s’élargir depuis sous l’effet de plusieurs textes, tant et si bien que peuvent même y figurer aujourd’hui des personnes qui n’ont pas encore été condamnées mais à l’encontre desquelles il existe des indices graves et concordants rendant vraisemblable qu’elles aient commis une des infractions visées. La liste de celles-ci s’est, en outre, considérablement allongée (1).
Les sages étaient saisis dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité et ont écarté la plupart des griefs formulés par le requérant. Ces derniers étaient fondés notamment « sur la liberté individuelle dont l’article 66 de la Constitution confie la protection à l’autorité judiciaire » ou bien encore sur « les principes de sauvegarde de la dignité humaine et d’inviolabilité du corps humain, le respect de la vie privée [et] la présomption d’innocence résultant de l’article 9 de la Déclaration de 1789 », a expliqué la Haute Juridiction dans un communiqué. Pour écarter ces griefs, le conseil a notamment relevé que les dispositions contestées interdisent de procéder à un examen des caractéristiques génétiques des personnes ayant subi un prélèvement. Il s’agit seulement d’une identification de l’individu. De même, les sages ont relevé que le recours au FNAEG est permis dans le cadre d’enquêtes pour des infractions où l’empreinte génétique peut utilement concourir à la manifestation de la vérité. Enfin, ils ont rappelé l’ensemble des garanties résultant du code de procédure pénale (fichier sous le contrôle d’un magistrat, procédure d’effacement, contrôle de la commission nationale de l’informatique et des libertés, droit d’accès des intéressés…).
Mais le Conseil constitutionnel a, dans le même temps, émis deux réserves d’interprétation fondées sur l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789. La première concerne les infractions permettant un prélèvement d’empreintes génétiques aux fins de rapprochement avec les données du fichier. Un point sur lequel les termes de la loi sont ambigus puisqu’ils visent « toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis un crime ou un délit ». La Haute Juridiction a ainsi spécifié que la loi devait s’interpréter comme limitant ce prélèvement uniquement à l’égard des personnes soupçonnées d’avoir commis les crimes ou délits énumérés à l’article 706-55 du code de procédure pénale (infractions de nature sexuelle, crimes et délits d’atteintes volontaires à la vie de la personne, de torture et actes de barbarie, de violences volontaires, de menaces d’atteintes aux personnes, d’atteintes aux libertés de la personne, de traite des êtres humains, de proxénétisme, d’exploitation de la mendicité et de mise en péril des mineurs…).
La seconde réserve porte sur la durée de conservation des empreintes au fichier, dont la loi a confié la fixation à un décret. Pour le Conseil constitutionnel, cette mesure de renvoi au pouvoir réglementaire est conforme à la Constitution sous réserve que la durée ainsi fixée soit proportionnée à la nature ou à la gravité des infractions concernées et adaptée aux spécificités de la délinquance des mineurs. Dans l’hypothèse où le décret serait attaqué, des durées que la juridiction saisie jugerait excessives pourraient donc être sanctionnées. Actuellement, des empreintes peuvent être conservées jusqu’à 25 ans pour un suspect et 40 ans pour un condamné. Et les mêmes règles sont appliquées aux majeurs comme aux mineurs.